Banque centrale de Frank Chevallay
Banque centrale de Frank Chevallay, mise en scène d’Alexandre Zloto et Frank Chevallay
Nous avions vu l’an passé sur la plus grande scène de ce même théâtre Les Banquiers, une charge très drôle (voir Le Théâtre du Blog) sur l’affairisme des banques et sur les méthodes qu’elles emploient pour gruger sans aucun état d’âme les petits épargnants. Dans une belle cave voûtée mais sur un tout petit plateau inconfortable, le comédien reprend un spectacle qui traite de ce même thème: la finance, les banques et le pouvoir. Cela se passe dans un hôpital psychiatrique où un malade se prend pour l’Etat, et essaye de résoudre ses ennuis financiers, en faisant des calculs à partir du sac de morceaux de sucre distribué chaque semaine aux patients…
Comme le montre bien Olivier Pastre dans La Banque, les activités de prêt existaient déjà en Mésopotamie vers 2.000 avant J.C. Les opérations portaient, non pas sur la monnaie mais sur des biens précieux. Avec des “banquiers”, alors simples loueurs de coffres et prêteurs sur gages. On connait la suite, avec déjà l’invention des chèques dans la Rome antique, l’activité bancaire des marchands lombards au XIIIème siècle qui pratiquent le prêt à intérêt, le compte à vue, et la lettre de crédit, toutes inventions qui vont favoriser l’essor du capitalisme en Europe; comme hier avec les chèques, ou maintenant par Internet, c’est de l’argent fictif qui circule: il n’y a plus ainsi besoin de transporter de la monnaie métallique sur des routes dangereuses parce qu’infestées de brigands…
Et dès le XVIème siècle, l’Angleterre mit en circulation les premiers billets de banque et le XVIIème siècle a vu se développer le papier monnaie, l’usage des chèques et la création de banques centrales soumises au pouvoir politique. Tout cela allait tant que les banques avaient dans leurs coffres la garantie de métaux précieux-la tentation était grande en effet de prêter de l’argent virtuel-et à condition que la confiance continue à régner et que tout le monde ne veuille pas récupérer son liquide en même temps! D’où, dans le cas contraire, des faillites retentissantes comme celles des frères Pereire au XIXème siècle.
Les banques pouvaient même se permettre de prêter à des gens pas riches du tout, voire pauvres, en ayant comme seule garantie un bien immobilier qui valait ce que vaut le marché. Mais bien entendu, quand ces gens étaient incapables de rembourser ces prêts hypothécaires, le nombre d’habitations sur le marché explosa, d’où la trop fameuse crise des subprimes, il y a dix ans aux Etats-Unis. Avec comme conséquences, des expulsions, une économie locale incendiée, et des pertes considérables, par effet domino, des banques locales puis un peu partout dans le reste du monde.
C’est tout cela que nous explique Franck Chevallay sur le mode ludique. Très habile, l’auteur et comédien sait expliquer seul en scène, toute cette histoire pas très simple de finances qui nous concernent tous. Avec une diction et une gestuelle impeccables. Malgré un monologue qu’il faudrait revoir : la relation est peu évidente avec ce patient d’hôpital psychiatrique et ses kilos de sucre qui se perd en route pour ensuite réapparaître…
Frank Chevallay tient bien son personnage jusqu’au bout, notamment à la fin quand il décrit bien mais trop vite le mécanisme des subprimes : dommage, c’est tout à fait passionnant… Mais on lui souhaite de trouver un lieu plus correct que ces quelques m2, encombrés d’un piano, et où le public limité à vingt personnes est aussi mal installé que lui, sur des chaises et une vieille banquette défoncée. Le Théâtre de Déchargeurs ne peut-il lui offrir la salle du haut ? Il le mériterait amplement…
Philippe du Vignal
Théâtre de Déchargeurs 3 Rue des Déchargeurs, 75001 Paris. T : 01 42 36 00 50, jusqu’au 15 avril, uniquement le samedi à 19h30.
Le samedi 18 février à 17h00, rencontre entre Franck Chevallay et la coopérative de finance solidaire NEF qui propose une autre façon de faire l’économie. Cette banque a organisé un financement participatif pour la création de Banque centrale.