Baal de Bertolt Brecht

 

Baal de Bertolt Brecht, traduction d’Eloi Recoing, mise en scène de Christine Letailleur

 

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© Brigitte Enguerand

Son chemin n’a rien d’un parcours initiatique et  initié de naissance, il n’a rien à apprendre, sinon qu’il est poète et qu’il mourra jeune.
Poète : on comprend la séduction qu’il exerce, aussi loin qu’il pousse les mauvaises manières. Il décape et nous force à voir des vérités pas jolies: il est «voyant», ce à quoi le commun des mortels ne peut accéder, tout en ressentant vaguement qu’il y aurait quelque chose à voir.

Baal s’encanaille le plus possible pour briser  ce qu’il pourrait y avoir encore de conventionnel ou de soumis en lui. C’est cela, être maudit : refuser toutes les conventions, y compris la reconnaissance de son génie, et se détruire puisque le ciel est inaccessible. Une saison, une vie en enfer : des gens préfèrant leur jouissance à leur bien.
Christine Letailleur a cru devoir miser sur des éléments forts: une scénographie et des lumières spectaculaires… jusqu’à la grandiloquence avec effets de braises, nuages sur tulle, flammes et ciels violets. Le tout soutenu par une musique, elle aussi  « en technicolor ». Cela renvoie plus à Hollywood… Et ce décor imposant évoque l’esprit géométrique des années vingt. Une belle passerelle qui sert sans desservir les acteurs, complète cet ensemble disparate…
Et la metteuse en scène a choisi pour jouer Baal, Stanislas Nordey qui n’est pas le petit gros suant, suggéré par le texte (“l’éléphant »). Mais en “hyper-acteur“, comme il y a des “hyper-présidents »,  il n’a plus à cinquante ans, l’âge de la révolte adolescente.

Pour Christine Letailleur, sa séduction et sa radicalité sont ailleurs : dans le verbe. Au centre du plateau, Stanilas Nordey balance en effet le texte comme une litanie furieuse. Inconvénient : cette scansion régulière et fortement rythmée, lasse au bout d’un moment (le spectacle dure deux heures et demi!) et déteint aussi sur les autres interprètes. Bref, la direction d’acteurs n’a rien de bien clair avec des personnages s’effacent dans un chœur mal défini.
On voit bien “Baal et les autres » dans la première scène où le chef de bureau et ses invités reçoivent la vedette du jour: le buveur provocateur. Mais cela ne fonctionne quand même pas, et les acteurs sont coincés entre expressionnisme et naturalisme !
Nous avons regretté de ne pas entendre simplement un récital des poèmes de Bertolt Brecht. On rêverait d’un Baal outrageant de jeunesse et plein de feu, avec des acteurs tout juste sortis d’une école, secouant les planches. Mais ici, nous avons eu droit à un spectacle pesant, sans oxygène et sans nécessité !
Dommage pour Baal et le public…

Christine Friedel

Théâtre National de la Colline,  17 rue Malte Brun, Paris (XX ème), jusqu’au 20 mai . T. :01 44 62 52 52.

 

 

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