La journée d’une rêveuse de Copi
La Journée d’une rêveuse de Copi, adaptation et mise en scène de Pierre Maillet
Marilú Marini reste liée aux riches heures du théâtre argentin en exil à Paris, en particulier avec le groupe T.S.E. d’Alfredo Arias qu’elle rejoint en 1975, où elle interprétait les rôles les plus fantasques. L’ inoubliable chatte de Peines de cœur d’une chatte anglaise (1977), jouera ensuite avec succès les pièces sulfureuses de Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1990) et Le Frigo en 1999, après la fameuse Femme assise qui lui valut le prix de la meilleure actrice en 1984.
Loin du personnage au gros nez de la bande dessinée du Nouvel Observateur, dialoguant avec un improbable volatile, La journée d’une Rêveuse, qu’avait créée Emmanuelle Riva en 1968, sous la direction d’un autre Argentin, Jorge Lavelli, sonne comme un Oh! Les beaux jours latino-américain. La première pièce de Copi (1939-1987), créée en France, a depuis très rarement été montée mais garde sa jeunesse et sa poésie surréaliste, grâce à la brillante performance de Marilú Marini.
Elle incarne Jeanne aux prises avec ses réveille-matin qui sonnent les heures creuses de journées occupées à dialoguer sans fin avec des personnages représentés ici par les voix off de Marcial Di Fonzo Bo, Michael Lonsdale, Pierre Maillet, et par le pianiste Lawrence Leherissey qui, pendant la deuxième partie du spectacle, l’accompagne de musiques d’ambiance illustratives. «Il faut courir à travers la vie pour arriver à mourir en même temps que l’on meurt. Voilà ce que je voulais dire. Et ce n’est pas tout. Lorsqu’on a son jardin plein de cadavres, il vaut mieux faire semblant de ne pas les voir, par simple savoir-vivre. Mais toi, il faut que tu te prépares à chanter, oui, à chanter pendant que tu ramasses des montres à la pelle sur tous les clochers des villages du monde.” : ainsi l’un de ces intrus non visibles sermonne-t-il Jeanne et la distrait de la vaisselle et de ses éternelles broderies de jeune fille rangée…
Pierre Maillet a concocté ce spectacle à la demande de la comédienne : « Je l’ai imaginé, écrit-il, comme un hommage vibrant à l’auteur, acteur, dessinateur et figure emblématique du mouvement homosexuel des années 70, mais je voulais qu’il soit aussi et surtout un hommage à Marilú Marini, par le biais de son compatriote et ami.”
Dans cette optique, le metteur en scène, dont on a apprécié il y a peu, dans ce même théâtre Letzlove-Portrait(s) Foucault (voir Le Théâtre du Blog), mêle à ce poème théâtral énigmatique – réduit ici à un monologue – des extraits de Rio de la Plata, seul texte réellement autobiographique de Copi, préface à un roman qu’il n’aura pas eu le temps de d’écrire. Marilú Marini incarne magistralement ce Copi intime, qui évoque, entre nostalgie et humour noir, le paradis perdu de son enfance, sa famille, la dictature, l’exil, l’écriture, le dessin et le théâtre.
On retrouve le militant extravagant et touchant comme on a pu le voir en travesti délirant dans L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967). Il dénonce le régime argentin comme dans Eva Perón to proche du mouvement du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) qui traduit un rapprochement entre l’extrême-gauche mao et les homosexuels.
Mais ce tricotage textuel ne fonctionne qu’en partie, malgré la belle performance de la comédienne qui joue admirablement de tous ses registres vocaux, et passe d’une humeur à l’autre, en chantant et bougeant d’abord seule à l’avant-scène, puis en duo, avec son pianiste. On la retrouve donc avec plaisir, et on découvre aussi avec intérêt, les confidences autobiographiques de Copi dans Rio de la Plata. Pourtant la pièce peine à convaincre…
Mireille Davidovici
Théâtre du Rond-Point 2 bis avenue du Président Franklin D. Roosevelt, Paris T.: 01 44 95 98 21 jusqu’au 21 mai. www.theatredurondpoint.fr
Le Manège de Maubeuge (59) le 24 mai.