Never, never, never de Dorothée Zumstein
Never, never, never de Dorothée Zumstein, mise en scène de Marie-Christine Mazzola
Never, never, never dit le roi Lear , à la fin de la célèbre tragédie de Shakespeare. Trois mots que répondait l’Esprit quand le poète anglais Ted Hughes et son époque la poétesse américaine Sylvia Plath (voir Le Théâtre du Blog) faisaient tourner une table un soir de 1956 en demandant quel était le plus grand vers écrit par un poète anglais.
Cette nuit de 1984 précède le jour où on va décerner Ted Hughes le titre de « poet laureate », et il reçoit la visite successive de deux femmes : d’abord son épouse Sylvia devenue entre temps célèbre, qui se suicida en 1963, puis Assia Wevill, l’autre femme pour laquelle il quitta Sylvia, et qui se tua elle aussi en s’asphyxiant au gaz , six ans plus tard, avec son enfant.
La pièce s’inspire donc de la vie de Sylvia Plath, Assia Wevill et Ted Hughes qui restera marqué à vie par cette tragédie vécue au plus profond de lui-même, sans arriver vraiment à faire l’indispensable travail de deuil. Le langage, dans ces cas-là, ne fonctionnant pas bien.
De Dorothée Zumstein, Julie Duclos avait monté à la Colline Mayday, l’ histoire d’une autre tragédie (voir Le Théâtre du Blog) où, en 1968, dans le nord de l’Angleterre, une enfant Mary Bell d’à peine onze ans, a été jugée pour avoir étranglé deux petits garçons âgés de trois et quatre ans. Ici, c’est le même climat d’oppression chargé d’onirisme et de tragique qu’elle semble avoir recherché.
«C’est à une traversée intense, dit Marie-Christine Mazzola, que nous souhaitons convier le spectateur, en vue de lui faire vivre ce voyage dont les personnages sortiront libérés et apaisés. L’atmosphère (sic) instaurée par la mise en scène sera singulière et captivante, dès son amorce, afin que le public puisse plonger dans la représentation en retenant son souffle, avec cette impression diffuse que, si un geste ou un son brusque se propageait dans cet espace/temps de la hantise, les images fugaces de cette mise en scène pourraient bien disparaître.»
Atmosphère, atmosphère! Oui mais voilà, comment passer du drame intime de ce poète, à la fois victime mais aussi bourreau, à une tragédie universelle… Sur la scène nue, juste deux tables identiques, avec des chaises et des petites lampes: sans doute le symbole de ces femmes amoureuses du poète. Mais Dorothée Zumstein a commis un texte qui se voudrait poétique, mais qui se perd en longs, longs monologues et tout petits dialogues, dans une série de scènes guère passionnantes et vite ennuyeuses… Et dans une mise en scène assez statique, où justement rien n’est « captivant », comme le souhaite Marie-Christine Mazzola qui a quand même bien choisi ses comédiens.
Les formidables Thibault de Montalembert, Sarah Jane Sauvegrain et Tatiana Spivakova ont une excellente diction, ce qui devient rare, et une grande présence; ils arrivent heuresement, malgré tout, à rendre crédibles des personnages assez falots. Chapeau! Mais si traiter cette histoire tragique au théâtre, surtout avec un dialogue aussi plat, n’était sans doute en fait qu’une fausse bonne idée?
En tout cas, on ne vous poussera pas à y aller, quel que soit l’intérêt que vous portez à la vie et à l’œuvre de ces jeunes poètes disparus…
Philippe du Vignal
Studio-Théâtre, 16 Rue Marcelin Berthelot, 94140 Alfortville. T. : 01 43 76 86 56, jusqu’au 1er avril.
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