Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce

 

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Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce, adaptation du roman éponyme de Lola Lafon par Magali Mougel et Hélène Soulié, conception et mise en scène d’Hélène Soulié

Sur le plateau nu, juste éclairée par une poursuite, une certaine Gladys Weathereport fait une conférence sur le féminisme mais Emilienne lui jette un yaourt jette au visage, en lui reprochant «d’entretenir la culture du viol. Nous sommes toujours les coupables de l’histoire ».«Puis on a droit à une première partie, comme l’indique le surtitrage: Avant que nous cœurs subitement ne s’arrêtent. Une amie d’Emilienne  s’adresse à Voltairine pour dire qu’elle a eu un malaise et on a  voit effectivement allongée nue à l’hôpital. Il y a Lola, la mère, et le médecin, pessimiste qui dit qu’il faut se préparer au pire. Ou qu’elle se peut réveiller  paralysée et/ou incapable de parler.

 Il y a une deuxième partie: Il est tant de passer de la nausée au vomissement. Le mur du fond  a été avancé, poussé par les acteurs, pour une sorte de carnaval avec filles et des garçons costumés, et sur un char, une grosse femme enceinte en  carton. Dans le lointain  on entend,  la  musique des Sexi Sushi.

 Une actrice écrit en grandes lettres: ROME sur le mur où les acteurs montent en haut avec une grande banderole : Le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé. Un jeune homme se lance dans une dénonciation de la politique traditionnelle. Puis  on a droit à une photo projetée du célèbre tableau (1880) d’Evariste Vital Luminais Les Enervés de Jumièges dont une voix off nous raconte l’histoire. Des vieux arrivent en fauteuil roulant. Deux garçons écrivent face public sur le mur : PARIS .On nous parle de «l’obsession sécuritaire française, de droite comme de gauche. En dépit des 20.000 caméras RATP et des 10.201 autres visionnées en continu dans Paris, malgré 27.400 placements en centre de rétention, 77.544 gardés à vue en un an. »

Puis est affichée en surtitrage, cette consigne: «A partir de ce soir, le couvre-feu sera appliqué en vertu du décret de l’état d’urgence », qui sera répétée jusqu’à plus soif. Les jeunes gens racontent qu’un incendie dans un centre de rétention pour étrangers a donne le signal de départ. un demandeur d’asile afghan de dix-neuf ans s’est pendu. De grands rassemblements ont lieu place de la République, Rond-Point des Champs-Elysées, etc.

Zoé dit que la presse a recensé cinquante-neuf actes de «terrorisme» dans le pays, dont une bonne vingtaine attribuée à un groupe dit des Petites Filles au Bout du Chemin (…) comme « l’incendie des locaux d’une firme pharmaceutique et le saccage de distributeurs de billets rendus inutilisables. Il y a un appel à la violence urbaine avec références littéraires et surtout filmiques. Bruits d’émeutes, fumigènes orange… Le grand mur, sur fond de musique rock assourdissante est peint d’inscriptions, à coup de bombes et jets de peintures. Cela fait penser à un Jackon Pollock du pauvre, mais bon, cela se regarde sans déplaisir…

 Dans une troisième partie, on a droit à un banquet avec grande table nappée de blanc comme chez Jérôme Deschamps ou Tadeusz Kantor. Il y a là Antoine, Voltairine, Valériane, La petite fille, Cantor, Jérôme, Claire, la mère, etc. Ils mangent face public une orange posée sur une grande assiette blanche et il y  a un concours de devinettes : «Seigneur, j’aimerais tellement avoir la musique mais tout ce que j’ai, ce sont les mots.» Sarah Kane. « La révolte est une épidémie, elle en a le caractère fatal et sacré.» Jean Genet. «Je me dirige lentement vers un seul but : la connaissance, l’affirmation de ma propre liberté, avec toutes les responsabilités qui en découlent. », Voltairine de Cleyre.  Ce banquet est le seul moment un peu intéressant (mais trop court) où on respire un peu… et où il y a, disons l’espérance de quelque chose qui pourrait ressembler à du théâtre.

 Et il y a enfin une conversation entre la petite fille et Voltairine, notamment sur la fin d’August Spies, un militant  anarchiste américain soupçonné d’avoir fomenté un attentat à la bombe, qui déclara avant d’être pendu en 1887 : «Ce n’est qu’une étincelle que nous piétinerons ici, mais là, derrière vous, et aussi juste en face et partout ailleurs, des flammes ardentes s’élèvent déjà». Et Voltairine de Cleyre lui répondit dans un autre poème, alors qu’il allait être exécuté :«Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce! » Au cas où on n’aurait pas compris, la boucle est donc bouclée, avec la reprise du titre. Après quelque deux heures quarante d’un spectacle qui devaient durer deux heures vingt ! Le tout sans aucun entracte…

 Nous avons essayé de vous résumer  la« forme complexe de ce séquençage (sic) laborieusement explicité dans une note d’intention répétitive et mal écrite. Hélène Soulié avait réalisé un Batman dans la tête de très belle facture (voir Le Théâtre du blog). Ici, elle maîtrise bien l’espace et la direction d’acteurs, mais malheureusement, sa dramaturgie et sa mise en scène sont comme aux abonnés absents. Première erreur: adapter ce roman, que nous n’avons pas pu lire, était déjà mission impossible. On ne passe pas facilement du thème  comme le viol, fait intime, à la révolte collective ! Mais c’est une véritable manie chez les jeunes metteurs en scène d’aller chercher des romans pour en « faire théâtre » comme disait Antoine Vitez qui avait été un des premiers quand, en 1975, il avait brillamment réussi Catherine avec un dîner autour d’une table, d’après Les Cloches de Bâle d’Aragon…Mais attention danger ! Il y faut une sacré métier et cela ne marche même pas à tous les coups !

Ici, il s’agit la plupart du temps de monologues qui se suivent dans de petites séquences, le tout sur fond musical rock et pop, avec, bien entendu micros HF en permanence, la maladie du théâtre contemporain qui sévit même dans des salles de cent places ! Mais répéter, comme le fait Hélène Soulié, qu’il fallait «concevoir de façon plus alternative le texte en plateau, en lui ôtant sa hiérarchie, en l’utilisant comme vecteur, et en mettant alors nos acquis de mise en scène de d’écriture» (sic) relève d’une rare prétention. Tous aux abris! Et on se demande bien ce que viennent faire ici toutes ces références littéraires et filmiques…comme si elle avait besoin de ces béquilles pour imposer son travail. Pas de fil rouge en effet ou si peu, entre cette dramatique histoire de viol et les insurrections urbaines trop largement utilisées ici. Et tout le spectacle tient plutôt d’un happening interminable et sans intérêt. Même si le travail des huit comédiens qui, dans ces conditions, ont bien du mal à imposer des personnages, est tout à fait correct.

 John Cage disait bien qu’un happening se devait d’être un peu ennuyeux mais là, il aurait été comblé ! En fait, ici, la metteuse en scène ne maîtrise absolument pas le temps scénique quelle confond avec celui d’un happening forcément plus court ; on ne peut nier sa sincérité mais ce travail nourri  de « croisements, carrefours, médias connexes » (sic),  qu’elle «convoque » (quel charabia !) comme elle le dit sans arrêt, ne peut fonctionner !

Dommage ! Et que faire? Réduire le spectacle à une heure et quelque? Mais comment? On se demande  en tout cas quel producteur pourrait avoir envie d’acheter cette petite chose lamentable, comme le disait, très déçu, un mien confrère. Hélène Soulié, en tout cas, n’aurait pas intérêt, si elle veut rester crédible, à continuer dans cette voie…

Philippe du Vignal

Spectacle vu au Théâtre des Treize vents, à Montpellier, le 21 février.

 

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