Goebbels’ Lesson de Rhea Leman

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Goebbels’ Lesson, texte et mise en scène de Rhea Leman

 

Quand on entre dans  la salle, un choc : une armoire, un bureau et derrière, une grande toile avec une grande croix gammée qui procure un réel dégoût ! Difficile, en attendant le début du spectacle, de la regarder en face. Dans un fracas d’explosions et rafales de tirs, un homme s’extrait de cette toile de fond. Uniforme ajusté avec boutons lustrés, croix gammée en brassard, Goebbels est face à nous. Le temps semble s’être arrêté et on retrouve ici l’un des plus influents dirigeants du troisième Reich.

Comme tout droit sorti d’un cauchemar, il nous parle depuis un bunker souterrain de  Berlin. Proche d’Adolf Hitler,  avec Herman Goering et Henrich Himmler il fut l’un des responsables les plus puissants et influents du Troisième Reich. Antisémite et antichrétien, il joua un rôle essentiel dans les persécutions contre les Juifs allemands, notamment en déclenchant la trop fameuse nuit de cristal! Après le suicide d’Hitler, il  se donna la mort à Berlin le 1er mai 1945, afin d’échapper à tout jugement, avec son épouse Magda qui, auparavant, empoisonna leurs enfants au cyanure.

Il nous montre ici, après avoir vanté les mérites du troisième Reich, les portraits de ces enfants dont les prénoms débutent tous par le H du salut Heil Führer. Après le complot du 20 juillet 1944 contre Hitler, ce salut était devenu obligatoire à tous les rassemblements militaires. Mais, effet comique dans plusieurs films, dont Le Dictateur de Charlie Chaplin ou To be or not to be d’Ernst Lubitsch, il est ici une réalité historique.

Goebbels, boitant, s’adresse aux jeunes qui composent la majeure partie du public; il veut relancer une émission de radio Salut les jeunes, les harangue et leur demande de se lever, de faire un peu d’exercice : remuer les épaules, détendre le cou, lever un bras puis l’autre. Et ceux qui se sont prêtés au jeu, font alors sans s’en rendre compte, le salut nazi et un collégien se voit même confier la garde du drapeau! En France, ce salut est considéré comme une incitation à la haine raciale et/ou une apologie d’une organisation criminelle, donc comme une infraction répréhensible. Une partie de la salle est plongée dans l’effroi…

Le spectacle s’appuie sur la manipulation des masses et semble nous rejouer l’Histoire. Sans aucun artifice, il nous détaille ici les méthodes du Troisième Reich… proches de certains programmes électoraux qui fleurissent aujourd’hui. En jouant sur la prise à partie d’une personne et sur le groupe, il est assez facile de faire faire presque n’importe quoi à quelqu’un. Bien sûr, cela marche encore mieux au théâtre,  surtout avec un public de scolaires. L’histoire n’est qu’un éternel recommencement!

Ina-Miriam Rosenbaum incarne très bien Goebbels ; elle lui donne la juste et nécessaire dose de burlesque pour en faire un véritable personnage théâtral, et on ne peut s’empêcher de penser à Charlie Chaplin jouant Le Dictateur. Elle déclenche chez nous des rires nerveux ou coupables qui nous empêchent de plonger dans la seule détestation. Belle prouesse d’actrice, et finement dosée. Après le spectacle, l’actrice a précisé qu’au moment où Rhea Leman, dramaturge et metteuse en scène danoise, lui avait proposé le rôle, elle avait d’abord refusé. Après réflexion, elle avait trouvé, dit-elle, que, comme femme et juive elle pouvait mettre assez de distance pour incarner ce personnage et faire ainsi œuvre de pédagogie.

Rhea Leman a trouvé le bon positionnement et ce spectacle coup de poing nous saisit mais fonctionne chaque fois de façon différente, selon la réponse du public. Bravo à Nova Villa qui l’a programmé dans le cadre de Reims/Scènes d’Europe. Goebbels’ Lesson laissera sans doute une trace chez les jeunes qui l’ont vu. Un directeur de théâtre allemand pour jeune public a souhaité programmer le spectacle mais, dans son pays où la blessure n’est pas refermée, il est interdit de faire manipuler des symboles nazis à un public. Ce spectacle danois y aurait aussi pourtant sa place…

Julien Barsan

Spectacle vu au festival Reims/Scènes d’Europe.

 


Archive pour 13 février, 2017

D’autres vies que la mienne

©Annabelle Jouchoux

©Annabelle Jouchoux

D’autres vies que la mienne d’après le roman d’Emmanuel Carrère, mise en scène de Tatiana Werner

On se souvient de L’Adversaire, un autre texte d’Emmanuel Carrère, créé  l’an dernier  dans ce même lieu qui avait pour thème l’histoire de Jean-Claude Romand, 39 ans, qui, en 1993, avait tué femme, enfants, et parents puis avait essayé, en vain, de se suicider. L’enquête avait révélé qu’il n’était pas médecin et Jean-Claude Romand et qui se faisait passer pour un brillant chercheur à l’OMS à Genève, comme il le prétendait depuis dix-huit ans et qu’il ne faisait rien de ses journées. Sentant que sa supercherie allait être découverte, il avait préféré assassiner  sauvagement toute sa famille dont il ne pouvait plus supporter le regard. Il fut condamné en 1996, à une peine de sureté incompressible de vingt-deux ans.Il a maintenant 63 ans.

 Ici, comme dans L’Adversaire et Un roman russe, Emmanuel Carrère écrit à la première personne et se met lui-même en scène. Le récit débute au Sri Lanka où il passe ses vacances avec sa compagne Hélène, son fils Jean-Baptiste et le fils d’Hélène, Rodrigue. Mais  un tsunami dévaste  le Sri Lanka en 2004.Et une  famille française en vacances perd elle Juliette leur fille, emportée par la vague.  L’auteur avait fait connaissance avec cette famille, raconte leur vie et à son retour à Paris, va être confronté à la mort de sa belle-sœur Juliette, mariée et mère de trois filles atteinte d’un cancer. Il va faire le récit de son agonie. La famille ira voir son ami et ancien collègue à elle qui va raconter son métier de juge, devenu unijambiste à la suite d’un cancer lui ayant fait perdre une jambe.  Ils ont été ensemble juges dans un tribunal d’instance  où ils s’occupaient de familles surendettées.

Ce  solo déchirant, peuplé de nombreux morts. D’abord avec un voyage au Sri Lanka d’un couple qui avait envisagé de se séparer. À la plage, un temps radieux, puis tout d’un coup, la vague immense d’un tsunami submerge les enfants qui jouaient. Et ce couple va partir dans une quête éperdue à la recherche de leur fille: ce tsunami avait fait 4.300 morts au Sri Lanka et 100.00 morts en Indonésie. Ils finissant par retrouver leur enfant en robe rouge,  qu’ils vont faire incinérer à Colombo.

Puis, nous assistons à la belle rencontre professionnelle entre ce juge devenu unijambiste et sa collègue qui formaient un couple de travail efficace. David Nathanson, seul en scène, incarne tous ces personnages avec un belle vivacité.  On ne décroche pas une seconde…

Edith Rappoport

Spectacle vu au Théâtre de la Reine Blanche, Paris, le 8 février. T: 01 40 05 06 96.

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