En chemin avec Henry Bauchau,

 

En chemin avec Henry Bauchau, à partir d’Œdipe sur la route d’Henry Bauchau, lecture musicale par Catherine Pont-Humbert

 

unnamed_copie_copie_copie_copie_copie_copieCatherine Pont-Humbert rencontra Henry Bauchau à plusieurs reprises, quand, journaliste, elle animait le magazine À voix nue sur France-Culture. L’auteur avait obtenu le Prix Inter 2008 pour Le Boulevard Périphérique.  Et son œuvre l’a accompagnée depuis. En 2013, elle crée De voix en voie et, aujourd’hui, elle fait partager son exploration du grand écrivain belge, guidée par l’actualité des thématiques abordées : l’errance, et comment, en chemin, on peut se reconstruire. L’histoire de cet homme jeté sur les routes en quête chaque jour de pain et d’eau, soumis à la générosité de ceux qui voudront bien l’accueillir, fait écho à l’histoire des milliers d’êtres humains, fuyant les guerres ou les dictatures…

 Psychanalyste d’origine,  Henry Bauchau a revisité les mythes à l’aune de notre sensibilité contemporaine, mais en dehors de toute interprétation freudienne. Il a écrit Œdipe sur la route  (1990), Diotime et les lions (1991) et Antigone (1997), dans une langue flamboyante et rythmée, propice à la mise en voix : ses livres plus que son théâtre, notamment sa trilogie mythologique, sont donc souvent adaptés à la scène.

 Œdipe sur la route conte l’exil du roi de Thèbes, déchu, aveugle et rejeté de tous. En compagnie d’Antigone et d’un serviteur, il entreprend un parcours initiatique douloureux, au terme duquel il trouve sa vérité dans l’art. Œdipe ranime «les trésors perdus de la mémoire » grâce au chant, à la peinture et à l’écriture. Après avoir surmonté ses peurs, il est «encore, est toujours sur la route », dira Antigone à la fin du récit. Libérée de la culpabilité et du remords.

 Catherine Pont-Humbert nous invite à suivre les pérégrinations d’Œdipe, accompagnée à la contrebasse par Eric Recordier. Dans ce volumineux ouvrage, elle a choisi comme fil conducteur, la route, avec ses embûches et ses aléas. Ces deux artistes suivent la marche de cette prose où les phrases coulent et progressent inlassablement. Ils nous ménagent une halte au bord d’une falaise, avec un épisode où Œdipe et ses compagnons, parvenus au bord de la mer, sculptent dans la roche, une immense vague sur laquelle un frêle esquif défie la déferlante. Belle métaphore.

 Scène et littérature ont souvent partie liée. Parfois pour le pire. Ici pour le meilleur. Cette lecture, simple et claire, nous incite à aller plus loin, dans la découverte d’un auteur resté trop confidentiel, malgré les écrits publiés depuis sa mort en 2012, à l’âge de quatre vingt dix-neuf ans.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 8 mars, au Centre Wallonie Bruxelles, 127-129 Rue Saint-Martin, 75004 Paris. T : 01 53 01 96 96
Musée Paul Valéry à Sète (Hérault) le 6 avril.
L’œuvre d’Henry Bauchau est publié chez Actes Sud.


Archive pour 11 mars, 2017

Tout passe, d’après Vassili Grossman

 

Tout passe, d’après Vassili Grossman, mise en scène de Patrick Haggiag

 

tout_passe_marie_clauzade_3_carre_webEn 1964, Vassili Grossman s’éteignait, en laissant un court roman Tout passe. L’auteur de Vie et destin, une très belle fresque sur l’histoire de deux familles prises dans le tourbillon de la  seconde guerre mondiale, va ici  beaucoup plus loin dans la dénonciation du totalitarisme soviétique et nazi. Ecrit après la confiscation du manuscrit de Vie et Destin par le KGB en 1960,  ce récit narre le retour du goulag, à la mort de Staline, d’Ivan Grigoriévitch.

« Ivan va revenir et il ne trouvera que des tombes » annonce à son épouse Maria, son vieil ami Nikolaï Alexeievitch, qui s’apprête à recevoir le rescapé Ivan. Mais il refusera son hospitalité. Trente ans se sont écoulés. Morne vieillard, il erre entre Moscou et Petrograd sur les  traces de son passé, et revient sur la dékoulakisation, une campagne de féroce répression contre les koulaks, ces paysans supposés riches,  et sur la grande famine de 1932, revisite les procès staliniens, entendant délateurs et accusés…. Et il tente de comprendre les dérives de son pays.

Jean Varela prend en charge tous les personnages du roman, à l’exception de Maria et de la logeuse d’Ivan, évoquées par quelques apparitions d’une jeune femme et par des voix off. Au début, nous avons du mal à comprendre situations et personnages. Mais le récit se décante peu à peu et est plus dense, quand le comédien entre dans l’intimité d’Ivan, et qu’il s’adresse au public à la première personne. Il devient alors plus convaincant, surtout quand il évoque les camps et qu’il s’émeut sur le sort des femmes là-bas, ou s’interroge sur la nature de l’homme, de la société. Il déclare que la valeur suprême serait la liberté : à son voisin de cellule, pour qui l’homme est violent par nature, il ose opposer sa foi : «l’histoire de la vie, c’est l’histoire de la liberté. Et il n’y a pas de bonheur plus grand que de sortir du camp, pour mourir en liberté. »

A travers Ivan, il faut lire le credo de Vassili Grossman : «La liberté, c’est le droit de semer ce que l’on veut, de faire des chaussures et des manteaux, c’est le droit pour celui qui a semé, de faire du pain, de le vendre ou de ne pas le vendre. C’est le droit pour le serrurier, le fondeur d’acier ou l’artiste, de vivre et de travailler comme ils l’entendent, et non comme on le leur ordonne… »

Et il faut aussi percevoir ses doutes: qui est responsable, se demande, dans ce texte testamentaire, l’écrivain qui connut la famine en Ukraine, la déportation d’une grande partie de sa famille et qui côtoya la mort  à la bataille de Stalingrad. Qui vécut aussi les humiliations du stalinisme.  Il laisse à Tolstoï le mot de la fin :«Seuls les morts peuvent nous juger (…) mais les morts ne posent pas de questions, les morts se taisent. »

 Il n’était pas facile d’adapter ce texte pour un seul comédien. Mais, malgré un début difficile, le spectacle nous cueille à mi-chemin et nous fait entendre une voix peu souvent portée au théâtre. Nous avions beaucoup apprécié Vie et Destin de Lev Dodine (Voir Le Théâtre du Blog). Ici nous restons sur notre faim mais le message de Vassili Grossman nous parvient, alors que va bientôt être célébré le centenaire de la Révolution russe qui avait commencé le 23 février…

Mireille Davidovici

Théâtre Gérard Philipe/Centre Dramatique National, 59 Boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis. T. 01 48 13 70 00, jusqu’au 19 mars.

Tout passe, traduction de Jacqueline Lafond, est publié aux éditions Gallimard.

La Jeune Fille et la Mort, par Les Grands ballets canadiens de Montréal

 

(C)Jean Couturier

(C)Jean Couturier

La jeune fille et la mort, par les Grands ballets canadiens de Montréal

Pour sa première venue à Paris,  cette compagnie a beaucoup impressionné le public; en quatre vingt cinq minutes,  ses  danseurs doués d’ une énergie incroyable se livrent totalement. Sans aucune pause, les séries de pas-de-deux s’enchaînent.  Un homme vêtu de noir, sorte de Dom Juan moderne, personnifie la mort et séduit plusieurs femmes, interprétées par les jeunes danseuses de la troupe. Le chorégraphe Stephan Thoss, directeur artistique de la danse au Théâtre National de Manheim, envisage cette création comme un dialogue entre la vie et la mort. Les tableaux se succèdent, et l’attrait de la mort se révèle destructeur pour chacune de ses partenaires.

Mais le plateau est souvent encombré par des cadres de porte,  tables, ou chaises  souvent déplacés par les danseurs. Ce travail de régie, précis et inhabituel, brouille la lisibilité et le propos dramaturgique du chorégraphe. Les lumières, elles aussi mouvantes, mettent en valeur la qualité physique des danseurs aux gestes précis et justes, et la grâce habite les mouvements des danseuses. 

Ce tourbillon permanent, parfois excessif, empêche toute respiration. Parti-pris étonnant pour ce ballet de type néo-classique déstructuré, souvent inspiré de ses collaborations passées avec Mats Ek ou Jiri Kylian. Les musiques de Phil Glass et  Gustav Mahler accompagnent chaque tableau. Les Grands ballets canadiens de Montréal, fondés en 1957, accueillent depuis 1999, un directeur artistique charismatique, Gradimir Pankov, qui était présent ce soir de première, et auquel Didier Deschamps et Brigitte Lefèvre ont rendu hommage. Cette troupe est une belle découverte.

Jean Couturier

Théâtre National de la Danse de Chaillot 1 Place du Trocadéro, Paris XVIème jusqu’au 17 mars.

Théâtre-chaillot.fr

        

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