Comment va le monde? D’après les textes de Marc Favreau

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Comment va le monde? d’après les textes de Marc Favreau, mise en scène de Michel Bruzat

Marc Favreau, écrivain et comédien québécois (1929-2005) bien connu au Canada, et dans toute la francophonie, entre autres en Belgique et en France, a créé le personnage de Sol, une sorte de clown clochardisant, à la fois rêveur et philosophe, qui s’interroge sur la condition humaine et le langage, l’air de ne pas y toucher, de façon « maladroite », en pratiquant de tout petits changements d’orthographe, ou avec des séries de mots-valises qui perturbent ou détournent le sens des mots.

Le spectacle avait été joué l’an passé au festival d’Avignon (mais, question d’horaires comme souvent en Avignon, nous l’avions raté). Marie Thomas, seule en scène, a quelque chose de magique, dès qu’elle arrive sur le plateau. En manteau trop long à gros boutons, et pantalon  trop court, un vieux chapeau-cloche vissé sur la tête, et de gros Pataugas aux pieds, elle fait vite corps avec son personnage. Diction et gestuelle d’une rare précision, absolument impeccables, bien dirigée par Michel Bruzat, la comédienne a une fabuleuse présence…

Le début, quand elle se maquille dans sa loge  avant d’entrer en scène ne sert pas à grand-chose mais après, à la fois émouvante et solide, dès qu’elle a franchi un petit rideau bleu, on a droit à un remarquable feu d’artifice, à une rare explosion des mots.  Parfois, juste en modifiant une seule lettre d’un mot, Marc Favreau nous offre une échappée belle sur la poésie… Dans la lignée, pour ses textes à l’humour grinçant, de Coluche et de Pierre Desproges, mais aussi, côté gestuelle, de Charlie Chaplin.

Détournement «naïf», c’est à dire supérieurement bien vu, des mots et des suites de mots, au deuxième, voire au troisième degré, et pas si loin, en fait, des astuces du fameux Almanach Vermot, pas si loin non plus, mais cette fois au niveau supérieur qui était le sien, du merveilleux Ghérasim Luca, ce poète roumain, plus français que français, et grand amoureux de notre langue et de Paris où il vécut (voir Le Théâtre du Blog). « L’humour, disait Marc Favreau, c’est plus qu’une blague qui fait rire ». Avec ici, un montage de ses textes qui ont pour thème : la violence, la bêtise des gens qui nous gouvernent : «les premiers sinistres», la vie au quotidien…

 Côté faux anglicismes, jeux sur les mots et acrobaties sémantiques, Marc Favreau est en effet  un champion toutes catégorie, du genre: «le ravioli conjugal », « il met ses bananes au régime », Le «Fier Monde », « le tétanoscope », « les Arabes n’y vont pas de mer morte», «les alliés nés», »l’orthodontiste indépendantiste», «l’Afrique du Sud fait une répression nerveuse ».
Michel Bruzat a eu le flair d’arrêter ce merveilleux solo-feu d’artifice en plein vol, au bout de ces quatre vingt-dix minutes, qu’il a très bien réalisées et qui nous procurent un moment de rare bonheur. Nous espérons vous avoir donné l’envie d’y aller. Par les temps qui courent, cela fait  toujours du bien par où cela passe, donc n’hésitez pas. Même si c’est à 21h 30…

 Philippe du Vignal

Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, 75001 Paris. T : 01 42 36 70 56 jusqu’au 22 avril.

Le texte de la pièce (avec DVD) est publié aux éditions Camino Verde.

 

 

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Archive pour 13 avril, 2017

Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac

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Victor ou les enfants au pouvoir de Roger Vitrac, mise en scène de Marianna Kalbari, adaptation et musique de Stamatis Kraounakis

L’originalité de la pièce (1928) tient d’abord  au personnage de Victor, ce petit garçon qui a trop vite grandi, humain et monstrueux à la fois, et que son extrême intelligence pousse à la destruction, voire  à l’autodestruction.

Roger Vitrac (1899-1952) a su reprendre les codes et les valeurs du drame bourgeois, pour mieux les subvertir et réaliser ainsi un alliage stupéfiant de rire et d’effroi, de comique et de tragique. Victor est sans aucun doute l’œuvre la plus achevée du théâtre surréaliste français, et l’écrivain français a réussi à y introduire la cruauté et l’absurde à la fois.

Stamatis Kraounakis (qui incarne aussi Victor), a conçu une sorte de comédie musicale à partir de cette pièce, avec un livret qui en renforce la théâtralité. Marianna Kalbari l’a mise en scène, en pariant sur  une esthétique burlesque, à la limite du macabre! Bref, une fête grandiloquente avec des chansons soulignant avec amertume, l’innocence perdue… Les enfants, nous dit cette comédie musicale, ne peuvent pas changer le monde, et le pessimisme est bien là,  mais n’alourdit tout de même pas le climat de la pièce.

Konstantinos Zamanis a imaginé un grand cirque où les personnages habillés de costumes  surréalistes, se baladent à la recherche de leur identité, dans un monde hostile à «l’imagination au pouvoir» comme on disait en 1968. La chorégraphie de Mariza Tsigka et les lumières de Stella Kaltsou accentuent la vision symbolique du monde conçu par l’écrivain français. Charis Fléouras (la bonne Lili), Fotini Baxevani (Esther, la fille), Fenia Papadodima (Emilie/Ida), Christos Gerontidis (Charles) et Maria Tzani (son épouse Thérèse), Gerasimos Genatas (Antoine), Konstantinos Efstratiou (Le Général) jouent tous avec unité, la raillerie et le rire caustique de cette satire, ici bien accompagnés par les musiciens Vassilis Drouboyiannis et Vayios Prapas.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Technis  Karolos Koun 14, rue Frynichou, Athènes. T. : 0030 210 32 22 760.

 

 

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