Dialogue n° 2 d’Aurélia Ivan
Nouvelles Zébrures :
Dialogue n° 2 d’Aurélia Ivan
Cette manifestation, organisée par la Maison des auteurs des Francophonies en Limousin, invite à entendre chaque printemps, des écrivains de langue française avec des mises en voix de textes émanant du comité de lecture. Ont été aussi révélés ici les préparatifs de ce festival automnal avec la présentation de projets en cours.
Nous avons pu ainsi assister aux Dialogues d’Aurélia Ivan, carnets d’écriture destinés à préparer une pièce qu’elle créera la saison prochaine. L’artiste et metteuse en scène s’est penchée sur la situation des familles de Roms en France et en Europe. Ce qui implique des interrogations fondamentales sur l’altérité, comme donnée culturelle, sociologique, philosophique mais aussi, et avant tout, politique. Aujourd’hui est le titre de cette réalisation future sur la question : comment habitons-nous le monde ? Aurélia Ivan a donc mené une enquête auprès de sociologues, élus, juristes, historiens, associations en charge de missions Roms.
Dans Dialogue 1, la metteuse en scène s’était appuyée sur un livre collégial, coordonné par Eric Fassin, Roms et riverains/une politique municipale de la race. Avec ce sociologue, elle a orchestré une lecture à deux voix où les dimensions politiques, sociologiques et philosophiques se répondaient. Devant le public de la Maison des Métallos, elle poursuit et approfondit la démarche de son projet. Et posément, nous en détaille les étapes. Dans un premier temps, elle a exploré les aspects juridiques : droit de séjour, conditions d’expulsion, etc. Elle lit des extraits de documents placés sur une grande table, avec une description des lieux habités par les Roms, à la marge, aux confins. Relégués pour devenir invisibles! La société, dans la guerre qu’elle mène contre la pauvreté, faute d’arriver à l’éradiquer, veut la cacher. Or les Roms, les plus pauvres des pauvres, sont stigmatisés comme l’Autre par excellence: étrangers délinquants, dangereux… Déshumanisés, car culturellement différents.
Cette fois, Aurélia Ivan cite le travail de Jeremy Gravayat qui prépare un documentaire, sur le « devenir habitant ». Pour ce faire, il collecte des récits oraux,et va à la recherche d’expériences passées et présentes du logement en banlieue. « Une histoire intime et collective de la vie des grands ensembles, mais aussi de leurs entours : les bidonvilles d’hier et d’aujourd’hui, les cités de transit ou les campements. »
Quelles sont les politiques publiques menées en direction de ces populations (du point de vue local, étatique et européen) ? La metteure en scène lit quelques documents et montre des photos faites, lors d’une immersion dans un campement Rom, puis elle appelle à la barre trois témoins. Chacun doit réagir, à chaud, à des textes et à des photos qu’ils découvrent en direct. Philippe Bouyssou, maire d’Ivry-sur-Seine, évoque les campements Roms dans sa commune, avec les problèmes sanitaires que cela implique. Et les difficultés qu’il a, pour leur offrir des hébergements et scolariser leurs enfants. Des modes de vie et de survie qui rencontrent la méfiance, voire l’hostilité du voisinage… »Il faut penser autrement l’habitat pour les plus démunis », dit Pascale Geoffroy, une architecte, et à l’intérieur d’abris transformés en maison, la décoration est en devenir ». Elle a constaté que, contrairement aux normes qu’on nous a mis dans le tête, une autre façon d’habiter peut s’inventer dans les campements, avec auto-régulation du partage de l’espace public et habitat évolutif…
Judith Balso, écrivaine et philosophe, rappelle qu’aujourd’hui des millions de déplacés vivent en dehors de la sphère du travail, sans droit de cité et qu’il est urgent de penser autrement que par normes et quotas: » Les voisins n’en veulent pas, parce que les Etats n’en veulent pas.(…) Notre pensée est malade. (…) Nous avons besoin de lieux nouveaux, instituant de nouveaux principes pour accueillir les migrants. »
Ces différents points de vue montrent la complexité du sujet qui ne saurait se réduire à une simple agitation médiatique ou politico-électorale. Cette séance exploratoire nous renvoie à nos propres interrogations, et aura peut-être contribué à changer notre appréhension d’une réalité douloureuse. Et nous verrons bientôt dans quelle architecture, la metteuse en scène donnera forme à tous ces matériaux. Donc à suivre…
Mireille Davidovici
Rencontre à la Maison des Métallos, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris, le 12 mars.
Dialogue N° 3 aux Francophonies du Limousin. Limoges. 21 ou 22 septembre
Roms et riverains/une politique municipale de la race est publié aux éditions de la Fabrique