Cut d’Emmanuelle Marie, mise en scène de Christine Massa

 

Cut d’Emmanuelle Marie, mise en scène de Christine Massa

IMG_0614 Elles sont trois à jouer les jeunes femmes avenantes et épanouies. L’une d’elles confie, avec amertume, larmes et déploration: «Ma mère pleura beaucoup le jour de ma naissance. Elle pleurait tant que le médecin fut forcé de la gronder : « Pourquoi pleurez-vous tant ?» demanda-t-il. «Je voulais un garçon, dit-elle… et c’est une fille… « 
 
Cette fille, devenue adulte, aurait même bien aimé que le bon Dieu soit une femme,et  sa mère qui était croyante, aurait sans doute moins pleuré le jour de sa naissance… Dans la mise en scène facétieuse de Christine Massa, les données du problème, si problème il y a, sont posées une fois pour toutes, mais les personnages d’Emmanuelle Marie  retournent l’affaire à leur avantage, avec toute la malice souhaitée.

« Femme est-on », entendez par là : pertes et fracas, inconvénients et atouts, malchance et bonheur. Et bonheur d’abord, comme la tonalité de la musique de ce spectacle pétillant. En dépit des remontrances maternelles traditionnellement assénées à la fille : «Serre les jambes, petite délurée. Serre les jambes. Serre les dents. Serre les fesses. Serre tout ça et tais-toi. » Qu’on ne voie surtout pas surgir le moindre signe de féminité qui pourrait traduire un abandon coupable, une légèreté insouciante, ou encore un plaisir d’être librement épanouie.

En échange,  pudeur, modestie et humilité sont de rigueur, s’il vous plaît , comme si un voile symbolique s’était déposé au tréfonds de chacune d’elles, entre censure et autocensure, recouvrant instinctivement tout obscur objet de désir. Que ce soit la position assise que toute femme adopte pour se soulager,  ou d’autres gestes intimes auxquels se livre la gent féminine, entre solitude ou partage consenti avec son partenaire, le plaisir n’est pas toujours là. Et après ? Les femmes ne dépendent pas uniquement d’une sexualité, dite épanouie.

Les scènes se succèdent grâce à la vivacité de ces trois actrices qui évoluent sur la piste de danse d’un cabaret, entourée tri-frontalement de rangées de sages spectateurs… Humour et jeu, drame et gravité, chacune de ces belles actrices raconte une part de son histoire personnelle:  rencontre de l’amour, perte de l’être aimé,  solitude subie ou vie à deux. On les perçoit mieux encore à travers les adresses, les répliques ou les regards qu’elles posent sur le mâle ou qu’il pose sur elles. Olivier Bordin, lui montre une présence virile insolite qui révèle leur part cachée à elles…  

La gracieuse Aloysia Delahaut, qui est aussi la chorégraphe du spectacle, danse un solo vif et plein d’élan, et ses compagnes se balancent aussi avec cœur et énergie sur la musique rock et blues de Faith et Spirit, dessinant un chœur au rythme éloquent. Jeune femme enjouée et habitée, Stéphanie Quint se met en colère  avec un verbe italien de conviction, avec quelque chose de la Magnani et la douce Tanya Mattouk fait montre de patience, de réserve et d’émotion, avec un sourire convaincu.

Le spectacle  glorifie, avec humour et panache, l’être-là féminin.

Véronique Hotte

Théâtre de la Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle Paris XVIIIème, jusqu’au 22 avril. T : 01 42 05 47  31.

Le texte a été publié à L’Avant-Scène Théâtre (2003).

 

 

 

 


Archive pour 31 mars, 2017

Never, never, never de Dorothée Zumstein

Never, never, never de Dorothée Zumstein, mise en scène de Marie-Christine Mazzola

© Gaël Ascal

© Gaël Ascal

Never, never, never dit le roi Lear , à la fin de la célèbre tragédie de Shakespeare. Trois mots que répondait l’Esprit quand le poète anglais Ted Hughes et son époque la poétesse américaine Sylvia Plath (voir Le Théâtre du Blog) faisaient tourner une table un soir de 1956  en demandant quel était le plus grand vers écrit par un poète anglais.
Cette nuit de 1984 précède le  jour où  on va décerner Ted Hughes le titre de « poet laureate », et il reçoit la visite successive de deux femmes : d’abord son épouse Sylvia devenue entre temps célèbre, qui se suicida en 1963, puis Assia Wevill, l’autre femme pour laquelle il quitta Sylvia, et qui se tua elle aussi en s’asphyxiant au gaz , six ans plus tard, avec son enfant.

La pièce s’inspire donc de la vie de Sylvia Plath, Assia Wevill et Ted Hughes qui restera marqué à vie par cette tragédie vécue au plus profond de lui-même, sans arriver vraiment à faire l’indispensable travail de deuil. Le langage, dans ces cas-là, ne fonctionnant pas bien.

De Dorothée Zumstein, Julie Duclos avait monté  à la Colline Mayday, l’ histoire d’une autre tragédie (voir Le Théâtre du Blog) où, en 1968, dans le nord de l’Angleterre, une enfant Mary Bell d’à peine onze ans, a été jugée pour avoir étranglé deux petits garçons âgés de trois et quatre ans. Ici, c’est le même climat d’oppression chargé d’onirisme et de tragique qu’elle semble avoir recherché.

«C’est à une traversée intense, dit Marie-Christine Mazzola, que nous souhaitons convier le spectateur, en vue de lui faire vivre ce voyage dont les personnages sortiront libérés et apaisés. L’atmosphère (sic)  instaurée par la mise en scène sera singulière et captivante, dès son amorce, afin que le public puisse plonger dans la représentation en retenant son souffle, avec cette impression diffuse que, si un geste ou un son brusque se propageait dans cet espace/temps de la hantise, les images fugaces de cette mise en scène pourraient bien disparaître.»

Atmosphère, atmosphère! Oui mais voilà, comment passer du drame intime de ce poète, à la fois victime mais aussi bourreau, à une tragédie universelle… Sur la scène nue, juste deux tables identiques, avec des chaises et des petites lampes: sans doute le symbole de ces femmes amoureuses du poète. Mais Dorothée Zumstein a commis un texte qui se voudrait poétique, mais qui se perd en longs, longs monologues et tout petits dialogues, dans une série de scènes guère passionnantes et vite ennuyeuses… Et dans une mise en scène assez statique, où justement rien n’est  « captivant », comme le souhaite Marie-Christine Mazzola qui a quand même bien choisi ses comédiens.

Les formidables Thibault de Montalembert, Sarah Jane Sauvegrain et Tatiana Spivakova ont une excellente diction, ce qui devient rare, et une grande présence; ils arrivent heuresement, malgré tout, à rendre crédibles des personnages assez falots.  Chapeau!  Mais si traiter cette histoire tragique au théâtre, surtout avec un dialogue aussi plat, n’était sans doute en fait qu’une fausse bonne idée?

En tout cas, on ne vous poussera pas à y aller, quel que soit l’intérêt que vous portez à la vie et à l’œuvre de ces jeunes poètes disparus…

 Philippe du Vignal

Studio-Théâtre, 16 Rue Marcelin Berthelot, 94140 Alfortville. T. : 01 43 76 86 56, jusqu’au 1er avril.

 

 

 

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