Adieu Armand Gatti

Adieu Armand Gatti

IMG_0622Armand Gatti, est mort jeudi  dernier, à 93 ans. Né d’une famille pauvre à Monte-Carlo (mère de femme de ménage et père balayeur), il rejoindra le maquis et la Résistance. Condamné à mort à dix-sept ans, il fut gracié.

Il prétendit longtemps été avoir déporté en camp de concentration à Neuengamme, ce qui s’avéra faux! Mais il rejoindra en 44 les Forces françaises à Londres. 
Puis, il sera d’abord journaliste et ira dans de nombreux pays dont l’ Algérie où il rencontrera Kateb Yacine, la Chine, le Guatemala… Ses reportages lui valurent le prix Albert Londres en 1954.

Il s’intéressait aussi déjà aux arts scéniques et avait écrit un article très louangeur dans Le Parisien libéré sur le travail de Merce Cunningham…Quelle lucidité! Alors que le chorégraphe américain était encore absolument inconnu. Mais il commence à écrire pour le théâtre, avec Le Crapaud-Buffle que montera Jean Vilar au T.N.P. en 1959.

Il s’intéressa au cinéma et, en 1960,  réalise  L’Enclos, un film sur l’univers concentrationnaire qui sera primé l’année suivante au festival de Cannes. Mais, déçu par un accueil mitigé, il reviendra au théâtre avec des pièces souvent inégales,  comme La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste G., La Deuxième Existence du camp de Tatenberg, Chroniques d’une planète provisoire, Chant public devant deux chaises électriques, V comme Vietnam où il s’engageait politiquement et de façon souvent radicale.

Ainsi, le public n’avait pu voir à Chaillot, La Passion en violet, jaune et rouge, où le général Franco était très malmené. La pièce avait en effet subi la censure du général de Gaulle, qui l’avait fait interdire sans aucun état d’âme au T.N.P. et cela, à la demande du gouvernement espagnol, et malgré le soutien d’André Malraux, alors ministre de la Culture! Nous avions quand même  découvrir le spectacle « délocalisé » comme on ne disait pas encore, dans un entrepôt Calberson, boulevard Mac Donald dans le 19ème, loué pour l’occasion et donc moins gênant pour le régime en place que dans le XVI ème! Un peu mesquin de la part du chef des Français

Cette censure amènera Armand Gatti à se détourner des théâtres officiels, pour aller vers d’autres aventures, plus en accord avec ses convictions et le conduira à se rapprocher des exclus. Il voyagera ainsi beaucoup en Italie, en Allemagne et en Irlande, et montera des spectacles, en favorisant la création collective. Il s’occupa de jeunes de banlieues, notamment autour de Paris, à Avignon; c’est à cette époque que nous l’avions un peu connu.

Il avait dans le pouvoir que le théâtre donnait à ces jeunes marginaux, souvent de familles émigrées, une générosité et une foi presque démesurées qui forçait le respect… Pour lui, cela représentait sans aucun doute une seconde chance que l’école de la République n’avait pas su, ou pas pu, leur donner. Mais, en même temps, et sans le leur dire, il admettait avec clairvoyance qu’ils avaient peu d’avenir dans le métier. C’était tout Armand Gatti: entre utopie lucide, et force de la parole. Et malgré tout, quelques-uns de ses stagiaires réussirent le concours de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot; l’un d’eux entra ensuite au Conservatoire et de façon inespérée, devint ainsi un comédien reconnu.

Avec les réalisateurs, Hélène Châtelain et Stéphane Gatti, un producteur,  et un administrateur, Jean-Jacques Hocquard, il créa des structures aux différents noms, mais  avec  toutes un même but: associer dans une production artistique, l’écriture, le théâtre, la musique, la peinture, la vidéo et le cinéma.
En 1982, ils s’installèrent à Toulouse et inventèrent l’atelier de création populaire, l’Archéoptéryx, Centre national de création, imaginé par Armand Gatti à la demande du ministère de la culture.  Héritière de cette histoire, de ces archives et de ces productions, La Parole errante, créée en 1986, s’installa à Montreuil-sous-bois, en Seine-Saint-Denis. C’est sans doute ce qu’avant tout  et plus que son théâtre, ce que on retiendra d’Armand Gatti…

L’ensemble du matériel attribué à l’Atelier de Toulouse fut confié à La Parole errante qui signa une convention avec le ministère de La Culture et de La Francophonie, et devint Centre international de création. Une mission fut ensuite confiée par le Ministère de la Culture pour créer un lieu «où serait confrontée l’écriture d’auteurs de langue française avec des groupes diversifiés, allant de jeunes éloignés de toute culture classique, à certains professionnels du théâtre intéressés». Ce lieu, La Maison de l’Arbre ouvrira en 1998.

Auteur, metteur en scène et animateur mais avant tout poète engagé, poursuivant jusqu’à la fin de longue vie, son aventure de La Parole errante, il aura été aussi une des  figures du paysage théâtral français de la seconde partie du XXème siècle…

Philippe du Vignal

 

 

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