Les Liaisons dangereuses
Les Liaisons dangereuses d’après le roman de Choderlos de Laclos, adaptation et mise en scène de Georges Kimoulis
Ce roman épistolaire français, publié en 1782, annonce déjà un certain scepticisme concernant les relations de l’homme avec son entourage. Ainsi, Valmont est la fusion de Dom Juan, personnage légendaire espagnol en quête d’une certaine spiritualité, et de Casanova, le fameux Italien, conquérant de femmes, montrant la manière de faire à tous les adeptes d’Epicure.
Dans cette transposition scénique, Valmont suit la piste de ses futures victimes, quand se prépare la seconde guerre mondiale. Georges Kimoulis a créé une nouvelle partition, à partir de l’instrument totalitaire mis en fonction par Hitler quand il accède au pouvoir. En Europe, plongent dans la misère des poursuites tous ceux qui osent encore rester attachés au «pour qui» et au «pourquoi», questions qui avaient fondé, au début de l’entre-deux-guerres, un discours de sagesse, propre à l’esprit démocratique et pacifiste. Georges Kimoulis joue un Valmont selon la pensée de la population féminine, ancrée dans l’espace même des changements de tout un continent : il y a ceux qui perdent et il y a ceux qui profitent de la guerre. Ce Valmont se trouve au milieu mais n’a pas peur de montrer au public la partie qu’il favorise, et son désespoir vient de son moi traumatisé depuis l’enfance. Il est, en vérité, l’enfant d’un passé dérisoire et d’un présent maladif et pourri. Et son avenir… celui d’un d’un revenant qui fait peur! Ce Valmont gnostique a des excuses «psychologiques». Pourtant, son désespoir est sincère, et dans cette histoire, il goûte pleinement sa solitude, et ressent un manque de compagnon de route: il ne trouve pas madame de Merteuil (Evelina Papoulia) vraiment à la hauteur de ses préoccupations philosophiques. Ici la Merteuil n’arrive pas à descendre aux tréfonds de la pensée de Valmont et rit sans raison valable, presque à chaque fois qu’elle reçoit une dépêche de son ex-amant. Le reste du temps, elle se promène avec complaisance, loin du personnage imaginé par Choderlos de Laclos. Anna-Maria Papacharalabous passe aussi une peu inaperçue, loin de la richesse sentimentale de Madame de Tourvel. Au contraire, la jeune Nancy Boucli (Cécile) est tout à fait intéressante. Mara Darmousli exprime bien la sensualité de Madame de Volanges. Et Maro Kondou, qui, en Grèce, obtient de grands succès au théâtre comme au cinéma, a la personnalité d’une actrice mûrie par l’expérience et est remarquable dans Madame de Rosemonde, la tante de Valmont. Comme Spyros Sarafianos, (le comte de Gercourt)
Labros Ktenavos (Danceny) met bien l’accent sur son amour pour Cécile mais aussi sur les besoins d’argent de ce jeune personnage. Théodoris Bouzikakos dépasse le rôle de simple valet pour devenir une sorte de commandeur de l’espace à travers un véritable masque d’indifférence. Et Chryssa Clouva, (la servante) rappelle, avec justesse, que les jeunes domestiques, obligées de travailler dur, devaient aussi, au moment choisi par le maître, satisfaire ses appétits sexuels…
Grâce aussi au charme et à l’efficacité esthétique des décors et de l’éclairage de Pawel Dobrzycki, et des vidéos de Georges Kimoulis, cette création aura sans doute une influence sur le théâtre athénien…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Alma 15-17, rue Akominatou, Athènes, T. 0030 210 52 20 100
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