Français, encore un effort si vous voulez être républicains

 

©Marc Vanappelghem

©Marc Vanappelghem

Français, encore un effort, si vous voulez être républicains, de Donatien Alphonse François de Sade, mise en scène d’Hervé Loichemol

 Donatien Alphonse François, marquis de Sade,  né en 1740, meurt à la prison de Charenton en 1814, après avoir passé plus de trente ans en détention, pour cause de libertinage et d’actes blasphématoires. Marié mais amant de nombreuses courtisanes et comédiennes, il sera accusé d’empoisonnement et de sodomie sur ces dames. Scandale ! Poursuivi par les autorités, enfermé,  il s’échappe mais revient toujours à la case prison.

Sade publiera La Philosophie dans le boudoir en 1795. Considéré comme l’aboutissement du Siècle des lumières, homme névrosé mais lucide, il n’obtient le plaisir que par la douleur subie ou infligée. Conscient de sa pathologie, il en fait un instrument de critique et de connaissance, «découvrant, dit Henri Lemaître, «le monde tel qu’il est, sous les habitudes inconscientes de l’homme.»

Exemple paradoxal d’athéisme, de révolte et d’analyse aigüe de soi, le marquis de Sade refuse Dieu au nom de la vie, conteste l’ordre politique dans Français encore un effort si vous voulez être républicains et éclaire les pulsions obscures. Et quand il écrit Juliette et la philosophie dans le boudoir, il pense que celui qui cède à autre chose que lui-même,  déchoit, en errant dans la nuit des sens et de la pensée, hors de toute volonté autonome et de sentiment de liberté. Raison et cruauté sont complices: au sommet même de la jouissance, ses personnages énoncent des dissertations qui rythment les récits de Sade. Prisonniers apparents de leurs vices et de la société qui les rejette, ils s’en délivrent, en prouvant la radicale fausseté du jugement porté contre eux.

 Or la raison absolue n’est pas l’unique valeur et la volupté mène aussi à la cohérence universelle, à l’accord de l’homme et des choses, à l’amour de l’homme pour l’autre. Construire peu à peu sa liberté revient à refuser le sadisme comme soumission. Cela passe par une esthétique de la provocation et de la transgression : soit un vrai chemin vers la liberté.

  Hervé Loichemol, directeur de la Comédie de Genève, met en scène trente ans après sa création en 1987, Français, encore un effort si vous voulez être républicains. Anne Durand fait une conférence sur la philosophie de Sade,  présent à ses côtés. «La “conférencière” que j’interprète, expose la philosophie du Maître, sous les yeux du Maître… Dans un contexte révolutionnaire, Sade propose de revoir les devoirs de l’homme envers Dieu, envers les autres hommes, envers lui-même, en suivant plutôt le modèle de la Nature, si importante pour les philosophes des Lumières. Les lois réprouvent, mais la Nature, elle, nous inspire. De fil en aiguille, la démonstration renverse les valeurs du bien et du mal. «Il est impossible, pour Sade, que « le citoyen d’un Etat libre se conduise comme l’esclave d’un roi despote.» (…) «Il n’y a vraiment de criminel que ce que réprouve la loi».

 Anne Durand, à la voix acidulée et ironique, en robe de soirée et perruque blanche royale, est une jolie courtisane acquise aux idées du divin marquis. « Mais, dit-elle, il ne faut pas jouer cette ironie  qui ne fonctionne que si elle est assumée très sérieusement. Mon personnage défend donc les propositions du Maître et sa philosophie libertine poussée dans ses conséquences les plus terrifiantes, avec la plus grande sincérité». Sade, ici, ne cesse, depuis son fauteuil, d’admirer sa gestuelle chorégraphiée,  et ses phrases  à lui qu’il ne cesse de boire pour son plaisir.

Tapis colorés et restes abîmés d’un immense drapeau bleu blanc rouge ont le parfum souriant  de notre actualité… Sur une table nappée de blanche avec  verres à pied et carafes de vin, des plats délicieux se succèdent, entre serveurs et convives sans distinction les appréciant le plus naturellement qu’il soit… Débattons de notre présence au monde face à Dieu, face aux autres hommes et face à nous-mêmes. Examinons ce qui est considéré comme violence et comme meurtre : le raisonnement provocateur se fait ici par l’absurde, et la débatteuse n’en est pas dupe.

Sur les notes de piano de Stéphane Leach, avec Anne Durand, Hugues Duchêne, Jean-Marie Thiedey, Romain Delamart et Nicolas Hanoteau, une soirée des plus facétieuses…

 Véronique Hotte

La Manufacture des Œillets-Centre Dramatique National, 1 place Pierre Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine. T. : 01 43 90 11 11, jusqu’au 21 mai.

 

 

 

Enregistrer

Enregistrer


Archive pour 19 mai, 2017

Français, encore un effort si vous voulez être républicains

 

©Marc Vanappelghem

©Marc Vanappelghem

Français, encore un effort, si vous voulez être républicains, de Donatien Alphonse François de Sade, mise en scène d’Hervé Loichemol

 Donatien Alphonse François, marquis de Sade,  né en 1740, meurt à la prison de Charenton en 1814, après avoir passé plus de trente ans en détention, pour cause de libertinage et d’actes blasphématoires. Marié mais amant de nombreuses courtisanes et comédiennes, il sera accusé d’empoisonnement et de sodomie sur ces dames. Scandale ! Poursuivi par les autorités, enfermé,  il s’échappe mais revient toujours à la case prison.

Sade publiera La Philosophie dans le boudoir en 1795. Considéré comme l’aboutissement du Siècle des lumières, homme névrosé mais lucide, il n’obtient le plaisir que par la douleur subie ou infligée. Conscient de sa pathologie, il en fait un instrument de critique et de connaissance, «découvrant, dit Henri Lemaître, «le monde tel qu’il est, sous les habitudes inconscientes de l’homme.»

Exemple paradoxal d’athéisme, de révolte et d’analyse aigüe de soi, le marquis de Sade refuse Dieu au nom de la vie, conteste l’ordre politique dans Français encore un effort si vous voulez être républicains et éclaire les pulsions obscures. Et quand il écrit Juliette et la philosophie dans le boudoir, il pense que celui qui cède à autre chose que lui-même,  déchoit, en errant dans la nuit des sens et de la pensée, hors de toute volonté autonome et de sentiment de liberté. Raison et cruauté sont complices: au sommet même de la jouissance, ses personnages énoncent des dissertations qui rythment les récits de Sade. Prisonniers apparents de leurs vices et de la société qui les rejette, ils s’en délivrent, en prouvant la radicale fausseté du jugement porté contre eux.

 Or la raison absolue n’est pas l’unique valeur et la volupté mène aussi à la cohérence universelle, à l’accord de l’homme et des choses, à l’amour de l’homme pour l’autre. Construire peu à peu sa liberté revient à refuser le sadisme comme soumission. Cela passe par une esthétique de la provocation et de la transgression : soit un vrai chemin vers la liberté.

  Hervé Loichemol, directeur de la Comédie de Genève, met en scène trente ans après sa création en 1987, Français, encore un effort si vous voulez être républicains. Anne Durand fait une conférence sur la philosophie de Sade,  présent à ses côtés. «La “conférencière” que j’interprète, expose la philosophie du Maître, sous les yeux du Maître… Dans un contexte révolutionnaire, Sade propose de revoir les devoirs de l’homme envers Dieu, envers les autres hommes, envers lui-même, en suivant plutôt le modèle de la Nature, si importante pour les philosophes des Lumières. Les lois réprouvent, mais la Nature, elle, nous inspire. De fil en aiguille, la démonstration renverse les valeurs du bien et du mal. «Il est impossible, pour Sade, que « le citoyen d’un Etat libre se conduise comme l’esclave d’un roi despote.» (…) «Il n’y a vraiment de criminel que ce que réprouve la loi».

 Anne Durand, à la voix acidulée et ironique, en robe de soirée et perruque blanche royale, est une jolie courtisane acquise aux idées du divin marquis. « Mais, dit-elle, il ne faut pas jouer cette ironie  qui ne fonctionne que si elle est assumée très sérieusement. Mon personnage défend donc les propositions du Maître et sa philosophie libertine poussée dans ses conséquences les plus terrifiantes, avec la plus grande sincérité». Sade, ici, ne cesse, depuis son fauteuil, d’admirer sa gestuelle chorégraphiée,  et ses phrases  à lui qu’il ne cesse de boire pour son plaisir.

Tapis colorés et restes abîmés d’un immense drapeau bleu blanc rouge ont le parfum souriant  de notre actualité… Sur une table nappée de blanche avec  verres à pied et carafes de vin, des plats délicieux se succèdent, entre serveurs et convives sans distinction les appréciant le plus naturellement qu’il soit… Débattons de notre présence au monde face à Dieu, face aux autres hommes et face à nous-mêmes. Examinons ce qui est considéré comme violence et comme meurtre : le raisonnement provocateur se fait ici par l’absurde, et la débatteuse n’en est pas dupe.

Sur les notes de piano de Stéphane Leach, avec Anne Durand, Hugues Duchêne, Jean-Marie Thiedey, Romain Delamart et Nicolas Hanoteau, une soirée des plus facétieuses…

 Véronique Hotte

La Manufacture des Œillets-Centre Dramatique National, 1 place Pierre Gosnat, 94200 Ivry-sur-Seine. T. : 01 43 90 11 11, jusqu’au 21 mai.

 

 

 

Enregistrer

Enregistrer

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...