BERLIN 33 histoire d’un Allemand

Berlin 33 histoire d’un Allemand d’après Histoire d’un Allemand-Souvenirs 1914-1933 de Sébastien Haffner, spectacle conçu par Laurence Campet, Olivia Kryger et René Loyon

 L’auteur, né à Berlin en 1907, meurt en 1999, après une vie bien remplie de journaliste et écrivain  Ses enfants retrouveront et publieront son texte manuscrit qui retrace la chute inexorable de l’Allemagne, depuis la liquidation de la République de Weimar, avec les élections législatives du 14 septembre 1930 où le parti nazi passa de 12 à 107 sièges, jusqu’à l’émigration en Angleterre de Sébastien Haffner en 1938.

L’ouvrage a un grand succès dans les pays de langue allemande. Témoignage incomparable sur la montée du nazisme et la vie des allemands dans l’avant-guerre. Il constitue surtout un démenti cinglant à toutes les formules de la justification a posteriori qui reviennent sur cette période sur le mode du « on ne pouvait pas savoir « ; dès 1938, Sébastien Haffner est clairvoyant sur la nature du régime hitlérien.

René Loyon, seul en scène sur un plateau nu, décrit l’atmosphère presque joyeuse des élections en 1932. Et le 30 janvier 1933, Hitler sera devenu chancelier : «Une grosse pâte sale se plaquait sur mon visage !  Les nazis ne faisaient qu’effleurer la surface politique. Tout le monde avait avalé  la thèse de la culpabilité communiste avec la lâche trahison des 56% des gens qui avaient voté contre les nazis». »En mars 1933, le Troisième Reich est né, il fallait frapper avec les bourreaux pour ne pas être frappé ! La révolution nazie agissait comme un gaz toxique. »

Sébastien Haffner, après avoir terminé ses études de juriste, parvint à émigrer en Angleterre…René Loyon, seul sur le plateau, nous fait revivre simplement avec une grande efficacité mais sans pathos ni effets de manche, ce moment effroyable de la montée irrépressible du populisme.  Nous sommes saisis par ce texte. Comme l’écrivait Brecht: «Le ventre est encore fécond d’où peut surgir la bête immonde ! »

Edith Rappoport
 
Spectacle joué à la Maison des Métallos les 28 et 29 avril;  B.N.F. site François Mitterrand, Paris XIIIème, les 20 et 21 mai.
Théâtre Jean Vilar,  Suresnes. T: 01 55 53 10 60, les 18 et 19 novembre.

 
 
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Archive pour 30 avril, 2017

La Mouette d’Anton Tchékhov mise en scène d’Isabelle Hurtin


 

La Mouette d’Anton Tchekhov, traduction d’Antoine Vitez, mise en scène d’Isabelle Hurtin

©© Kevin Chemla

© Kevin Chemla

D’abord une pensée émue pour Antoine Vitez; aujourd’hui, il y a déjà vingt-sept ans,  jour pour jour (et c’était aussi un dimanche vers 17 heures  comme  au moment de cette représentation), il fut terrassé par une hémorragie cérébrale!

Donc encore une Mouette ce mois-ci,  la troisième ce mois-ci! (voir Le Théâtre du Blog). Disons sans doute quelque peu influencée par Antoine Vitez, dont Isabelle Hurtin fut l’élève, et qui monta  remarquablement La Mouette à Chaillot.

Cela se passe en quelque deux heures, dans le petit théâtre du Ranelagh en bois et stuc style Renaissance flamande, mais pur porc XIX ème, tout près de la place de la Muette. Louis Mors, un constructeur automobile, le fit bâtir en 1895, à côté de son hôtel particulier…Tiens, la même année où Anton Tchekhov écrivit sa célèbre Mouette créée en octobre 1896 à Saint-Pétersbourg, avec Vera Komissarievskaia dans le rôle principal et qui fut un échec, avant d’être reprise, trois ans plus tard, par Constantin Stanislavski cette fois avec succès au Théâtre d’Art de Moscou. La première de ses grandes pièces-devenues cultes: Les Trois sœurs, Oncle Vania et La Cerisaie

On connaît le scénario aux amours à tiroirs, comme dans Andromaque dit notre amie Christine Friedel. Treplev aime Nina qui veut être comédienne, joue dans la première pièce de son amoureux, lequel se croit déjà un écrivain, sur une petite scène dans un jardin : c’est une sorte de manifeste pour un théâtre nouveau et un monde meilleur. Mais bon, le texte comme la mise en scène sont ceux d’un débutant et le résultat frise la catastrophe… Arkadina, la mère du jeune Treplev, une actrice connue mais qui n’a plus guère de succès, est l’amante de Trigorine, un écrivain lui aussi connu, est très déçue par ce petit spectacle et le dit à Treplev, son fils que  Nina quittera pour Trigorine. Il y a aussi Macha qui aime le jeune Treplev qui donc aime Nina.
Polina, la femme de l’intendant, aime sans espoir le docteur Dörn, et le vieux Sorine  semble aimer un peu Nina, et Medvedenko, l’instituteur aime Macha… Deux ans plus tard, Nina et Treplev se reverront mais elle a raté sa carrière et Trigorine l’a quittée pour retrouver Arkadina…. Treplev accablé, se suicidera

« Cette création se passe entre les larmes du lac, les couleurs claires et limpides de l’espoir, de la jeunesse, de l’amour, les brumes de la vie. » On veut bien… mais Isabelle Hurtin a préféré une scène nue qui, même avec des pendrillons noirs relevés sur le côté, est  singulièrement encombrée par la petite scène où va jouer Nina, par un fatras de chaises. Cela réduit, sur un plateau déjà pas bien grand, l’espace vital des comédiens qui jouent trop souvent face public- on se demande bien pourquoi- face public et sont sous-éclairés: ce qui n’arrange pas les choses! Isablle Hurtin aurait pu aussi nous épargner ces jeux hors scène, dans une corbeille  ou dans le couloir central du parterre.

Cette mise en scène, on dira honnête, prend en compte le texte mais a des défauts trop évidents qui plombent la représentation. D’abord, un rythme trop lent avec des changements d’acte qui n’en finissent pas et des images projetées, très pléonastiques comme, entre autres, la silhouette verte de cette jeune femme qui est aussi sur l’affiche, le dessin d’une maison au bord d’un lac au moment où on en parle  ou celui, à la fin quand Treplev se suicide, d’une mouette tachée de sang! Tous aux abris…

Par ailleurs, la distribution est trop inégale: Isabelle Hurtin s’en sort bien dans Arkadina, comme Mathieu Saccuci (Treplev), Thomas Cousseau (Trigorine) ou Frédéric Cuif (le docteur Dorn). Mais il faut se pincer  pour croire un instant que Léonor Ilitch puisse être la toute jeune Nina… La comédienne qui a une diction pas toujours très sûre, ne semble pas vraiment à l’aise. D’autant plus ennuyeux qu’elle est souvent sur scène! Et il n’y a guère d’émotion, sauf à la toute fin quand Treplev se suicide. Ce qui ne suffit évidemment pas…

« Mélange de grande tendresse et de violence contemporaine » dit Isabelle Hurtin. Désolé, mais nous n’avons pas ressenti une tendresse dans cette mise en scène faussement « moderne », trop longue et trop « bavarde », même s’il y a quelques belles images. Le public, pas dupe, a salué poliment. Dommage pour cette Mouette qui n’a pas les mêmes qualités que celle d’Oskaras Korsunovas (voir Le Théâtre du Blog)…  Nous ne vous pousserons donc pas à y aller.

Philippe du Vignal

Théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes, Paris (XVI ème). T:  01.42.88.64.44 jusqu’au 30 avril.
Théâtre de l’Epée de Bois, du 12 au 28 juin, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre. T: 01 48 08 39 74. Métro: Château de Vincennes; puis navette gratuite.

 

 

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Fucky happy end texte et mise en scène de Sarah Fuentes

 © Frédérique Toulet

© Frédérique Toulet

Fucky happy end texte et mise en scène de Sarah Fuentes

Pourquoi d’abord ce titre en anglais ? Cela devient un snobisme ridicule et inutile, qui sévit beaucoup actuellement à Paris surtout, et qu’il faut dénoncer. La langue française existe encore mais Sarah Fuentes semble l’ignorer. Bon, une fois ce coup de gueule passé, voyons ce qu’il en est de ce spectacle…

«Je refuse les étiquettes, dit-elle, le cloisonnement des genres. Théâtre public. Privé. Boulevard. Tragédie. Absurde. Grand guignol. Comédie. Cabaret. Ici, on passe de l’un à l’autre. On s’amuse, à jouer, avec les genres théâtraux, les codes du conte de fées, les registres de jeux, les mots, les clichés, les apparences, les émotions. On y joue même à se faire peur…Le fond est sombre, la forme souvent hilare. » (…) Comme un acte de résistance, je me suis appropriée le conte de Peau d’âne pour donner vie à une comédie. Une comédie loufoque et déjantée mais qui ne renie jamais sa part de tragédie. J’en ai fait une version contemporaine pour la confronter aux interrogations de mon époque. J’ai choisi d’en transposer la trame dans un étrange cabaret d’Insurgés. »
Au delà de cette note d’intention assez prétentieuse, on a droit à une version détournée et contemporaine de ce célèbre conte populaire qu’a fait surtout connaître Charles Perrault (1694) et  qu’a repris Jacques Demy, dans son fameux film musical en 1970.

Sarah Fuentes voudrait, si on a bien compris, créer une sorte de cabaret sur le thème du «genre», qui serait à la fois grotesque et absurde. Et cela fonctionne? Non, pas très bien. Pourtant, au tout début, il y a une belle image surréaliste avec une jeune femme en robe de mariée avec un masque d’âne, et un jeune homme en slip blanc et veste noire, avec un masque de cochon. Mais cela ne dure pas : la metteuse en scène ratisse large, mais a bien du mal à essayer de marier le thème de l’inceste traité par Charles Perraut, et celui du «genre», avec de petites promenades parmi les contes et légendes de notre enfance. Non sans une certaine satisfaction personnelle : «Le travail sur les archétypes décortique allégrement ces figures iconiques de contes pour mieux les fondre dans les nouveaux archétypes de notre époque. Et questionner ainsi le formatage perpétuel de nos sociétés sclérosées.» On veut bien, mais on est loin du conte… et du compte!

Les comédiens, dont Sarah Fuentes elle-même en virago déjantée, font le boulot. Mais côté dramaturgie, le spectacle rame et part dans tous les sens; la metteuse en scène a bien du mal à éviter les longueurs; les petites scènes sans intérêt se succèdent, distillant pour la plupart un bel ennui. Et elle a recours, en croyant assez naïvement à leur quelconque nouveauté, aux pires stéréotypes du théâtre contemporain, comme l’élimination du quatrième mur ou ces insupportables incursions d’acteurs dans la salle…

Désolé, mais quelques intentions féministes et le thème de l’émancipation de la jeune fille ne suffisent pas et le texte, faiblard, a de sacrés tunnels! Même si, on le concèdera à Sarah Fuentes,  il y a dans ce spectacle, quelques belles images. Bref, nous sommes ressortis de là, très déçus.

Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué du 6 au 29 avril au Théâtre des Déchargeurs, rue des Déchargeurs Paris 1er


 

 

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Le Froid augmente avec la clarté, projet de Claude Duparfait

Le Froid augmente avec la clarté, librement inspiré de L’Origine et La Cave de Thomas Bernhard, un projet de Claude Duparfait

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J.l. Fernandez

Quête d’identité et affrontement originel, dans une tension de l’écriture, reconnaissable entre toutes, qui tourne sur elle-même, avançant sous la clarté froide à laquelle il faut résister.

Le spectacle de Claude Duparfait, artiste associé au Théâtre national de Strasbourg, est inspiré des deux premiers romans autobiographiques de Thomas Bernhard (1931-1989), L’Origine et La Cave, récits de cette adolescence passée à Salzbourg, avec une vision de la guerre, et du collège où il entra en 1943. Et dont  la Direction des études passa du national-socialisme au catholicisme… Des images funestes surgissent, évoquant cette double violence, avec, au mur, un portrait d’Hitler, puis une crucifix, symboles qui sapent la pensée en formation, la faculté intellectuelle à réfléchir seul.

L’envie de mettre fin à ses jours hante l’adolescent, effrayé et solitaire, qui  fait son apprentissage du violon dans « la petite pièce à chaussures ».  Mélancolie exacerbée par la séparation d’avec son grand-père tant aimé,un anarchiste, anticonformiste et philosophe, observateur de la nature, appréciant la peinture et la musique, et qui lui donna l’amour des arts…

Le narrateur évoque sa fuite en 1947 du lycée bien-pensant et mortifère de Salzbourg, lui préférant le «sens opposé» que les autres et les conventions honnissent ; une conviction intime et une musique intérieure, doublée d’une rage de vivre. Apprenti dans une épicerie en sous-sol d’une banlieue ouvrière, le jeune Thomas vit cette expérience comme une épreuve nécessaire une « antichambre de l’enfer». Il y côtoie de vraies personnes, humbles travailleurs et mères de famille. Une scène festive et récréative avec  masques et danse illustre ici son nouveau compagnonnage avec le peuple.

Cette parole du refus est mise en scène avec délicatesse par Claude Duparfait qui joue l’autobiographe adulte, confronté enfant d’abord, à la présence tutélaire et affectueuse de son grand-père qu’incarne Thierry Bosc, avec un débit verbal heurté et une justesse sentie des propos: le metteur en scène  connait bien le rythme de cette écriture.

Florent Pochet interprète lui,  le jeune Thomas, et fait résonner son inquiétude fondatrice. Et Claude Duparfait, créateur à deux niveaux: scène, et théâtre dans le théâtre, regarde attentif, depuis son pupitre, évoluer les identités qui habitent son personnage, en même temps ou successivement. Ainsi, Annie Mercier, très ludique, a une présence distanciée et patiente, et elle lance ses diatribes contre une société de géniteurs irresponsables et obscurantistes qui ne savent pas éduquer leurs enfants!

 La scénographie de Gala Ogniberne enserre l’espace dans une boîte imposante de bois sombre  comme un ancien pupitre d’élève et un placard à chaussures, soit une mise en abyme de tous les enfermements possibles. Peu à peu, au fil des bouleversements, et chemin historique et existentiel faisant, le sol s’ouvre à la lumière, décomposant un puzzle de lattes de bois qui, décalées, puis soulevées et enlevées, laisse filtrer le jour par des soubassements grillagés. De même, le plafond se déleste de ses parois protectrices, laissant advenir la clarté.

 Au lointain, sous une pluie de soleil, une fenêtre s’ouvre enfin : Pauline Lorillard, la narratrice enjambe la fenêtre et tombe, sur le plateau, dans la caverne de l’écrivain. Figure de vérité et de liberté, allégorie d’une écriture réparatrice, la poésie répand la vie dans un souffle animé, vainqueur, en dépit des amertumes et des malheurs.

Un quintette verbal qui sonne bien, sert au mieux la partition de Thomas Bernhard. On a l’impression d’entrer  dans une fabrique vivante d’un douleur d’être au monde, avec, au bout, l’art d’écrire comme délivrance…

Véronique Hotte

Théâtre National de Strasbourg, jusqu’au 12 mai. T : 03 88 24 88 24.
Théâtre National de la Colline, rue Malte Brun Paris XXème, du 19 mai au 18 juin. T. : 01 44 62 52 52/

 

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