Songes et Métamorphoses

© Élizabeth Carecchio

© Élizabeth Carecchio

Songes et Métamorphoses, une création de Guillaume Vincent, Les Métamorphoses de Guillaume Vincent, librement inspiré d’Ovide et Le  Songe d’une nuit d’été  de William Shakespeare, traduction de Jean-Michel Déprats

« Même s’il ne s’agit pas de se comparer ou de se mesurer à Shakespeare, Métamorphoses serait une sorte de prologue, mais d’une durée quasi-équivalente au Songe d’une nuit d’été. Dans Le Songe, il est d’ailleurs question d’un prologue… À l’inverse du prologue de Bottom, Les Métamorphoses joueront à fond des ambivalences, et le réel pourra prétendre à devenir fiction, quand de son côté, la fiction se donnera pour réelle.

En partant du Songe d’une nuit d’été, et en particulier de la partie liée aux artisans, je voudrais pouvoir composer des variations, comme en musique, sur le thème du théâtre amateur. (…) Le théâtre amateur sous toutes ses formes : théâtre social, théâtre thérapeutique ; le théâtre qu’on fait à la maternelle ou au primaire … (…)Métamorphoses est donc une sorte de prologue hypertrophié, un lever de rideau trop long pour être véritablement un lever de rideau Et moi, que vais-je demander au spectateur de ce prologue… de cette première partie ? De l’indulgence ? De l’imagination ? Sans doute les deux, et plus si affinités. »

Guillaume Vincent a au moins le mérite de la franchise: on a d’abord droit à un petit spectacle d’enfants puis à un atelier-théâtre, avec des acteurs professionnels qui jouent un prof de lycée, M. Gaillard,  et des acteurs amateurs, un exercice comme on le sait, des plus périlleux. Le tout sur les thèmes  traités avec bonheur par Ovide :  Narcisse, puis d’Hermaprodite et moins connue,l’histoire d’une jeune fille,  Myrrha amoureuse de son père. Puis celle du célèbre Pygmalion, jouée soi-disant par une troupe de comédiens professionnels.

« On interroge la vraisemblance, croit utile de préciser Guillaume Vincent». Que nenni ! Ces petites saynètes mises bout à bout, sans autre fil conducteur que les fantasmes du metteur en scène sur les jeux entre fiction et réel, ne fonctionnent absolument pas ; vite et mal écrites, elles distillent un ennui d’une rare qualité ! Rien ici n’est dans l’axe : faiblesse de la dramaturgie, faiblesse de la mise en scène ronronnante et sans imagination, malgré quelques belles images ici et là, faiblesse de la direction d’acteurs peu crédibles et à la voix amplifiée (on se demande une fois de plus pourquoi !), en partie issus du Jeune Théâtre national et donc pris en otage. Ce qui moralement, n’est pas très bien. Et  cette première partie va durer une heure quarante cinq !

© Élizabeth Carecchio

© Élizabeth Carecchio

Enfin arrive un vrai moment de théâtre avec la terrible aventure de Procné qui comprend que son mari a couché avec sa sœur et qu’il lui a tranché la langue pour qu’elle ne parle pas. Procné sera bien entendu, prête à toutes les vengeances… Et pour ce personnage, Guillaume Vincent fait appel à une de ses comédiennes préférées qu’il avait déjà fait travailler dans La Nuit tombe et Gare de l’Est (voir Le Théâtre du Blog) : quand Emilie Incerti-Formentini arrive, elle a une vraie présence, une maîtrise du plateau et une telle intelligence de son personnage qu’elle s’impose-avec une diction et une gestuelle impeccable-en quelques minutes. Là, il se passe quelque chose de presque magique sur le plan théâtral…

Mais malheureusement, cela ne dure pas !  Après un entracte bien mérité, on a droit à un Songe, d’une absolue médiocrité. « Pourquoi ne pas s’amuser plutôt, dit Guillaume Vincent à exalter ces différences en les abordant avec une telle schizophrénie qu’on pourrait donner l’illusion qu’il s’agit de trois pièces mises en scène par trois metteurs en scène différents? C’est le pari que je voudrais faire avec ma mise en scène.» « Shakespeare déploie son génie comique à travers ses intrigues et ses personnages, mais on peut aussi être effrayé par l’inouïe violence des rapports » Pari raté que cette « déclaration d’amour au théâtre» !

Guillaume Vincent semble en effet rouler pour lui, et semble se complaire dans une réflexion sur une mise en abyme de la pièce. Avec une certaine prétention, pour essayer de restituer cet incroyable mélange de bouffonnerie mais aussi de sublime tragique que William Shakespeare avait su concocter… Mais rien à faire, à force faire joujou avec la pièce, cela devient vite fastidieux. Ainsi Titania et Obéron sont joués par deux chanteuses, au prétexte qu’on donnait souvent par tradition le rôle d’Obéron à une jeune femme. Tous aux abris !
Et au lieu de la mettre simplement en scène, Guillaume Vincent n’arrive pas à faire sentir toute la féérie mais aussi toute la violence des rapports amoureux entre les personnages shakespeariens. Résultat : on retrouve la même qualité d’ennui que dans la première partie. Et même un très bon acteur comme Gérard Watkins n’arrive pas à trouver ses marques !

 On pouvait reprocher des facilités à une mise en scène comme celle de Jérôme Savary quand il monta Le Songe dans la Carrière Boulbon au Festival d’Avignon, mais il se passait quelque chose de magique, et avec quelques bons comédiens, il avait su recréer un climat et traiter la scène des artisans avec vérité.Mais là, pas grand chose de vrai qui nous toucherait un peu. Et au lieu de se faire plaisir, Guillaume Vincent aurait mieux fait de mettre simplement la pièce en scène. Il y a tromperie sur la marchandise, comme disait lucidement une spectatrice…

Reste une énigme : comment ce spectacle a-t-il pu être choisi par l’Odéon, et pourquoi aussi en quatre heures ? On comprend mal Stéphane Braunschweig, même si Guillaume Vincent a été son élève à l’Ecole du T.N.S. C’est un coup à vider les salles. En tout cas, vous voilà prévenu : si vous êtes enseignant, inutile d’y emmener vos élèves ou même vos étudiants en théâtre, vous les dissuaderez à jamais de retourner au théâtre…

Conseil de vieux con: Faites leur une lecture d’extraits des Métamorphoses d’Ovide, ils apprécieront et auront vite envie de le lire! Et montrez-leur une vidéo d’une mise en scène de qualité comme celle de la Royal Shakesperare Company…

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon/Ateliers Berthier, 1 Rue André Suares, Paris XVIIème. T : 01 44 85 40 40, jusqu’au 20 mai.

 

 

 

 

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Archive pour 25 avril, 2017

Concert Bob Dylan

 

Concert Bob Dylan

 

(C)Chris  Pizzello

(C)Chris Pizzello

On inaugure un nouveau lieu, à l’Ile Seguin, à Boulogne-Billancourt, qui fut le fief de 1929 à 1992 des usines Renault. François Pinault abandonnera finalement son projet de musée d’art contemporain, puis Jean Nouvel concevra un plan directeur pour l’île. La Seine musicale  aura réussi à voir le jour, créée par les  architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines, auteurs entre autres, du Centre Pompidou-Metz; ils ont réalisé un bâtiment sur un tiers de la superficie, soit 2,3 hectares, de l’île. Coût : 170 millions d’euros, dont 120 de fonds publics… La nouvelle Seine musicale, gérée par un groupement privé, devra être rentable au bout de quatre saisons, avec un budget de 25 millions!

Le bâtiment, en forme d’œuf surmonté d’un semblant de voile, tout en longueur, comprend un auditorium de 1.500 places, et une salle polyvalente d’une capacité de 4.000 places assises, ou 6.000 debout… Le lieu accueillera la Maîtrise des Hauts-de-Seine, le chœur de l’Opéra de Paris, l’Académie de Philippe Jaroussky pour jeunes musiciens, et l’Insula Orchestra, dirigé par Laurence Equilbey en résidence permanente. West Side Story y sera présenté dans la grande salle, d’octobre à décembre,  dans le programme concocté par Jean-Luc Choplin, ancien directeur du Théâtre du Châtelet  et nouveau patron artistique du lieu. Il  y emmènera aussiLes Etés de la danse avec la compagnie Alvin Ailey.

Pour l’heure, c’est un concert Bob Dylan pour trois soirs, et très attendu… Nous y étions, mais que ceux qui n’ont pu y aller, se rassurent: ils n’ont rien raté. D’abord, un son épouvantable, sans doute parce que les ingénieurs n’ont pas noté que le récent prix Nobel l’a été en littérature…  Pour jouir des paroles, mieux vaut donc faire retour au CD.

La tenue de Bob Dylan en scène, on connaît. Au piano, de dos (on voit d’ailleurs qu’il ne l’a pas travaillé depuis 1962 !) ou en fond de scène, entre ses musiciens qui doivent presque le pousser pour qu’il se montre. Mais comme il porte un chapeau de cow-boy, on ne voit même pas ses yeux. Bob Dylan n’adressera pas un mot au public et ne présentera même pas ses musiciens!

 Quant à son  répertoire, à part Don’t Think twice, it’s all right et Desolation Row -mais ici massacrés- et deux ou trois de ses chansons (pas les plus connues), nous avons eu droit à un florilège de la pire variété U.S.A. et à des standards de Frank Sinatra et autres crooners, en arrangement country bas de gamme (pédale «steel guitar» jusqu’à plus soif..).  On avait l’impression d’un concert préparé à l’intention des bouseux du Midwest. Il fallait se pincer pour se souvenir que Bob Dylan a porté l’étendard de la musique contemporaine. Dernier morceau : Les Feuilles mortes, tonalité : chant funèbre. Sinistre…

Quant à son orchestre : tous des bons musiciens mais qui cachetonnaient et qui se sont contentés d’une simple mise en place jusqu’à la fin du dernier refrain…Bob Dylan n’a pas fait appel à leurs talents d’arrangeurs ! Pas une originalité, pas un trait d’humour ou de fantaisie.

Bilan : un concert triste et décevant. Le public, à part un carré de fans, ne s’y est pas trompé  et est resté sur sa réserve. Bref, ceux qui ne sont pas venus, n’ont rien perdu. Mieux vaut poser un bon vieux Bob Dylan sur sa platine et regarder l’avenir avec !

Jean-Louis Verdier

Concert entendu à la Seine musicale, Ile Seguin, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) le 21 avril.

Et à Francfort, le 25 avril,  Hanovre le 26 avril et  Londres, les 27 et 28 avril.

 

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