Nicht Schlafen d’Alain Platel

 

Nicht Schlafen par les Ballets C de la B, chorégraphie d’Alain Platel

 

© CHRIS VAN DER BURGHT

© CHRIS VAN DER BURGHT

La MC 93 de Bobigny a enfin rouvert ses portes après trois ans de gros travaux. Un plus hall plus grand et plus accueillant, et une salle réaménagée et confortable. Spectacle d’inauguration : Nicht Schlafen (Ne pas dormir) créé à Lyon, l’an passé. La salle reste éclairée et on a eu le temps d’admirer l’impressionnante et très belle scénographie d’apocalypse imaginée par Berlinde De Bruyckere: sur une estrade, deux cadavres de chevaux et, en fond  de scène, un grand rideau beige usé et déchiré par endroits. Les neuf interprètes, dont une seule femme, arrivent puis restent immobiles. Aucune autre indication de temps ni d’espace. Mais un climat permanent de brutalité de souffrance et de mort. Au début, au cours d’une très violente bagarre, les personnages s’affrontent et se font déchirer leurs vêtements par leurs adversaires qui semblent comme eux, les ignorer.

Alain Platel s’est inspiré  de The Vertigo Years de l’écrivain britannique Philippe Blom  pour qui la première guerre mondiale n’a été qu’un catalyseur de la barbarie qui couvait déjà et qui s’est ensuite abattue sur la vieille Europe déjà bien malade sur le plan socio-politique et culturel. Mais que veut nous dire le créateur belge? Ne pas sombrer dans un optimisme béat, et nous inciter à la plus grande prudence: attention,  « Nicht Schlafen »: surtout « ne pas dormir  » ni céder à la tentation d’une troisième guerre mondiale? Sans  doute… Des extraits des symphonies de Gustav Mahler (1860-1911) ont servi de base à Steven Prengels qui avait déjà travaillé avec Alain Platel et qui  en  a fait un montage et ajouté des polyphonies africaines et des sonnailles.

Il y a de nombreux moments dansés dans le silence ou non, et plastiquement très réussis, mais, si les performances de ces  interprètes virtuoses, seuls ou la plupart du temps en groupe, restent étonnantes, nous n’avons pas été vraiment sensibles à ce discours visuel empreint d’une certaine froideur, qui a tout d’une sorte de rituel que nous ne sommes pas arrivés à décrypter.

Les fans du chorégraphe applaudissaient debout… les autres beaucoup moins , sans doute déçus de ne pas retrouver ici l’étonnant humour du Platel de ces dernières années, en particulier celui d’En avant marche ou de Coup fatal (voir Le Théâtre du Blog). Dommage…

 Philippe du Vignal

 Le spectacle s’est joué du 24  au 27 mai à la MC 93 à Bobigny

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Archive pour 31 mai, 2017

Festival Friction(s) à Annemasse

 

Festival Friction(s) à Annemasse

visuel-page-webCinquième édition de ce festival insolite, tout près de la frontière avec la Suisse, qui fait dialoguer fanfares, conte, cirque et danse. Une belle découverte, entre le parc Montessuit et Château-Rouge. 

 Zone Utopique Lemanique, un lac deux pays, une utopie, conception de Jérôme Bouvet, Laurent Cadillac et Patrick Chambaz

 Issu de la compagnie 2 Rien merci, Jérôme Bouvet a conçu un étrange objet poétique qui  provoque commentaires et discussions à perte de vue chez les participants réunis autour d’une table faite d’un tronc d’arbre, au dessus de laquelle sont suspendues sur un fil avec des pinces à linge, des feuilles avec des phrases. Définie comme une «foire lacustre universelle», cette rêverie concrète nous invite à partager les imaginaires dans une sorte de laboratoire théâtral ambulant.

 Pour  zuler (Zone Utopique Lemanique), il suffit  d’ écrire ce qui nous passe par la tête, sur des feuilles vertes qu’on nous distribue. «Soit, dit Jérôme Bouvet, on est fragile et dépendant, soit on est fort. On joue avec les questions aux dés, chacun commente les phrases des autres.(…) Notre expérience est la seule lanterne qui éclaire notre passé: « Comment voir de près et de loin en même temps, comment être critique et optimiste, la vie est-elle un jeu? » S’il ne vous reste que cinq minutes à vivre, que feriez-vous ? »  « Comment se régénérer en étant seul, et plusieurs ? »

Toutes ces questions et beaucoup d’autres nous mobilisent pendant près de trois heures dans le joli parc Montessuit. Bref, zuler a vraiment passionné le public…

 

Voyage au bord du bout du monde par la compagnie Trois points de suspension, mise en scène de Gwen Aduh

  »Une nouvelle odyssée mélangeant acrobaties, échasses à air comprimé, musique, danse et théâtre d’objets ! »Du jamais vu, avec un incroyable décor fait de bidons, tête d’âne, violon, crucifix et un harmonium, qui accompagne cette épopée menée par des hommes en tenue de plongeurs.

C’est le théâtre des cinq frères Revox, l’un deux, en porte-jarretelles,  mène la danse avec un mégaphone, et évoque Sophoclès, un dinosaure venu du bout des mers du monde. « Tout a commencé, dit-il, dans la forêt terrible de l’à-propos.»

Nous  assistons à des combats titanesques où les protagonistes volent dans les airs, lancés à la catapulte, tombant derrière des murailles de bois, surplombées par  deux tours latérales. Ce Sophoclès sera vaincu, et on brandira sa tête sanglante dans les mers du bout du monde.

Un humour décapant, une maîtrise acrobatique exceptionnelle avec ici Beau Anobilé, Nicolas Chapoulier, Jérôme Colloud, Neil Price, Antony Revillard,font de ce spectacle-joué depuis dix ans-l’un des plus surprenants jamais vus.

 Edith Rappoport

Spectacles vus à Annemasse le 26 mai.


 

La septième vie de Patti Smith

 

Festival ZOOM #3 : du réel au poétique:

La septième vie de Patti Smith, un projet de Benoît Bradel, une performance musicale d’après Le corps plein d’un rêve et Les Sept vies de Patti Smith de Claudine Galea, adaptation de Benoît Bradel et Claudine Galea.

PS3A la fin des années 1970, raconte Claudine Galea, vivait dans un ancien village de pêcheurs à trente kilomètres de Marseille, une jeune adolescente maigre et timide de seize ans, l’auteure elle-même qui voulait faire de son existence, un temps dévolu au théâtre. Elle découvre la voix d’une femme plus âgée mais qui lui ressemble et qui, dès son premier disque, fut  consacrée rock star sur toutes les scènes du monde : avec Horses, Patti Smith pénètre alors dans la légende contemporaine.

 Pour l’adolescente de seize ans, amoureuse du poème  Roman  d’Arthur Rimbaud et de sa célèbre anaphore printanière : «On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », la vie est un vertige bienfaisant, si on la propulse dans le temps futur. Mais «cette après-midi de 1976, sur  « la Côte Bleue », le vertige prend corps avec Patti Smith.» La jeune fille en quête d’elle-même, se sent renaître et s’éveiller, grâce à la voix sensuelle de la chanteuse qui l’attire:  une brûlure concédée par le magnétisme solaire  de cette voix regorgeant d’humanité.

 L’adolescente se réinvente, troublée par la force incandescente de l’audace féminine qui se livre à elle, rebelle à travers : «Jesus died for somebody’ sins but not mine ». Claudine Galea croise  dans une belle prose poétique, le récit autobiographique de sa jeunesse  avec la carrière fulgurante de Patti Smith, icône de la beat generation et compagne artistique de William Burroughs, Allen Ginsberg, Janis Joplin…

«Elle est célèbre, a des fans dans le monde entier, je ne suis pas une fan, je n’écoute pas de rock, je n’ai pas d’idole, je ne connais pas le sexe, la drogue, l’alcool, les boîtes de nuits. Je suis une oie blanche, elle était une star. » L’icône américaine emporte les foules dans les salles, puis se pose peu à peu des questions récurrentes sur sa vie sentimentale qu’elle ressent comme insuffisamment accomplie. Elle goûte les plaisirs de la littérature et apprécie le souffle novateur de Marguerite Duras.

 Patti Smith revendique encore un geste politique d’engagement dans sa génération à son dernier concert en 1979 à Rome, puis annonce son retrait de la scène, refusant le statut d’une rock star qui chante pour 80.000 spectateurs. Elle veut, dit-elle, s’adresser à chacun en particulier qu’elle ne regarde plus dans les yeux : «Life is beauty Life is grace Life is happiness I’m fond of life … » Ses amis : Brian Jones, Jimi Hendrix et Janis Joplin sont morts, et beaucoup de ses proches le seront aussi.

 D’autres voyages l’appellent : compagnonnage, mariage, maternité, petits travaux quotidiens dans une maison habitée par une famille. Mais Patti Smith remontera sur scène… Reste dans les mémoires sa colère contre Georges W. Bush, président des Etats-Unis de 2001 à 2009. Elle harangue cet irresponsable qui fait la guerre en Irak sur des arguments mensongers.

 Dans la mise en scène harmonieuse de Benoît Bradel, Marie-Sophie Ferdane, réservée, avec un beau sourire, est impliquée dans la musique admirablement servie par le cœur et le professionnalisme de Sébastien Martel et Thomas Fernier. Et elle s’amuse à jouer les deux figures féminines, à la fois autres et semblables. Inquiètes, engagées, sensibles à l’air du temps, elle mordent à belles dents l’existence  à la saveur rare…

 Marie-Sophie Ferdane raconte sa présence au monde, passe la parole à l’un ou l’autre de ses musiciens, déclame avec tact du Rimbaud, chante le rock and roll, murmure les psaumes de Patti, danse  avec une grâce habitée.

 Véronique Hotte

Spectacle créé au Théâtre Ouvert-Centre National des Dramaturgies Contemporaines, 2 bis Passage Véron, Paris XVIIIème,  du 22 au 30 mai.

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