Léo Ferré Bobino 1969

Léo Ferré Bobino 1969, mise en scène et interprétation de Michel Hermon, arrangements  de Christophe Brillaud

 

image006Le spectacle fait revivre le légendaire tour de chant de Léo Ferré, à Bobino, quelques mois après mai 68. Comme lui, le comédien Michel Hermon  est un poète mais aussi un metteur en scène et un chanteur lyrique à la belle basse d’opéra, enclin à dire « le malheur sur les pianos du cœur et les violons de l’âme ».

Léo Ferré, cette année-là, avait une réaction de quelqu’un de droite après les « événements » et laissait sourdre amertume, désenchantement et sentiments de ratage intimes et collectifs, à côté de la conscience toujours renouvelée du salut que peut représenter l’art. Sans jamais être dupe non plus des aberrations et des égoïsmes vains que provoque la gloire factice, quand on se prend pour un autre que soi : «Regarde-moi bien, j’suis une idole… Regardez-moi bien, j’suis qu’un artiste » chante-t-il dans L’Idole.

 Même si nombre des chansons du récital de Bobino ont été composées avant la fièvre soixante-huitarde, elles résonnent étrangement de façon prémonitoire :«Madame la misère écoutez le tumulte Qui monte des bas-fonds comme un dernier convoi … » (Madame La Misère). Faire ce retour à cette époque quelque cinquante ans après, c’est pour l’interprète d’aujourd’hui, embrasser à nouveau sa jeunesse, avec des rêves en pagaille, politiques et sociaux et une belle envie d’en découdre, quand on est porté par une ardente énergie: «Pour tout bagage on a vingt ans, On a un’rose au bout des dents Qui vit l’espace d’un soupir Et qui vous pique avant d’mourir Quand on aime c’est pour tout ou rien C’est jamais tout c’est jamais rien… »  (Vingt ans).
Il chante aussi le Paris populaire des retrouvailles et celui des amitiés et amours des jeunes gens : «C’est extra Les moody blues qui s’en balancent Cet ampli qui n’veut plus rien dire Et dans la musique du silence Une fill’ qui tangue et vient mourir » (C’est extra)

 Il a recours  aux mots de Paul Verlaine ou de Charles Baudelaire :«Âme, te souvient-il, au fond du paradis, De la gare d’Auteuil et des trains de jadis … Et, sous les arbres pleins d’une gente musique, Notre entretien était souvent métaphysique (Âme, te souvient-il ? » (Paul Verlaine). Mélancolie des temps disparus ou bien non saisis à temps pour changer la vie, il reste dans le cœur du poète  les seuls regrets coupables de l’inaccomplissement fatal : « Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir, Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir » (Charles Baudelaire)

 Les accents libertaires chers à Léo Ferré sonnent fort, avec ici, un refus de tous les systèmes de pouvoir  et une révolte contre l’autorité et l’Etat, avec la mise à distance assumée des contraintes imposées par la société et le gouvernement : « Y’en a pas un sur cent et pourtant ils existent La plupart fils de rien ou bien fils de si peu Qu’on ne les voit jamais que lorsqu’on a peur d’eux les anarchistes… »  (Les Anarchistes)

Tel l’aveugle de La Nuit, chanson dédiée à Paul Castanier, son pianiste aveugle, Léo Ferré, grâce à Michel Hermon, attend encore le patient retour de la lumière et de l’espoir : «La nuit C’est cet homm’ qui s’promène La nuit en plein midi Et sa canne qui l’entraîne Dans les autos d’Paris C’est cet homme qu’a pas vu La pitié qui passait Et qu’attend dans la rue Des fois qu’on lui invent’rait Le jour…Le jour… »

 Avec, au piano, un Christophe Brillaud plein de verve, Michel Hermon offre ici un joli sobre récital avec la rage d’un engagement, dans cette petite salle où le public est toujours dans une belle proximité avec le chanteur…

Véronique Hotte

Théâtre de l’Atalante,  10 place Charles Dullin, Paris XVIIIème. T. : 01 46 06 11 90, jusqu’au 19 mars.

 

 

 

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