Festival Méli’môme
Festival Méli’môme
Cette année encore, pendant plus de quinze jours, la ville de Reims s’est tournée vers son jeune public grâce aux nombreuses propositions de cette manifestation au fonctionnement exemplaire, avec des spectacles pour tous les âges.
S’y associent les lieux culturels de Reims et de sa Région, avec les deux salles municipales du Cellier, au centre-ville, bien adaptées à l’accueil des tout-petits, la Comédie de Reims (Centre Dramatique National), Le Manège (Scène nationale) et l’Opéra. On mesure la qualité et la durabilité de ces partenariats, vu en général le peu d’appétence des grands lieux pour accueillir les spectacles Jeune public et petite enfance…
La plupart s’ouvrent à des séances scolaires grâce au travail de fond mené tout au long de l’année par l’association Nova Villa qui prend aussi en charge la programmation Jeune public de Reims/Scènes d’Europe. Elle multiplie les rencontres avec des auteurs, artistes ou professionnels des quatre coins du globe. Ainsi le dramaturge écossais Mike Kenny a rencontré des lycéens autour de son Garçon à la valise. Et la Rwandaise Élise Rida Musomandera a présenté son poignant livre-témoignage, quelques mois après sa compatriote Carole Karemera. Et Karin Serres était à l’honneur avec la publication par Nova Villa, d’un Itinéraire d’artistes, un recueil de textes qui retracent son parcours, grâce aux témoignages d’artistes-amis.
Us/Them par le Théâtre Bronks (Belgique)
L’effroyable prise d’otages à l’école de Beslan, en 2004, et l’assaut des forces spéciales russes, dans le Caucase, ont fait plus de trois cent trente morts dont cent quatre-vingt-six enfants.
Les artistes belges se sont inspirés d’un documentaire qui, quelques années après, a donné la parole aux enfants rescapés qui reviennent sur ces événements avec un détachement surprenant et s’en tiennent surtout à des détails.
Après avoir tracé à la craie, sur le sol, le plan de l’école, les enfants (joués par Gytha Parmentier et Romain Van Houtven) comptent les survivants, de moins en moins nombreux. Leur impassibilité, quoique troublante, correspond certainement à une capacité de résilience qui leur permet de résister à cette épreuve et de se reconstruire. Les comédiens ont su trouver le ton juste, la bonne distance, sur un plateau bien agencé et spatialisé. Des cordes tendues en travers de la scène renforcent l’impression d’enfermement. Scénographie complexe, mise en scène précise, et rythme soutenu sont mis ici au service d’un propos fort.
Le Garçon à la valise de Mike Kenny, mise en scène d’ Odile Grosset-Grange
Deux enfants, Nafi et Krysia, quittent leur pays pour un exil vers un monde meilleur. On suit surtout les pérégrinations de Nafi, dont les parents se sacrifient pour lui offrir un aller simple vers l’Europe. Écrite il y a déjà treize ans, la pièce de l’auteur gallois reste d’actualité et aborde les questions de l’exil et de la reconstruction, en particulier vis-à-vis des enfants. Le texte possède de qualités mais la mise en scène manque de poésie, et le surjeu aboutit à un naturalisme forcé. Dommage ! D’autant plus que la scénographie imaginée par Marc Lainé, un sol en mappemonde, était une belle idée….
Nuit par le collectif Petit Travers.
Une pièce obscure, avec deux portes de chaque côté … Des hommes en costume sombre entrent et sortent, munis de chandeliers. Parfois, des balles fusent. Marchant comme des somnambules, les personnages se mettent à jongler. On ne sait trop combien ils sont, ni où ils se trouvent, mais une poésie absurde se dégage de leurs allées et venues. Comme après un réveil un peu brumeux, on a du mal à distinguer ce qui se passe! Puis comme par magie des balles partent… puis reviennent dont certaines rampent sur le sol, traversent l’espace, franchissent les portes. La musique de Denis Fargetton, constituée de morceaux classiques habilement agencés, souligne la virtuosité de Nicolas Mathis, Julien Clément et Rémi Darbois et renforce cette sensation de demi-sommeil, dans un beau clair obscur.
9 par la compagnie du Cas Public, chorégraphie d’Hélène Blackburn,
Rendez-vous à l’Opéra de Reims avec des Québécois habitués de Méli’môme. L’idée de 9 est née, avec l’arrivée d’un danseur sourd dans la compagnie. En préambule, quelques enfants sont invités sur scène à jouer avec des chaises blanches, de taille différente, disséminées ça et là, et qui resteront sur le plateau durant tout le spectacle.
Puis, avec des mouvements amples et une technique impeccable, les interprètes se déplacent suivant les éclairages pour rester dans la lumière;. La hauteur du grill de l’Opéra permet aux lumières de dessiner de belles trajectoires sur le sol. Et, ainsi les malentendants qui ne peuvent se repérer avec le son, le font avec l’espace…
Une vidéo représentant un jeune garçon sourd et appareillé, fil rouge du spectacle, fait référence à Cai Glover, l’interprète malentendant de la troupe. A ses côtés, Daphnée Laurendeau, Nicholas Bellefleur, Robert Guy et Danny Morissette font exploser les codes du classicisme, accompagnés par une musique très efficace, elle aussi classique. Passionnante de bout en bout, cette pièce nous incite à réviser nos préjugés sur la danse « classique».
Fratries d’Eve Ledig
Eve Ledig promène depuis des années, sa compagnie Le Fil rouge, sur les scènes de France et d’ailleurs, bien connue maintenant des spécialistes du spectacle pour la petite enfance et le jeune public. Elle s’intéresse aux rapports de fratries, à ces relations «obligées» dans la famille, et a entamé un grand chantier de collecte de paroles.
Carole Breyer, Marie-Anne Jamaux, Catriona Morrison et Anne Somot disent, chantent et dansent ces propos de frères et sœurs, pas toujours tendres, parfois cruels, et souvent drôles. Sans chercher à sublimer ces liens, Eve Ledig a imaginé une mise en scène très rythmée et ludique. Et ses comédiennes ont créé des personnages correspondant à leur nature, sensibles et plus profonds qu’ils ne le paraissent.
Léger bémol : à cause de l’agitation qui règne sur le plateau, les paroles en sont pas toujours bien mises en valeur, et nous n’avons guère le temps de profiter du riche matériau qui a été recueilli. La metteuse en scène aurait dû lui faire un peu plus confiance!
Julien Barsan
Spectacles vus au Théâtre Mansart, à Dijon, le 13 avril T. 03 80 63 00 00.
Auditorium de La Louvière, à Épinal, les 2 et 3 mai, T. :09 80 63 18 64; Dôme Théâtre d’Albertville du 30 mai au 2 juin. T. :04 79 10 44 80.
MA/Scène Nationale, Pays de Montbéliard, à Bethoncourt, le 19 mai. T. : 0 805 710 700.
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