Chat noir d’Etienne Luneau
Chat noir d’Etienne Luneau
Ce célèbre cabaret fut fondé par Rodolphe Salis qui, en 1881, eut la géniale idée d’associer un débit de boissons et une petite scène où on chantait des chansons accompagnées… par un pianiste: chose alors inconnue à l’époque, et où on disait aussi des poèmes et des textes. Rodolphe Salis, mort en 97, « cabaretier select» selon Paul Verlaine, y créa un théâtre d’ombres en couleurs…
Très vite Le Chat noir, d’abord situé boulevard Rochechouart, au pied de la butte Montmartre, fut le rendez-vous de la bohème parisienne. Dans ce cabaret, ensuite repris par le chansonnier Henri Dreyfus dit Fursy, se réunissaient des peintres comme Willette, des artistes, notamment Aristide Bruant avec ses célèbres chansons comme Le Chat noir, A Saint-Lazare, Nini peau de chien,etc. où prédominait la syntaxe populaire parisienne avec suppression des e muets, abondance de « que »… Il connaissait bien l’argot de ce quartier mal famé qui avait encore des airs de campagne avec voleurs, très nombreuses et jeunes prostituées et souteneurs.
Le Chat noir réunissait aussi des poètes et écrivains comme Charles Cros, Jean Richepin, auteur de La Chanson des gueux (qui lui valut un délit d’outrance aux bonnes mœurs), Albert Samain, Alphonse Allais, Maurice Mac-Nab, Léon Bloy…. Il publia une Revue du Chat-Noir, où écrivirent excusez du peu: Stéphane Mallarmé, Jules Vallès, et Paul Verlaine!
Avec six complices musiciens et chanteurs, Etienne Luneau a voulu redonner vie à une époque depuis longtemps disparue mais dont les chansons appartiennent au patrimoine français. Et cela donne quoi ? Une scénographie chichiteuse se voudrait inventive à base de caisses en bois et de quelques tables. De jolies chansons, toutes la plupart ultra-connues et bien chantées par cette bande de jeunes interprètes qui jouent aussi sur de nombreux instruments les musiques d’Erik Satie, Claude Debussy… Rien de très original mais on prend un vrai plaisir à les écouter en solo ou en chœur, et à les voir danser.
“Notre spectacle est un cabaret, dit Etienne Lumeau, c’est-à-dire une succession de numéros chantés, joués, dansés. Tous les comédiens chantent, dansent et jouent d’un ou plusieurs instruments. Il y a, bien sûr, des chansons, de la musique et nous nous sommes servis de toute la matière de l’époque (poèmes, articles du journal, citations, peinture…) pour écrire le reste du spectacle.”
Oui, tant qu’il y a des chansons mais ces textes, pas toujours intéressants, sont mal dits et/ou mal joués (sauf par Isabelle Ernoult qui a une belle présence), et la mise en scène, assez médiocre, au rythme trop lent, accumule les stéréotypes du genre: théâtre dans le théâtre auquel on ne peut croire une seconde, allers et retours des acteurs dans la salle, petits jeux avec le public assez racoleurs (cela semble être la marque de fabrique du Théâtre 13 Jardin, on se demande bien pourquoi!). Le cabaret et tous les comédiens le savent, est une rude école qui ne pardonne rien: il y faut à la fois beaucoup d’humilité et de savoir-faire pour être en phase avec un public très proche de la scène, mais aussi savoir bien chanter et jouer la comédie…
Alors à voir ? Si vous êtes du coin, oui, à la rigueur, et à condition de n’être vraiment pas trop exigeant, vous pouvez aller écouter cette petite bande sympathique !
Philippe du Vignal
Théâtre 13 Jardin, 103 A Boulevard Auguste Blanqui, Paris XIIIème jusqu’au 3 juin.
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