Rencontres des jonglages / Héros Fracas / All the Fun
Rencontres des jonglages:
Ce festival, organisé par la Maison des jonglages du 8 au 30 avril, fête son dixième anniversaire, avec des représentations dans de nombreux théâtres partenaires en Ile-de-France: depuis sa base arrière, La Courneuve, jusqu’à Evry (Essonne) et Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), en passant par Paris, Aubervilliers et Saint-Ouen (Hauts-de-Seine). Depuis plusieurs années, dit Thomas Renaud, son directeur, la création « jonglée » se marie avec de nombreuses disciplines du cirque, et s’ouvre de plus en plus à la danse et au théâtre. Avec, aussi, l’omniprésence de la musique.
Le jonglage, un sport qui peut aussi concerner la cuisine et les arts de la table avec des artistes qui manipulent des pizzas ou des verres… Tout objet semble bon à jongler, même les sacs en plastique et les rhombes, comme dans Maputo Mozambique, avec des artistes venus de cette capitale africaine, en résidence à la Maison des jonglages. Mais lancer en l’air des objets n’est plus une obligation… Le Japonais Hisashi Watanabe s’enracine au sol dans Inverted Tree.
Sans oublier l’ancrage de cet art dans l’espace public, que le festival entend privilégier, avec en Seine-Saint-Denis, des déambulations ludiques, une conférence jonglée, des bals et une installation de rue. Un spectacle original comme Rien ne se perd, se baladera en effet dans plusieurs cités du département, conçu par l’architecte Sébastien Renauld, et le sociologue urbain Laurent Boijeot.
Tous les deux aussi performeurs, ils interviennent depuis plusieurs années dans la rue et proposent ici aux gens de les rejoindre dehors, en vivant dans des meubles qu’ils ont construits pour l’occasion. Les passants peuvent ainsi s’asseoir et discuter avec eux, ou encore passer la nuit à la belle étoile mais dans une literie confortable. Au passage, un peu partout, le festival organise aussi des ateliers pour les amateurs… (nombre de jongleurs sont autodidactes). Bref, un riche programme à découvrir.
Héros Fracas mise en scène de Luna Rousseau
Après L’Homme de boue en 2014, le Jardin des Délices présente sa deuxième création, un spectacle parodique de quarante-cinq minutes, joué ce soir-là parmi les lilas en fleurs, dans un jardin parisien du XVIIIème siècle. Qu’est-ce qu’un héros ? « Quelqu’un qui protège les gens, un justicier. Quelqu’un qui n’a pas peur et qui s’apprête à tout (…) »répond une voix off enfantine.
Nathan Israël, armé de massues, et Tom Neal, à la roue Cyr, vont tenter de se montrer à la hauteur. Baraqués, ils bombent le torse, puis, l’un oscille, mince et aérien dans son grand cerceau, l’autre, aux muscles d’acier, lance ses massues le plus haut possible. Mais les héros sont fatigués et, après avoir revêtu la tenue de Spiderman ou de Big Jim, et avoir, pour se soutenir le moral, énuméré dans le désordre les noms de grands hommes, d’Achille à l’Abbé Pierre, du Père Noël à Lao Tseu, ils finissent par jeter l’éponge. L Mais les numéros, au départ bien huilés, se délitent. «Et après, quand ses missions sont terminées, il reprend sa vie normale», dit la voix enfantine. Les supermen ont sombré dans le doute et se demandent, en guise de conclusion, ce qu’il en est, des héroïnes… Ce spectacle, habilement chorégraphié, et bien réglé, s’attaque à l’image dérisoire du mâle guerrier, et à l’instrumentalisation de justiciers comme Zorro. Il ne cherche pas la virtuosité à tout prix et s’oriente plutôt vers des effets parodiques. Mais le texte, trop démonstratif, gagnerait à être plus concis… et plus travaillé : la dramaturgie gestuelle a déjà en effet une ironie assez explicite et l’ensemble ne demande qu’à se roder : Tom Neal a en effet remplacé, au pied levé, Sylvain Julien, expert en hula-hoop qui avait créé Héros Fracas avec Nathan Israël. Donc, à suivre…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 14 avril, dans le jardin de l’Hôtel de Sully, 68 rue Saint-Antoine, Paris IVème. Dans le cadre de la saison de « Monuments en mouvement », manifestation du Centre des monuments nationaux. Le 19 avril au Théâtre de l’Agora Evry et le 29 avril, à la Maison des jonglages, Théâtre Houdremont. 11 avenue du Général Leclerc à La Courneuve (93).
All the Fun par la compagnie EaEo
En partenariat avec le Carreau du Temple, les Rencontres des Jonglages ont invité une compagnie belge fondée en 2009 par Jordaan De Cuyper, Sander De Cuyper, Bram Dobbelaere et Eric Longequel. Neta Oren, la seule fille du groupe, les a récemment rejoints pour la création d’ All the Fun, en 2015.
La pièce s’annonce sous des auspices ludiques : «Rendre hommage à ce qui ne sert à rien, un hommage aux hommages à ce qui ne sert à rien ( …)», aux objet ordinaires et inutiles. L’objectif : s’amuser. Les jeunes gens, en tenues blanche de gymnaste, jouent, comme dans une cour de récréation, avec leurs massues ou leurs balles multicolores, à se défier dans des concours pour rire : qui restera le plus longtemps avec deux massues en équilibre l’une sur l’autre? Qui attrapera la balle perdue par son camarade? Combien de temps Jordaan, assis par terre, gardera-t-il le micro et son pied en équilibre vertical entre les jambes, tandis que son partenaire se moque de cette posture instable et comique? Au bout de combien de contorsions imposées par la chorégraphie, Neta lâchera-t-elle prise ?
Tout finit par un « rave party » hallucinante où, proches de la transe, les joyeux drilles continuent à jongler sur une musique techno entêtante, jusqu’à n’en plus pouvoir… Ces facéties jonglées requièrent une grande virtuosité dont ils ne manquent pas. D’un numéro à l’autre, en solo, à deux, trois, quatre ou cinq, ils multiplient combinatoires et difficultés pour tenir leur public en haleine. Des lumières discrètes mais réglées avec soin, accompagnent leurs évolutions. Aucun détail n’est laissé au hasard : les artistes ont peint eux-mêmes leurs accessoires et ont fabriqué d’astucieux et jolis tabourets en bois brut, de hauteur différente et disposés en cercle autour de la piste centrale. L’harmonie règne dans toutes ces loufoqueries.
Un spectacle, rien que pour s’amuser à nous amuser. Ce qui ne peut pas faire de mal en ce moment…
Mireille Davidovici
Spectacle vu au Carreau du Temple, Paris IVème, le 15 avril.
Ostende De Grote Post le 7 mai et Heist-Op-Den-Berg, Centre Culturel de Zwaneberg (Belgique), le 13 mai. Théâtre de Bourg-en- Bresse (sous chapiteau) du 17 au 20 mai. Valladolid Festival TAC (Espagne), les 26 et 27 mai. Théâtre du Prato à Lille, 27 juin.
Edinbourgh Fringe Festival (Ecosse), du 5 au 28 août. Vilnius New Circus Weekend (Lituanie), les 6 et 7 septembre.
Houthalen Centre Culturel Casino ( Belgique) le 21 octobre.
www.festival.maisondesjonglages.fr
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