L’Île des esclaves de Marivaux, mise en scène de Gérold Schumann

 

L’Île des esclaves de Marivaux, mise en scène de Gérold Schumann

 
CHO13007-bis« Je veux être un homme de bien, dit Arlequin, n’est-ce pas un beau projet? » Dans une Grèce  fantaisiste, un naufrage jette à la côte Iphicrate et son serviteur Arlequin,  mais aussi et de leur côté, Euphrosine et sa suivante Cléanthis. La côte de lÎle des esclaves est redoutée des patrons et consolante pour leurs serviteurs. Ce petit bijou, disait Beaumarchais, est l’une des pièces de Marivaux les plus souvent jouées mais pas aussi simple qu’elle en a l’air…

Ici, l’échange de conditions entre maîtres et valets n’est pas un jeu d’intrigue mais le fond de l’affaire. Cette île, aux mains d’esclaves révoltés qui se sont libérés eux-mêmes,  ressemblerait, pour les maîtres qui ont la malchance d’y avoir été jetés, à une sorte de centre de rééducation (maoïste?). «Vous êtes moins nos esclaves, que nos malades, dit le grand arbitre Trivelin et nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains, c’est-à-dire humains, raisonnables et généreux pour toute votre vie. »
 
Faux projet utopiste et vrai projet humaniste, Marivaux ne se fait pas d’illusions: la distinction entre classes sociales est solide et l’exploitation de l’homme par l’homme, encore plus. Au moins, faut-il y mettre de l’humanité. Sénèque, déjà, rappelait qu’esclave ou maître, un homme est toujours un homme (et une femme, créature légèrement plus fragile…). Trivelin, lui, exhorte les anciens serviteurs à se montrer plus généreux que leurs anciens maîtres…
Tout cela finira, chacun étant revenu à sa place, dans l’attendrissement des bonnes résolutions. Gérold Shumann accentue l’aspect expérimental de la pièce, en plaçant les quatre cobayes sur un podium circulaire avec une trappe, commode pour les entrées et sorties. Trivelin surveille, commente et s’efface à l’occasion puis revient juger et donner son absolution: Marc-Henri Boisse exerce cette  autorité avec une discrète jubilation et sérénité. Anne-Sophie Bailly, Vincent Bernard, David Delaloy et Claire Cahen en Cléanthis futée, sexy et insolente (mention spéciale).  Cette bande des quatre fait preuve de toute la vitalité et de l’humour nécessaires…

Cela serait un charmant divertissement sans la vision pessimiste qui assombrit heureusement la fin. Même si tout a été résolu et si une harmonie rousseauiste règne entre les serviteurs et leurs maîtres auxquels Trivelin a accordé ce qu’ils désiraient le plus, un bateau pour retourner à Athènes. Mais le vent se lève et une tempête s’annonce…

Christine Friedel

Spectacle vu au Théâtre du Figuier blanc à Argenteuil (Val-d’Oise), dans le cadre du festival Théâtral du Val d’Oise. En tournée, puis au festival off d’Avignon.

 

 

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