Babacar ou l’antilope écrit et mis en scène par Sidney Ali Mehelleb

Babacar ou l’antilope,  texte et mise en scène de  Sidney Ali Mehelleb

 

©Sofiane Mehelleb

©Sofiane Mehelleb

Babacar Diop, jeune Sénégalais, veut partir. Il veut « passer ». On ne sait pas pourquoi et ce n’est pas le sujet. Il n’y a que sa volonté et son courage devant le mur qui le sépare de l’autre monde. Pour le franchir, il doit attendre le meilleur moment. Un « sniper » le tient en joue, sans tirer. Il lui laisse ainsi une chance de réessayer  et va la saisir. Il « passera »,  avec Salima, une jeune Algérienne qui, pour témoigner de la vérité, écrit. Ses Lettres d’Abyssinie sont un hommage à Rimbaud et à tous les voyageurs et passeurs de frontières. Ils rencontrent, par hasard, Gina, une jeune fille un peu renfermée, solitaire et révoltée. passionnée de foot,  qui se réfugie derrière sa console, pour pas affronter la vie

 Babacar fait le maximum pour s’intégrer, il aime la France et ses poètes. Il balaye dans le métro mais, sans papiers, il sera vite confronté à la police et à l’inextinguible quadrature du cercle pour obtenir un permis de séjour. Salima est un personnage très important pour Babacar et pour la symbolique de l’histoire elle vit avec Babacar dans un petit appartement, Comme une grande sœur, elle représente pour lui le savoir, la mémoire et la bienveillance et donne du sens à leur quête douloureuse.

Ecriture dense, rythme soutenu, comme un battement de cœur. Sidney Ali Mehelleb ne propose pas, malgré le sujet, un récit accablant. Son Babacar est calme, bien sapé, un peu dragueur et furieusement positif ; rapide et sautillant comme une antilope, cet animal n’a pas de territoire.  Plein d’espoir et de vitalité, il ne renonce pas. Les scènes s’enchaînent sans jamais s’attarder  sur un personnage ou une situation. Nous sommes systématiquement pris à contre-pied par cette dramaturgie virevoltante. La mise en scène participe de cette énergie. Sidney Ali Mehelleb crée de belles images, souvent  cinématographiques : des élastiques de couleurs, coupés, des journaux qui papillonnent, de la poussière dans la lumière…

 On pense à Incendies à Wajdi Mouawad: cette écriture, née pour le plateau, a la faculté de nous toucher, de nous émouvoir avec la grande et la petite histoire, et un rythme qui nous emporte,. Et les huit comédiens donnent beaucoup d’eux-mêmes, certains incarnent plusieurs rôles comme Nicolas Buchoux, Marie Elisabeth Cornet, Eric Nesci, Marielle de Rocca Serra ou Victor Veyron. La fougueuse Gina est jouée par Vanessa Krycève qui s’y connaît en solidarité puisqu’elle cuisine pour le Recho, food truck qui s’installe dans les camps de réfugiés du monde entier pour partager et échanger grâce à la cuisine (https://lerecho.com/) .

Mexianu Medenou apporte à Babacar gravité et décontraction. Et Fatima Soualhia Manet campe une Salima bouleversante et déterminée, particulièrement dans un solo déchirant qui monte crescendo pour nous glacer d’effroi. Sidney Ali Mehelleb confirme avec ce spectacle qu’il compte parmi les grands. Espérons qu’il  sera programmé et vu par un maximum de public de tout âge.

Julien Barsan

Théâtre 13 Seine jusqu’au 5 février.

 

 

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Archive pour 4 février, 2017

L’Avaleur, d’après Other People’s Money de Jerry Sterner

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L’Avaleur, d’après Other People’s Money de Jerry Sterner, adaptation d’Evelyne Loew, mise en scène de Robin Renucci

La pièce, montée avec succès en 1986 dans le Off Broadway, puis adaptée à l’écran par Norman Jewison en 1991, avec Danny DeVito et Gregory Peck (dont ce fut l’avant-dernier film), n’a pas pris une ride. Transposée en France au début des années 2000, elle met en scène le PDG vieillissant des Câbles Français de Cherbourg et son équipe de direction, face à un trader de la City de Londres qui a jeté son dévolu sur cette petite entreprise bien portante, pour n’en faire qu’une bouchée. Une jeune avocate ambitieuse va essayer  de contrer l’insatiable gourmandise de cet Avaleur, qui se goinfre de gâteaux  et… d’argent.

 Le dramaturge américain (1938-2001) connaissait bien son sujet, puisqu’il venait du monde de l’immobilier et de la finance. Grossissant le trait, il écrit un conte édifiant et cruel qui dévoile, en une succession de tableaux, les rouages d’une OPA hostile et l’affrontement entre deux univers, celui d’une entreprise familiale et celui la finance. Dans l’un, on parle bilan positif, bénéfices réinvestis dans la production, emplois et développement de la ville, et dans l’autre, restructuration, délocalisation, optimisation des marges et profits…

Robin Renucci joue le narrateur et le directeur de l’usine pris entre deux feux. De vert vêtu, il préfigure le traître qu’il deviendra. Il a choisi d’orienter sa mise en scène vers  la farce et imaginé des personnages affublés de perruques en synthétique, sorte de casques et, pour  Nadine Darmon (secrétaire et maîtresse du PDG) et Xavier Gallais (l’Avaleur), des costumes rembourrés aux entournures; les comédiens sont ainsi proches de héros de la bande dessinée.

Le décor, très simple, déploie, à jardin, l’espace un peu poussiéreux d’une entreprise familiale et, à cour, le bureau du trader, dominant les gratte-ciel de la City. Efficace il sera facile à transporter pour les grandes tournées des Tréteaux de France. Créé en 1959 par Jean Danet, ce Centre Dramatique National ambulant propose depuis 2011, sous la houlette de Robin Renucci, leur nouveau directeur, des saisons thématiques. Après Le Faiseur (voir Le Théâtre du Blog), la troupe continue à s’interroger sur « le travail, la richesse et la création de valeur ». 

Le spectacle emplit sa mission de théâtre populaire avec des adresses au public, et un jeu sobre et direct. Malgré quelques longueurs et baisses de rythme dues à l’écriture mais aussi aux noirs entre les séquences, cette narration, sans faille, décrit le mécanisme implacable de L’Avaleur.

Le côté pédagogique de la pièce s’efface quand les commentaires ou clins d’œil des protagonistes mettent à distance la crudité réaliste du récit. Une belle et instructive démonstration, digne d’un manuel d’économie mais beaucoup plus amusante. Ne la manquez pas, si l’occasion se présente dans votre voisinage.

Mireille Davidovici

Maison des Métallos 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 75011. T: 01 47 00 25 20 , jusqu’au 18 février.
Et en tournée jusqu’au 14 avril :  www.treteauxdefrance.com

 

 

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