WHO-WHAT ? de Rodrigo Garcia

WHO-WHAT ?  de  Rodrigo Garcia

 0-Who-What-2Qui-Quoi ? Quelle est cette créature sépulcrale évoluant sous un grand lustre de cristal que l’on peut voir à travers le judas ménagé dans le mur de la Panacée à Montpellier ? La figure émerge progressivement de haillons crasseux et se saisit d’un vieux grimoire pour  lire un texte. Sa voix et sa silhouette nous parviennent brouillées, distordues, comme dans un mauvais rêve. Apparition échappée de l’univers de David Lynch…

 Au moment où sort sur les écrans, le remarquable documentaire David Lynch: The Art Life, un portrait qui nous entraîne dans l’univers artistique de l’énigmatique cinéaste, on peut voir, dans la capitale de l’Hérault, Retour sur Mulholland Drive, une exposition qui explore le « minimalisme fantastique », une tendance émergente de l’art contemporain, selon Nicolas Bourriaud, commissaire de l’exposition, récemment nommé  directeur d’un Centre d’art contemporain multi-sites, le MoCo ( Montpellier Contemporain) qui ouvrira ses portes en 2019.   » David Lynch, dit-il, propose un univers plastique fondé sur l’image davantage que sur le texte, et contemporain des artistes de son temps. (…) Or l’art d’aujourd’hui part souvent d’objets banals, pour explorer la  » familière étrangeté » du quotidien.

 Ainsi, dans Mulholland Drive, une simple boîte bleue cubique, dont on ne saura jamais rien, et d’autres éléments fugaces du film concourent à cette  familière étrangeté, comme l’apparition soudaine d’un personnage monstrueux derrière une poubelle, un nain danseur, un homme en costume noir, sans sourcils, ou un cow-boy  surgi de nulle part…

 Dans ce contexte, Rodrigo Garcia, dont on connaît bien le théâtre imagé et souvent controversé (voir Le Théâtre du Blog) a reçu commande d’une pièce conçue comme une  » intrusion du spectacle vivant dans un dispositif immobile « . Le metteur en scène s’est emparé d’un des mystérieux personnages du film, mi-clochard mi-fantôme, souvent passé inaperçu, et a construit deux heures trente de spectacle avec Núria Lloansi, une comédienne de sa compagnie qui l’a suivi, avec quelques autres, au Centre Dramatique de Montpellier, rebaptisé par lui Humain trop humain. Avec lenteur, la comédienne, enfermée dans une minuscule cabine noire, se livre à des métamorphoses physiques, et manipule plusieurs accessoires : plantes, poissons rouge en bocal…ou devient un officiant du Ku Klux Klan, avant de terminer en beauté dans le plus simple appareil.

 Le visiteur attrape au vol ce spectacle insolite et peut aussi s’attarder quelques minutes devant un écran qui, dans un recoin de la galerie, la retransmet en direct. « Mon propre univers est confronté à la limitation de l’espace, dit Rodrigo Garcia. Et le texte que Nuria lit, est en opposition avec le personnage. Il s’agit d’un texte sacré hindou, trouvé dans ma bibliothèque : Les lois de Manu. « 

On ne distingue rien du discours du sage Manu. Mais, pour le metteur en scène, il était important que l’actrice s’empare d’un texte fort, pour soutenir cette longue performance.  Nous ne saurons rien de «l’Ordre de toutes les Couleurs»,  ni du devoir des brahmanes et des autres castes… On peut supposer que, mystère supplémentaire, le théâtre fait irruption au milieu d’installations/assemblages incongrus d’objets ordinaires…

 Alors qu’il programme sa dernière saison, puisqu’il quittera son poste en décembre prochain, le directeur d’Humain trop humain prépare une nouvelle incursion dans le monde de l’art : lors de la prochaine biennale de Lisbonne, il présentera, au Museu Nacional de Arte Antigaun, un billard électrique inspiré de La tentation de Saint Antoine de Jérôme Bosch, œuvre maîtresse de ce lieu. Rodrigo García  transpose donc  ce triptyque sur une vieille  » babasse », avec laquelle on pourra jouer comme dans les anciens troquets du vingtième siècle… Des effets visuels et sonores  nous font entrer dans l’univers fantastique et halluciné de Jérôme Bosch. Le flipper, en ordre de marche, rejoindra ensuite le Domaine de Grammont et chacun  pourra  » jouer avec Dieu et le Diable ».

À  l’heure de notre rencontre avec Rodrigo Garcia, on ne sait toujours pas qui sera nommé à la tête du centre dramatique national : le jury est partagé entre Jean Varela, le directeur de Sortie-Ouest à Béziers et du Printemps des Comédiens) soutenu par les élus locaux, et le duo Nathalie Garraud et Olivier Saccomano qui a, lui, les faveurs de l’Etat.

Qui quoi ? Suspense qui n’empêche pas Rodrigo Garcia de préparer sereinement son prochain  spectacle, à partir de l’univers du cascadeur et performeur américain Evel Knievel, célèbre pour ses sauts et ses chutes spectaculaires en moto par dessus des rivières, des voitures ou des bus. Cette fois- ci,  il n’y aura pas d’animaux, précise le metteur en scène, las des polémiques entretenues à son encontre par les amis des bêtes.

Mireille Davidovici

Who What ? Spectacle vu le 25 mars. Jusqu’au 23 avril, du mercredi au dimanche, de 14h à 16h30, à La Panacée, 14 rue de l’Ecole de pharmacie de Montpellier, (entrée libre).

PINBALL BOSCH-venez jouer avec Dieu et le Diable, jusqu’au 30 avril au Museu Nacional de Arte Antiga, R. das Janelas Verdes, à Lisbonne.

 

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