France profonde par le collectif de la Grosse Situation

France profonde par le collectif de la Grosse Situation

 

page2image668À Octon, joli village proche de Lodève (Hérault), le Théâtre du Sillon a dressé son chapiteau; Cette scène conventionnée pour le théâtre dans l’espace public, située à Clermont-l’Hérault, présente des spectacles dans sa propre salle, mais aussi dans les écoles, les friches industrielles ou en pleine nature, et va à la rencontre du public dans les bars ou sur les places de village.

Des spectateurs d’une même commune se regroupent pour assister, à coût réduit, à une représentation près de chez eux, après un pique-nique convivial…Ils font partie des « ambassadeurs  » du Sillon.

Dans ce contexte, France Profonde a toute sa place. En face de la coopérative viticole d’Octon, les comédiens de la Grosse Situation, dûment bottés, munis de pelles et d’une brouette de terre nous convient à l’enterrement de Gaïa, la déesse Terre en deuil de ses agriculteurs aujourd’hui 3% seulement de la population. Et tous les sept ans, l’équivalent en terres agricoles d’un département français disparaîtrait sous le béton et le bitume! L’agriculture devient en effet souvent hors-sol et nous plantons nos maisons sur des terres arables. Et on trouve des choux-fleurs du Chili dans les supermarchés de Bretagne…

 Après ce prologue, le public en rangs serrés, suit le cortège funèbre jusque sous le chapiteau. La piste est cernée de dizaines de paires de bottes de caoutchouc, unique décor. Chaque paire représentant une des personnes interviewées par la compagnie bordelaise. Alice Fahrenkrug, Bénédicte Chevallereau et Clovis Châtelain ont écrit cette pièce au terme d’une longue enquête en milieu rural, où ils ont recueilli la parole de paysans aux quatre coins de l’Hexagone. De la Creuse à la Bretagne, au salon de l’agriculture de Paris, dans les vignobles du Bordelais ou dans plusieurs lycées agricoles, et jusqu’aux maraîchages des Hauts de l’Île de la Réunion…

Avec ces matériaux oraux, l’équipe a concocté un spectacle plaisant, imagé, avec adresses directes au public. De séquence en séquence, les acteurs se glissent dans la peau des protagonistes: des  adolescents, adultes, hommes et femmes, qu’ils ont rencontrés. Voix est ainsi donnée aux «zadistes» de Notre-Dame-des-Landes,  comme aux futurs jeunes agriculteurs, élèves de B.T.S., inquiets pour leur avenir. Malgré quelques longueurs, quand les comédiens se perdent un peu trop dans les difficultés de leur profession, ce trio nous apporte un goût des choses vécues sur notre terroir, et qui nous concernent tous. Dans la France profonde, se diffuse ainsi un théâtre professionnel de qualité, grâce à des recherches de public originales.

 Mireille Davidovici

 Spectacle  vu le 18 mars à Octon (34).

Centre de Développement culturel de Lodève et du Larzac (34), le 31 mars.
A Mélando (34) le 2 avril; à Blanquefort, au Carré-les-Colonnes (33) du 10 au 14 avril. Et à Fest’arts Libourne (33) du 3 au 5 août.


Archive pour 27 mars, 2017

Oh! Mon doux pays

Oh! Mon doux pays, conception de Corinne Jaber, texte et mise en scène d’Amir Nizar Zuabi
Dans ce spectacle créé en 2013 au Théâtre Vidy-Lausanne, et coproduit ici par le Théâtre Liberté, scène nationale de Toulon, Corinne Jaber évoque la tragédie de la situation syrienne . Comédienne française née de parents germano-syriens, elle avait débuté dans le fameux Mahabharahta de Peter Brook, et joua dans Une bête sur la lune montée par Irina Brook, et jouait Pénélope dans Ithaque de Botho Strauss, mise en scène par Jean-Louis Martinelli.Ici, juste un fourneau, un frigo, une table, et le parfum du kebbeh, ce petit obus de viande hachée, emblème de la cuisine de son pays. « Ils appellent ça la guerre civile, mais il n’y rien de civil dans tout ça, rien de civil du tout ! ». Depuis des années, la destruction de la Syrie par la famille Assad, avec l’aide des puissances occidentales, a fait des centaines de milliers de morts. Et personne  ne voit l’issue de ce massacre. En attendant, ceux qui ont réussi à se réfugier en Allemagne, en France ou ailleurs, se remémorent la douceur du pays natal.  «Peut-on raconter autrement la guerre que par l’effroi»? Peut-être avec bienveillance et des souvenirs personnels… Elle se remémore le kebbe que sa grand mère tentait de lui apprendre à faire quand elle avait neuf ans à Munich. Elle y passait ses journées mais la fabrication du kebbe ne parvenait pas à rendre ses journées supportables. Elle coupe les oignons, les fait frire dans la poële, pour entrer dans son pays imaginaire. « En vrai, je ne sais pas faire le kebbe ! Le cœur a plein de mémoire comme une odeur de cumin ! (…) J’ai besoin d’aider cet ami à sortir, je lui ai fait promettre de ne pas repartir en Syrie avant un mois…». Elle dit qu’elle arrive à l’aéroport de Beyrouth, une ville au bord de la révolution, elle coupe la viande en évoquant son mari malade : «Ils ont coupé tous les tuyaux, ils l’ont tué deux fois (…) Quand nos avons retrouvé mon frère, il avait les jambes bleues (…) Ce que je veux faire maintenant, c’est dormir ». Elle mixe la viande et les oignons, nettoie la table, puis évoque le voyage en voiture avec son père, la recherche d’Ab El Aziz Chalafi. «Il est à Paris depuis longtemps, nous n’avons plus que Dieu ! ». Notre jeune ami syrien Husain Alghajar, qui a réussi à s’enfuir d’Alep, assiste, ému, au spectacle… Edith Rappoport Spectacle vu au Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, le 17 mars.Image de prévisualisation YouTube

Dialogue n° 2 d’Aurélia Ivan

Nouvelles Zébrures :

Dialogue n° 2 d’Aurélia Ivan 

ob_365fe9_visuelCette manifestation, organisée par la Maison des auteurs des Francophonies en Limousin, invite à entendre chaque printemps, des écrivains de langue française avec des mises en voix de textes émanant du comité de lecture. Ont été aussi révélés ici les préparatifs de ce festival automnal avec la présentation de projets en cours.

Nous avons pu ainsi assister aux Dialogues d’Aurélia Ivan, carnets d’écriture destinés à préparer une pièce qu’elle créera la saison prochaine. L’artiste et metteuse en scène s’est penchée sur la situation des familles de Roms en France et en Europe. Ce qui implique des interrogations fondamentales sur l’altérité, comme donnée culturelle, sociologique, philosophique mais aussi, et avant tout, politique. Aujourdhui  est le titre de cette réalisation future sur la question : comment habitons-nous le monde ? Aurélia Ivan a donc mené une enquête auprès de sociologues, élus, juristes, historiens, associations en charge de missions Roms.

 Dans Dialogue 1, la metteuse en scène s’était appuyée sur un livre collégial, coordonné par Eric Fassin, Roms et riverains/une politique municipale de la race. Avec ce sociologue, elle a orchestré une lecture à deux voix où les dimensions politiques, sociologiques et philosophiques se répondaient. Devant le public de la Maison des Métallos, elle poursuit et approfondit la démarche de son projet. Et posément, nous en détaille les étapes. Dans un premier temps, elle a exploré les aspects juridiques : droit de séjour, conditions d’expulsion, etc. Elle lit des extraits de documents placés sur une grande table, avec une description des lieux habités par les Roms, à la marge, aux confins. Relégués pour devenir invisibles! La société, dans la guerre qu’elle mène contre la pauvreté, faute d’arriver à l’éradiquer, veut la cacher. Or les Roms, les plus pauvres des pauvres, sont stigmatisés comme l’Autre par excellence: étrangers délinquants, dangereux… Déshumanisés, car culturellement différents.

Cette fois, Aurélia Ivan cite le travail de Jeremy Gravayat qui prépare un documentaire,  sur le « devenir habitant ». Pour ce faire, il collecte des récits oraux,et va à la recherche d’expériences passées et présentes du logement en banlieue. « Une histoire intime et collective de la vie des grands ensembles, mais aussi de leurs entours : les  bidonvilles d’hier et d’aujourd’hui, les cités de transit ou les campements. »

Quelles sont les politiques publiques menées en direction de ces populations (du point de vue local, étatique et européen) ? La metteure en scène lit quelques documents et montre des photos faites, lors d’une immersion dans un campement Rom, puis elle appelle à la barre trois témoins. Chacun doit réagir, à chaud, à des textes et à des photos qu’ils découvrent en direct. Philippe  Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine, évoque les campements Roms dans sa commune, avec les problèmes sanitaires que cela implique. Et les difficultés qu’il a, pour leur offrir des hébergements et scolariser leurs enfants. Des modes de vie et de survie qui rencontrent la méfiance, voire l’hostilité du voisinage… »Il faut penser autrement l’habitat pour les plus démunis », dit Pascale Geoffroy, une architecte, et à l’intérieur d’abris transformés en maison, la décoration est en devenir ». Elle a constaté que, contrairement aux normes qu’on nous a mis dans le tête, une autre façon d’habiter peut s’inventer dans les campements, avec auto-régulation du partage de l’espace public et habitat évolutif…

Judith Balso, écrivaine et philosophe, rappelle qu’aujourd’hui des millions de déplacés vivent en dehors de la sphère du travail, sans droit de cité et qu’il est urgent de penser autrement que par normes et quotas:  » Les voisins n’en veulent pas, parce que les Etats n’en veulent pas.(…) Notre pensée est malade. (…) Nous avons besoin de lieux nouveaux, instituant de nouveaux principes pour accueillir les migrants. »

Ces différents points de vue montrent la complexité du sujet qui ne saurait se réduire à une simple agitation médiatique ou politico-électorale. Cette séance exploratoire nous renvoie à nos propres interrogations, et aura peut-être contribué à changer notre appréhension d’une réalité douloureuse. Et nous verrons bientôt dans quelle architecture, la metteuse en scène donnera forme à tous ces matériaux. Donc à suivre…

Mireille Davidovici

Rencontre à la Maison des Métallos, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris, le 12 mars.

Dialogue N° 3 aux Francophonies du Limousin. Limoges. 21 ou 22 septembre 

Roms et riverains/une politique municipale de la race  est publié aux éditions de la Fabrique

 

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