Je crois en un seul dieu de Stefano Massini
Je crois en un seul dieu de Stefano Massini, traduction d’Olivier Favier et Federica Martucci, mise en scène d’Arnaud Meunier
Le mot terrorisme renvoie à un affect destructeur et à des passions déchaînées. Et les relations internationales en sortent bousculées; le terrorisme représente alors dans des situations inégalitaires, l’arme suprême du faible ou du pauvre, comme les Palestiniens face à Israël. L’extrémisme religieux de certains intégristes musulmans ont alors obscurci la pratique de la violence, exercée par des mercenaires endoctrinés ou non, ou par des fanatiques incontrôlables..
Arnaud Meunier qui a déjà créé Chapitres de la chute, Saga des Lehmann Brothers et Femme non-rééducable de Stefano Massini, met en scène ce texte où trois femmes, dignes et respectables sont jouées par une seule comédienne de belle allure, Rachida Brakni. Avec un discours argumenté, elles éclairent, autour des années 2010, le conflit israélo-palestinien, à travers éclats de conscience étrangement similaires, avec des états d’angoisse et la sensation récurrente d’un malaise bien ancré. Ennemies mais aussi complices qui s’ignorent, elles incarnent le conflit qui oppose Palestiniens et Israéliens sur fond de nationalismes juif et arabo-palestinien à dimension religieuse… Israël étant un Etat à majorité juive, et la Palestine majoritairement musulmane. La religion qui aurait dû relier les êtres, les sépare. S’imposent à l’esprit, à travers le terrorisme aux Etats-Unis et en Europe, les violentes tensions actuelles entre islamisme et christianisme, mais aussi entre islamisme et judaïsme.
L’une de ces femmes, fille d’un garagiste, étudiante à l’université de Gaza, voit son avenir, un an avant sa mort en martyre de la cause palestinienne dans l’attentat de Rishon Lezion au sud de Tel Aviv, comme un don de soi. Bourreau mais aussi première victime de son attentat-suicide, elle perdra la vie avec, entre autres, les deux autres narratrices, qui disparaissent et ressurgissent ici en alternance, étrangères les unes aux autres.
La Palestinienne se livre délibérément à ce martyre, une notion transmise par l’Islam chiite, puis instrumentalisée par une pédagogie terroriste. Plus âgée, la professeur d’histoire juive, proche de la gauche israélienne, évoque avec lucidité une posture éthique, politique et sociale, un an avant l’attentat. Et elle découvre en elle, une part insoupçonnée, quand elle survit à un carnage :« Moi, je veux leur mort ? C’est ça que je veux ? Me venger ? Moi ? Moi qui fais partie des comités pour le dialogue ? Moi qui ai toujours pensé : nous devons trouver une issue ? Moi ? »
Et s’insère ici le monologue d’une soldate américaine qui arrive en renfort de la police locale israélienne, pour lutter contre le terrorisme actif. Un même destin fatal clôt le parcours raisonné et mis à distance de chacune : une expérience vécue, une aventure existentielle, un fragment lucide d’autobiographie. Pour ce texte, Nicolas Marie a imaginé un sol de moquette blanche duveteuse et des murs d’un beau gris perle, foncé en bas et pâle en haut, comme une brume cotonneuse qui envahirait l’espace, telle les fumées de la ville et des esprits…
Les bruits apparaissent ici feutrés, comme pour que l’on entende mieux la douce voix claire de Rachida Brakni qui fait sourdre l’éclat symbolique d’une machine infernale, bombe artisanale ou humaine, ardemment intériorisée. Le public appréhende le récit sincère de celle qui se livre, et qui attend la déflagration. Rachida Brakni a toute l’élégance et la pudeur exigées dans la parole et la gestuelle et sait chorégraphier avec grâce les volumes, avec des mouvements de bras et des petits pas de danse silencieux.
Véronique Hotte
Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Roosevelt Paris VIII ème, jusqu’au 9 avril. T : 01 44 95 98 21.
Les Scènes du Jura-Scène nationale/Lons-le-Saunier (39), les 13 et 14 avril.
Théâtre des Trois Ponts à Castelnaudary (11), le 20 avril. Théâtre National de Nice, du 26 au 29 avril.
Centre culturel de la Ricamarie (42), du 3 au 5 mai. Centre culturel Le Safran à Amiens (80), les 10 et 11 mai. Centre culturel Aragon d’Oyonnax (01), les 18 et 19 mai.
Le texte est publié chez l’Arche éditeur.