26èmes Rencontres d’ici et d’ailleurs à Garges-lès-Gonesse
26èmes Rencontres d’ici et d’ailleurs à Garges-lès-Gonesse
Ces Vingt-sixièmes Rencontres d’Ici et d’Ailleurs, créées par Jean-Raymond Jacob et sa Compagnie Oposito, autrefois à Noisy-le-Sec sont accueillies à Garges-lès Gonesse,près de Roissy, dans une coulée verte, de grandes rues et de petites places où l’on peut trouver de beaux terrains de jeu.
Pour cette première journée, une belle diversité avec de vieux routiers du théâtre de rue mais aussi de jeunes pousses prometteuses.
Label Z Montreuil, mise en scène de Patrick Dordoigne
«La question de la solitude nous paraît traverser notre société et la question du couple aussi. Nous voulons, dit Babeth Joinet, traiter ces sujets avec le public par l’humour et la légèreté». Un couple nous souhaite la bienvenue et nous distribue des fiches aux questions stupides, susceptibles de nous faire rencontrer l’âme-sœur. « Si vous êtes ici avec nous, c’est que vous ne vous êtes pas suicidés ! Avec la R.A.Z., remise à zéro, tout le monde doit pouvoir rencontrer tout le monde ! Il faut échapper au P.E.N.D.A.: le perdant avant même d’arriver !»
Babeth Joinet et Tayeb Hassini forment des couples différents et de plus en plus improbables Mais, malgré l’engagement des acteurs aux perruques ridicules qui se donnent à fond , nous sommes restés sur notre faim..
Les Tondues par les Arts Oseurs, mise en scène de Périne Faivre, scénographie et musique de Renaud Grémillon
«L’Europe goûte à l’extrême les politiques nauséabondes, l’histoire c’est aujourd’hui ! (…) Je n’ai pas le dernier mot du spectacle! » déplore Périne Faivre. Nous la suivons, ainsi que Maril Van der Broek, Mathieu Maisonneuve, Muriel Holtz et Renaud Grémillon, menés par un piano sur roulettes dans les rues du vieux Garges-lès-Gonesse où l’on évoque ces femmes coupables d’avoir été les amoureuses de soldats allemands pendant la dernière guerre. On nous distribue des enveloppes de couleurs différentes, où, à l’intérieur, il y a, par exemple, le testament de la grand-mère de Marie. On suit la petite fille qui part voir Lili, un amie d’enfance de sa grand mère. Elle sonne à la porte, la grand-mère est morte, et sa petite fille n’est plus là.
Nous suivons le piano, il y a treize femmes sur la place, et Gaston le coiffeur du village, tondeur pour l’occasion: «On se regardait, on se regardait, j’étais là et je n’ai rien dit ! » Après plusieurs arrêts à travers la ville, on sent monter l’émotion. On danse sur la musique du piano, l’homme se frappe et tombe à terre. «1945, vous accédez à la citoyenneté. Vous étiez 20.000, y-en aurait une qui aurait pu penser à se révolter ? On va vous oublier, mais ça va peut-être recommencer… » Un parcours impressionnant dans un passé pas si lointain, suivi par un nombreux public. Mais ces Tondues sans doute un spectacle majeur est encore un peu en devenir.
www.lesartsoseurs.org
Fleur, État d’urgence de respirer l’odeur des fleurs et de se piquer de Fred Tousch
Trois personnages en grands costumes baroques entrent en scène mais avec un demi-heure de retard! L’inénarrable Fred Tousch clame: «Je suis soleil, le centre de l’univers» et présente ses compagnons : » Tu es mimosa, tu es le gland, quand à vous, vous êtes cinq gouttes de rosée, est-il vrai que derrière les montagnes, se cachent des animaux en liberté, partageons ! ».Malheureusement, il faut partir pour aller voir Trafic, le dernier spectacle qui va commencer.
Trafic, à partir du monologue Trafiquée d’Emma Haché, mise en scène de Guillermina Celedon
Un spectacle courageux sur la prostitution! Nous sommes assis sur des matelas face à Camille Duquesne, Clément Chebli, Pierre Gandard, Clara Marchina et Clarisse Sellier, assis eux, sur des chaises; dans une petite caravane, un musicien rythme la représentation avec des musiques cristallines. « Trafic, dit Guillermina Celedon, veut rompre le silence autour de la traite des êtres humains et du marché du sexe. Selon l’ONU, 79 % des cas identifiés de cette traite impliquent une exploitation sexuelle et la majorité des victimes sont des femmes et des enfants, soit près de dix millions de personnes dans le monde. »
« Sans moralisation, notre spectacle tente de donner la parole à ces personnes, et de témoigner de leur histoire, de leurs conditions au quotidien, et de cet esclavage moderne, symbole des dérives de notre société capitaliste. Ces êtres sont-ils de simples objets de consommation ? » « Parce que c’est plus fort que vous, que votre femme est incapable de jouir, parce que votre fils vient d’avoir quatorze ans, que c’est votre trente-cinquième anniversaire, parce que vous avez toujours rêvé de baiser une pute…». On entend un bruit de sirène, les acteurs s’enfuient avec leurs chaises. « Vous voulez quoi ? La salope, l’initiation, la femme battue, violée ?»
Après une course éperdue, une femme se dénude. On voit quatre victimes sur des chaises: « Vous pouvez poser vos mains partout, y-a des trous, ça j’adore (…) Ici, c’est satisfaction garantie, ou argent remis ! » Une fille se met nue dans le camion: « Il veut me pisser dessus, juste ça ! ». Il sont dix à faire la queue et il y en a encore dix autres derrière. Beaucoup de candidats à la prostitution, pas seulement des femmes mais peu d’élus à l’endurance alors qu’il y a d’innombrables queues pressées de décharger. On peut devenir fou à force du même geste qui ne peut que se répéter. «Ici pas de droit, quand tu n’as pas de papier. »
Ce terrifiant Trafic, terrifiant, interprété avec audace par de jeunes acteurs qui se mettent à nu à tous les sens du terme, est mis en scène par une jeune femme, fille de Mauricio Celedon, cet ancien acteur et mime chilien du Théâtre du Soleil qui a fondé le Teatro del Silencio…
Edith Rappoport
Spectacles vus le 20 mai. T. : 01 48 02 80 96.
www.lesrencontresdicietdailleurs-garges.fr