Antoine et Sophie font leur cinéma
Antoine et Sophie font leur cinéma, création du collectif ildi, textes d’Olivia Rosenthal, Bambi dans la jungle, d’après Bambi et Le Livre de la jungle de Walt Disney et Tous les hommes sont des vampires, d’après plusieurs films de vampires, mise en scène de Sophie Cattani et Antoine Oppenheim
Chaque soirée est composée de deux épisodes choisis parmi les cinq d’une série entre théâtre et cinéma. Sur le plateau, un grand canapé beige confortable mais qui a des heures de vol, avec de vaguement style Louis XVI, quelques accessoires et tout le petit bazar technique ordinateurs etc. nécessaire au son (voix inutilement amplifiées, les dieux savent pourquoi!!!!) et à la projection sur grand écran . «C’est l’histoire d’un garçon et d’une fille qui ont vu trop de films. C’est l’histoire d’un homme et d’une femme qui confondent le cinéma et la vie. C’est l’histoire de deux amoureux qui aimeraient être Cary Grant et Ingrid Bergman, mais qui s’appellent Antoine et Sophie », dit Olivia Rosenthal.
Sur scène, un couple s’amuse et s’interroge un peu sur leur relation amoureuse, à propos de films célèbres; Antoine et Sophie (mais dommage! avec une voix inutilement amplifiée, ) vont donc commenter ces extraits de films.Gros plan, arrêt sur image et analyse/dézinguage des films de Walt Disney; Bambi créé en 1942, donc en pleine seconde guerre mondiale et sous la terreur nazie mais en Europe, dont Antoine une analyse lucide mais teintéée de noir.
Sophie elle, analyse Le Livre de la jungle (1967) donc pendant la révolution sexuelle au Etst-Unis puis en Europe; et bien entendu, à des années-lumière, de la gentille morale des productions Walt Disney. On voit ici-mais c’est loin d’une découverte-que, sous couvert de ces fables pour enfants, plane l’ombre de tous les méchants -isme : capitalisme surtout mais aussi machisme, totalitarisme, sexisme etc. soit une bonne dose de bêtise planent sur les fleurons des dessins animés américains concoctés par le célèbre studio. On voit ici que la perception et la représentation du réel est biaisé par une poétique à deux sous. Et apparaît bien ici, avec ces arrêts sur image, toute la vulgarité d’un dessin sommaire qui participe, bien entendu, à cette intoxication de masse. Cette mise à mort, assez habile, parfois drôle mais aussi un peu facile, est bien jouée par Antoine Oppenheim et Sophie Cattani dont le costume est des plus laids: jean serré peu seyant, chemisier ouvert sur un soutien-gorge fait de deux grandes coquilles Saint-Jacques…
Après quarante cinq minutes, arrive un entracte-trop long-histoire sans doute de laisser modifier le plateau: quelques projecteurs latéraux dispensant une lumière rouge, le même gros canapé,une table basse et à proximité, une fontaine de vin rouge où Antoine Oppenheim maintenant seul en scène, en scène va souvent remplir son verre. Le rouge, élémentaire mon cher public, nous sommes chez les vampires au cas où on l’aurait oublié! Vous avez dit: surligner, du Vignal?
Et cette seconde partie marche nettement moins bien: il y a un côté préchi-précha du genre : moi je sais et vais vous expliquer. Antoine Oppenheim parle bien mais son personnage suffisant et cynique a quelque chose d’antipathique, et l’analyse d’Olivia Rosenthal participe souvent d’une démonstration universitaire au mauvais sens du terme.Et erreur de mise en scène, le comédien assis sur le canapé, n’est guère mis en valeur :nous avons tendance à regarder, plus que lui, les extraits bien choisis des films, d’autant plus qu’ils sont servis par des vedettes: Tom Cruise, Catherine Deneuve, Brad Pitt, etc. Et, à la fin, on se demande bien pourquoi le comédien se met à parler de sa famille et de de ses enfants…
Bref, une soirée hybride trop longue, mais avec un public jeune-cela est exceptionnel pour les spectacles de théâtre à Paris (mais pas au 104). Ce qui fait toujours du bien. A voir? Oui, si on n’est pas trop exigeant! Mais où cette synthèse un peu rigide théâtre/cinéma, considérée comme un principe, ne fonctionne pas bien. A mi-chemin entre une sorte de performance où on aurait aimé plus de folie, et une action théâtrale qui nous a laissé sur notre faim. Ce spectacle revendiqué comme “série originale” n’est pas si original que cela et, côté mariage cinéma et théâtre, on a fait mieux notamment avec le merveilleux et si inventif Blockbuster (voir Le Théâtre du Blog).
Philippe du Vignal
Le 104 5 rue Curial, 75019 Paris T : 01 53 35 50 00, jusqu’au 5 février.