L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau

 

L’Hôtel du Libre-Echange de Georges Feydeau, mise en scène d’Isabelle Nanty

©Brigitte Enguérand, coll.Comédie-Française

©Brigitte Enguérand, coll.Comédie-Française

 La pièce (1894) entre au répertoire de la Comédie-Française dans une mise en scène facétieuse qui met en valeur cette mécanique comique vivante mais dévastatrice et redoutable, Et un certain esprit d’enfance chez ces personnages médiocres:  bourgeois, aventurières, employées de maison, tous infidèles et tous  cupides.

Mais dans une fantaisie et un tempo haché, cet hôtel  le lieu idéal pour  des chassés-croisés amoureux entre différentes classes sociales. Retrouvailles, quiproquos, situations absurdes et/ou farcesques, les personnages sont tous empêtrés dans un vaudeville amer, comme ce mari, agacé par la froideur de sa femme, ou  cette épouse lassée par l’indifférence de son mari et… future maîtresse du premier cité, entrepreneur et associé d’un architecte et par ailleurs mari de la dame en question; il y a enfin le neveu de ce dernier qui s‘acoquine avec la soubrette de la maison. Ces personnages font leur ronde à l’Hôtel du Libre-Echange, «recommandé aux gens mariés … ensemble ou séparément ! »

 Poésie, délicatesse et candeur, ce petit monde, en apparence si léger ou désinvolte s’aime, s’est aimé, ou rêve encore d’être aimé, sous le regard d’Isabelle Nanty: leur élan vital les pousse encore aux rencontres et promesses attendues de l’existence… Avec entrées, sorties et incidents  en pagaïe mais la mélancolie ne fait pas long feu chez ces personnages,  pris d’ anxiété à l’idée d’être découverts. Une fièvre enfantine les saisit alors  et ils jouent leur va-tout avant que ne meurt l’amour. En somme, des victimes assez canailles, égoïstes, mais naïves qui s’agrippent à un instant de folie, avant que ne tombent leurs illusions.

Christian Lacroix a imaginé une scénographie avec manège de foire,  salles de jeu et le bleu nocturne d’un Paris ludique et goguenard. L’hôtel du Libre-Echange possède un escalier en colimaçon qui commence au rez-de-chaussée  à la hauteur du plateau, l’entrée louche se tient au-dessous, et la sortie au-dessus sur la terrasse… Les femmes ont des robes colorées et généreuses, mais dans ce lieu borgne et confiné, les chambres sont très proches les unes des autres.

Le cabinet de l’entrepreneur donne, lui, sur une grande fenêtre qui s’échappe  sur la verdure du jardin, une Nature salvatrice mais négligée… Malgré l’ivresse, l’irrespect, la transgression, mais aussi la révolte et l’émotivité, les personnages arrivent quand même à vivre, écartelés entre leur désir brut et une réalité hérissée d’obstacles. Leur petitesse et leurs arrangements soulignent à la fois le vide qui les habite et l’errance existentielle à laquelle les condamne un destin mortifère.

Un peu imbéciles et grotesques, ils ont heureusement des instants de génie qu’il faut savoir attendre. Ainsi le tenancier de l’hôtel du Libre-Echange, incarné avec une hargne ténébreuse par Laurent Lafitte, chante à merveille le cabaret et les temps présents désenchantés. Christian Hecq, lui, est un serviteur, clown radieux aux petits sauts, postures imprévues et gestuelle savante, qui sert le thé, le bras  dans le dos, applaudi par le public. Anne Kessler est, elle,  une épouse acariâtre et douloureuse, Bruno Raffaelli, un locataire grincheux et aussi un commissaire ventripotent, Florence Viala, une femme légère mais encore coincée, Jérôme Pouly, un cocu porté sur la boisson, Michel Vuillermoz, un époux déçu à la voix tonitruante et un amant conquérant, et Bakary Sangaré, l’homme à tout faire du tenancier marron. Une solide mise en scène, avec des acteurs de grand talent.

Véronique Hotte

Comédie-Française, salle Richelieu, 1 Place Colette, Paris 1er jusqu’au 25 juillet. T : 01 44 58 15 15.

 

 

 

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