France profonde par le collectif de la Grosse Situation
France profonde par le collectif de la Grosse Situation
À Octon, joli village proche de Lodève (Hérault), le Théâtre du Sillon a dressé son chapiteau; Cette scène conventionnée pour le théâtre dans l’espace public, située à Clermont-l’Hérault, présente des spectacles dans sa propre salle, mais aussi dans les écoles, les friches industrielles ou en pleine nature, et va à la rencontre du public dans les bars ou sur les places de village.
Des spectateurs d’une même commune se regroupent pour assister, à coût réduit, à une représentation près de chez eux, après un pique-nique convivial…Ils font partie des « ambassadeurs » du Sillon.
Dans ce contexte, France Profonde a toute sa place. En face de la coopérative viticole d’Octon, les comédiens de la Grosse Situation, dûment bottés, munis de pelles et d’une brouette de terre nous convient à l’enterrement de Gaïa, la déesse Terre en deuil de ses agriculteurs aujourd’hui 3% seulement de la population. Et tous les sept ans, l’équivalent en terres agricoles d’un département français disparaîtrait sous le béton et le bitume! L’agriculture devient en effet souvent hors-sol et nous plantons nos maisons sur des terres arables. Et on trouve des choux-fleurs du Chili dans les supermarchés de Bretagne…
Après ce prologue, le public en rangs serrés, suit le cortège funèbre jusque sous le chapiteau. La piste est cernée de dizaines de paires de bottes de caoutchouc, unique décor. Chaque paire représentant une des personnes interviewées par la compagnie bordelaise. Alice Fahrenkrug, Bénédicte Chevallereau et Clovis Châtelain ont écrit cette pièce au terme d’une longue enquête en milieu rural, où ils ont recueilli la parole de paysans aux quatre coins de l’Hexagone. De la Creuse à la Bretagne, au salon de l’agriculture de Paris, dans les vignobles du Bordelais ou dans plusieurs lycées agricoles, et jusqu’aux maraîchages des Hauts de l’Île de la Réunion…
Avec ces matériaux oraux, l’équipe a concocté un spectacle plaisant, imagé, avec adresses directes au public. De séquence en séquence, les acteurs se glissent dans la peau des protagonistes: des adolescents, adultes, hommes et femmes, qu’ils ont rencontrés. Voix est ainsi donnée aux «zadistes» de Notre-Dame-des-Landes, comme aux futurs jeunes agriculteurs, élèves de B.T.S., inquiets pour leur avenir. Malgré quelques longueurs, quand les comédiens se perdent un peu trop dans les difficultés de leur profession, ce trio nous apporte un goût des choses vécues sur notre terroir, et qui nous concernent tous. Dans la France profonde, se diffuse ainsi un théâtre professionnel de qualité, grâce à des recherches de public originales.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 18 mars à Octon (34).
Centre de Développement culturel de Lodève et du Larzac (34), le 31 mars.
A Mélando (34) le 2 avril; à Blanquefort, au Carré-les-Colonnes (33) du 10 au 14 avril. Et à Fest’arts Libourne (33) du 3 au 5 août.