Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée

 

Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée d’Alfred de Musset, mise en scène de Laurent Delvert

Brigitte Enguérand Coll. Comédie-Française

Brigitte Enguérand Coll. Comédie-Française

Paul de Musset qui lut ce Proverbe à Venise en 1845, écrit dans Biographie : «Je reconnaissais, d’ailleurs, les personnages. Celui du Comte était si ressemblant, que de loin, je voyais mon frère prenant son chapeau à chaque coup de sonnette, laissant la porte entr’ouverte, et ne pouvant se décider à rester ni à sortir…» Dans la réalité, la marquise resta veuve et le poète s’en alla… en fermant la porte. Mais ici à, la fin, la porte close signifie l’aboutissement initiatique amoureux.

Cette pièce d’une genre littéraire et scénique mondain fut d’abord publiée dans La Revue des Deux Mondes en 1845, puis créée à la Comédie-Française et enfin éditée dans Comédies et Proverbes d’Alfred de Musset. Un Comte se rend chez une Marquise qui « reçoit » dans son salon chaque semaine, par un après-midi d’hiver. Or, hasard heureux…ou habilement préparé: au lieu d’être l’un, parmi d’autres, des habitués, c’est le seul visiteur à se présenter chez la dame, un jour de mauvais temps. Conversation badine, joute verbale à la fois ludique et tendue à l’extrême, confrontation du désir implicite des personnages, acquiescements et refus volatiles, la pièce s’achève en effet sur une porte qui se ferme, mais… avec les fiançailles des amants et leur mariage en perspective.

Pour Laurent Delvert, la pièce apporte un éclairage facétieux sur une reconversion à l’amour dans l’abandon fragile de soi pour se livrer en entier. Ce petit drame intérieur qui oscille entre légèreté et gravité, tend à saisir ce «moment amoureux du temps suspendu». La teneur grave mais aussi malicieuse de la pièce évolue, les minutes passant, selon un mélange instinctif de cœur et d’esprit, entre humour et fantaisie, selon un parler spontané aux mots délicats et aux élans furtifs.

La Marquise taquine le Comte et le mène à sa propre reconnaissance, pour qu’enfin, lucide et sincère, il trouve le chemin libératoire d’une existence nouvelle. Un joli traitement du motif amoureux : à la lassitude du Comte qui reproche à la Marquise de traquer le neuf contre la banalité de ce qu’elle nomme des «refrains», répond la présence de la Vénus de Milo installée dans le salon: «C’est aussi toujours la même chose; en est-elle moins belle, s’il vous plaît ? Si vous ressemblez à votre grand-mère, est-ce que vous en êtes moins jolie ? »

La Marquise, dame bien née et artiste bobo d’aujourd’hui, malaxe de l’argile pour donner forme à une sculpture aboutie : «Cette Vénus est faite pour être belle, pour être aimée et admirée, cela ne l’ennuie pas du tout…» dit le Comte qui se moque de celle qui ne veut pas entendre parler d’amour, alors qu’elle a des vêtements séduisants  avec des dentelles…

Le jeu atemporel des discours amoureux jamais ne passe de mode. Christian Gonon et Jennifer Decker se plient fidèlement à l’exercice, en connaisseurs avertis de l’âme, et de sa petite musique…

Véronique Hotte

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Pyramide inversée du Louvre, Paris 1er, jusqu’au 7 mai. T. : 01 44 58 98 58

 

 

 

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