Magical Dream, écriture de Xavier Mortimer, Alex Goude et Michael Goudeau


 

Xavier-Mortimer-2Magical Dream, écriture de Xavier Mortimer, Alex Goude et Michael Goudeau. musique de Maxime Rodriguez et Xavier Mortimer, direction artistique et chorégraphie de Johan Nus

Magicien, jongleur, danseur, mime, musicien et compositeur, le Français Xavier Mortimer s’est d’abord fait connaître avec La Symphonie des bulles, un numéro original de jonglerie, magie et musique. Mais L’Ombre Orchestre (2005) révélera un singulier travail associant ces mêmes disciplines à des projections vidéo.

Vite devenu une valeur montante, cet artiste complet et attachant, possède des atouts majeurs: pluridisciplinarité, originalité et précision technique. Il a ainsi développé, au fil des années, de formidables numéros  qu’il a présentés dans de nombreux galas en France puis à travers le monde comme Complainte pour un diabolo, Le balai volant, Miroir…Miroir, Le Dompteur de Mains, et Garçon !… bien frappé.

En 2010, il crée Magic Maestro ! où il poursuit un travail à la fois magique et musical avec son compère Philippe Leygnac. L’année suivante, après sa participation à l’émission La France a un incroyable talent,  le Cirque du Soleil lui offrit le personnage principal de Sneaky dans Michael Jackson One, qu’il jouera à Las Vegas jusqu’en 2016 …

The Magical Dream est une compilation de tous ses numéros mais réalisés ici avec Belle, sa partenaire (Lauren Matter) dans une histoire avec un bon scénario. Au début, une vidéo nous le montre au lit, en train de rêver. Un gros ballon blanc entre dans sa chambre et l’engloutit. Une fois à l’intérieur du ballon, il s’échappe par la fenêtre, atterrit dans un camionnette et se dirige vers le Sin City Theatre du Planet Hollywood.

Puis un vrai ballon arrive de la salle sur la scène; percé de l’intérieur, il laisse en sortir  le magicien en pyjama qui lance: «Bienvenue dans mon rêve!» Excellente séquence qui pose tout de suite un univers et une histoire placés sous le signe du rêve, avec un passage de la fiction à la réalité très bien amené.

Miroir… Miroir

Une main gantée sort alors d’une valise, et, sur une chaise vide, Belle apparaît, après qu’un drap ait été placé dessus. En pyjama, lui se change alors rapidement sous le drap et apparaît en costume de ville. Il se regarde dans une psyché, répond au téléphone, prend un journal pendant que son reflet, portant un bonnet, réapparaît dans le miroir à son insu. Ce double joue avec lui,  tire sur son écharpe et lui vole portable et lunettes, remue son journal dont il déchire alors une page puis lui dérobe aussi portefeuille et argent. L’écharpe du double, tirée de l’écran, apparaît alors dans le journal, ainsi que les billets de banque!

 Le magicien voit alors dans la psyché son double qui lui tend ses clés et lunettes; commence alors un combat avec main mordue, décapitation et interversion des têtes. Ce qui provoque un changement de personnage qui passe ainsi du virtuel au réel, le double prenant provisoirement la place du vrai Xavier Mortimer, qui, lui, va se retrouver prisonnier du miroir !

Pris au piège de la bi-dimensionnalité, il fait un « shifumi », un jeu très semblable à notre pierre/papier/ciseaux, avec la main gantée qui bouge toute seule et lui donne ses clés pour sortir du miroir. Une splendide réalisation dans la tradition des numéros interactifs avec écran, initiée par Horace Goldin dans les années 1910, fondé sur un solide scénario et une excellente connaissance des répertoires qui l’ont précédée. Mais avec une psyché qui remplace ici judicieusement  l’écran, et qui renvoie au mythe d’Orphée et à sa traversée du miroir. On voit ici la réalité entrer dans une autre dimension…
Xavier Mortimer a retravaillé son numéro de base en y ajoutant, à la fin, une intrusion dans cette réalité,  et sa libération, pour faire suite à son histoire.

Téléphones portables

Donc enfin libéré, il reçoit un coup de téléphone, décroche et tombe sur une messagerie vocale : «Tapez sur la touche 1, puis sur la touche 2. Le  portable disparaît alors et réapparaît plusieurs fois, puis se dédouble et se multiplie sous la frappe répétée des touches. Pour finir, un vrai  combiné apparaît !

Le magicien développe ici une situation empirique avec un des objets les plus utilisés au monde.   Nous pouvons nous reconnaître, quand il utilise son portable, et le message vocal automatique- très savoureux-est à peine exagéré! Un travail proche du Hongrois Soma avec Phone act , un numéro de manipulation primé à la FISM 2009.

Peinture lumineuse

 Le magicien balaie la salle avec le pinceau lumineux d’une lampe-torche, saisit ensuite la lumière avec ses doigts, et la lance sur un écran à l’avant-scène. Ainsi projetée, elle se matérialise en rond, puis en cercle, avant de se transformer en virgule dorée, pour réaliser différentes chorégraphies sur ordre de Xavier Mortimer. Les formes se transforment en cerceau, puis en vraies balles avec lesquelles il se met alors à jongler.

Apparaît ensuite sur l’écran la silhouette de Belle, qui se matérialise en vrai, puis disparaît dans la lumière de la lampe-torche: magnifique effet lumineux d’une simplicité d’écriture remarquable. Dans une vraie symbiose entre les images projetées et le magicien-danseur qui dessine dans l’espace des formes lumineuses évanescentes, avec apparitions/disparitions, en utilisant la persistance rétienne…

Prémonition en silence

Le magicien-mentaliste tient un grand carnet à spirale où sont écrites indications et questions pour conduire le numéro de A à Z mais sans  prononcer une seule parole. Au fil des pages du carnet, montrées au public,  il l’invite à lancer deux balles dans la salle, et à choisir un spectateur au hasard, ainsi qu’une célébrité. Puis il révèle la prédiction, avec une photo de cette célébrité, un bébé de six mois (vieux gag vu maintes fois!). Nous pouvons lire ensuite sur une page : «Je n’ai pas ouvert la bouche durant tout le numéro… »

Il prend alors un papier dans sa bouche où est écrit le nom exact de la personnalité choisie, et, au dos, le nom de la spectatrice qui a participé à ce numéro de lecture de pensée, original et muet,  avec une belle fin.

La Danse des ombres

Belle se met à danser puis disparaît derrière un grand paravent blanc et en ressort, une serviette de bain autour de la taille, puis disparaît à nouveau dans une baignoire. Xavier Mortimer revient et commence à jouer de la clarinette. La musique fait apparaître son ombre qui se multiplie; trois autres musiciens jouent alors avec lui, de l’accordéon, du tambourin et du tuba.
Il pose sa clarinette en équilibre sur son nez, la fait léviter et tourne à 360° sur lui-même,  les ombres qui se changent en confettis blancs,  se retrouvent sur sa veste…

Bulles de bain

Belle revient chanter en  playback dans sa baignoire, pendant que le double de Xavier Mortimer apparaît dans la psyché et propose un cocktail à l’assistante (qui se matérialise alors  réellement). Après avoir fait des bulles avec elle, il transforme une bulle de savon en balle transparente. Le magicien jongle avec trois autres balles, en contact avec son corps, puis les fait disparaître une par une, et retransforme de nouveau en bulle la dernière balle.

Belle sort alors de la baignoire et parle de son rêve où elle a croisé Captain America. Ses vœux sont réalisés dans la psyché avec le double de Xavier Mortimer qui se transforme en super-héros américain. Un  tableau inspiré du premier numéro qu’il inventa, La Symphonie des bulles.

Ballons ukulélé

Le vrai Xavier Mortimer arrive avec un paquet de bonbons, en prend un dans sa bouche, et le gonfle comme un ballon à sculpter, puis  ensemble avec un autre bonbon  construit une petite guitare. Puis les ballons éclatent, et un vrai ukulélé apparaît ; il joue alors avec, une mélodie d’Elvis Presley  d’une voix aigüe, rappelant les saynètes comiques de Norbert Ferré; le ukulélé réalise alors un 360° sur lui-même.

Ombres chinoises

Il passe derrière le paravent avec sa partenaire et, sur le Love me tender d’Elvis Presley, danse avec elle, jusqu’à ce qu’une guitare ailée ne les perturbe. Belle revient devant le paravent, tandis qu’il pratique des ombres chinoises classiques comme le profil du chien et d’autres plus étranges, comme l’allongement de ses doigts.

Garçon !… bien frappé

 Puis, il sort de l’écran en tenant deux cymbales et produit une multitude de billets, un grand foulard blanc (qu’il place sur son avant-bras), un nœud-papillon, deux verres et une bouteille de vin blanc, puis un tablier: il ressemble à un  garçon de café… Il passe alors derrière le paravent; son ombre se transforme alors en plongeur qui disparaît. Un magnifique numéro chorégraphié qui détourne des éléments musicaux pour transformer progressivement un musicien en garçon de café en prise à des apparitions contre nature, avec nombre d’effets sonores. Un mélange des genres et une association d’idées innovants…

Le balai volant

Belle revient sur scène et le double de Mortimer sort du miroir et ramasse avec un balai, les billets tombés au sol du précédent tableau. Mais le manche se défait, ne veut plus réintégrer sa brosse, et se met alors à léviter, puis à tourner autour du magicien; il passe même entre ses jambes grâce à des acrobaties et finit par revenir sur sa brosse. Une revisitation du numéro classique de la canne volante, mais avec un objet usuel anodin avec effets de lévitation accentués, grâce à un travail chorégraphique de premier ordre.

Le Dompteur de mains

 Belle sirote un cocktail sur un divan, et le magicien lui joue un air d’harmonica sur une musique de RnB. La main gantée du début sort de la valise qu’il va  poser sur le divan. Mais cette  main en profite pour boire le cocktail de Belle (on voit le niveau du verre descendre!) et commence à gifler et à étrangler Xavier Mortimer, lui attrape les parties (clin d’œil à Michael Jackson)  et joue un air à l’harmonica qui fait apparaître dans la valise ouverte, deux autres mains gantées …

Une excellente adaptation du tour mythique de Kevin James, Severed Hand (La Main coupée).

Fer à repasser

 Belle tache par mégarde le pantalon du magicien, le nettoie,  prend un fer à repasser pour le sécher mais elle brûle son partenaire et l’assomme accidentellement. Placé sur une table à repasser et couvert d’un drap,  Xavier Mortimer disparaît alors entièrement sous la vapeur du fer avec lequel Belle le repasse. Elle aussi disparaît ensuite derrière le drap et, entre temps, le magicien a pris sa place. Remarquable adaptation d’Iron illusion, présenté, entre autres, par Yunke, avec des objets qui font sens ici, dans cette dramaturgie d’effets magiques.

Jumprope

Nouvelle illusion mise au point par Xavier Mortimer en 2016, qui avait eu un grand succès sur Internet. Présentée à l’extérieur en pleine lumière, avec une corde à sauter, rendant «impossible» l’utilisation de filins, cette lévitation originale est  introduite par une vidéo où on voit le magicien encore enfant, voulant impressionner Belle. Mais l’illusion est ici gâchée par le manque de hauteur de la petite salle où le magicien ne peut décoller que d’un mètre…

Salut des artistes avec le double de Xavier Mortimer, de la main gantée et de Belle qui part avec la corde derrière le paravent, rejointe par  le vrai Mortimer. On voit alors leurs ombres, accompagnées par la guitare volante, disparaître au loin, comme Charlot et sa « gamine » à la fin des Les Temps modernes.

Cet univers onirique et chargé de poésie étonne parmi les autres spectacles de magie de Las Vegas, tous fondés sur un enchaînement de numéros où triomphent performance et mise en scène.  Xavier Mortimer a en effet une autre façon de penser un spectacle: il le conçoit en effet  comme un tout, comme une histoire, avec un début et une fin. Alors qu’aux Etats-Unis, un magicien joue en général son propre rôle et provoque des effets… Mais ici,  il interprète un jeune homme dépassé par les événements et qui subit la magie comme dans une logique de rêve, et surréaliste par moments.

Importer son univers personnel avec un spectacle déjà bien rodé en Europe, dans un pays qui possède une autre culture, était un risque… et un vrai pari artistique  pour Xavier Mortimer, également auteur de la musique avec Maxime Rodriguez… Les Etats-Unis n’ont pas en effet l’habitude de ce genre d’univers décalé, et il a dû faire quelques concessions, en y introduisant une assistante en robe d’un jaune outrancier et à la voix stridente, dans la tradition des spectacles américains, avec une partenaire assez superficielle ! Et Lauren Matter qui joue Belle la fille de rêve, tient d’une héroïne caricaturale, blonde et un peu simplette, jouant mal et dansant approximativement! Premier ou second degré? Lui a-t-on fait travaillé son personnage pour contraster (mais de manière grossière!) avec celui de Xavier Mortimer ? En tout cas, cette erreur rend le spectacle un peu bancal…

La dynamique poétique du rêve  se trouve en effet à chaque fois perturbée par Belle, et on redoute ses apparitions, alors que  le magicien est toujours juste (avec un bémol, tout de même quand il se met à parler). Dommage! The Magical Dream ressemble plus en effet à un condensé du remarquable travail de cet artiste, inspiré et talentueux, qui gagnerait sans doute à s’affranchir des stéréotypes américains. Mais son aventure commence seulement là-bas, et il devrait avoir raison des dictats imposés…

Sébastien Bazou

Spectacle vu au City Theatre, Planet Hollywood, à Las Vegas, le 13 mars. www.artefake.com


 

 


Archive pour 6 juin, 2017

Magical Dream, écriture de Xavier Mortimer, Alex Goude et Michael Goudeau


 

Xavier-Mortimer-2Magical Dream, écriture de Xavier Mortimer, Alex Goude et Michael Goudeau. musique de Maxime Rodriguez et Xavier Mortimer, direction artistique et chorégraphie de Johan Nus

Magicien, jongleur, danseur, mime, musicien et compositeur, le Français Xavier Mortimer s’est d’abord fait connaître avec La Symphonie des bulles, un numéro original de jonglerie, magie et musique. Mais L’Ombre Orchestre (2005) révélera un singulier travail associant ces mêmes disciplines à des projections vidéo.

Vite devenu une valeur montante, cet artiste complet et attachant, possède des atouts majeurs: pluridisciplinarité, originalité et précision technique. Il a ainsi développé, au fil des années, de formidables numéros  qu’il a présentés dans de nombreux galas en France puis à travers le monde comme Complainte pour un diabolo, Le balai volant, Miroir…Miroir, Le Dompteur de Mains, et Garçon !… bien frappé.

En 2010, il crée Magic Maestro ! où il poursuit un travail à la fois magique et musical avec son compère Philippe Leygnac. L’année suivante, après sa participation à l’émission La France a un incroyable talent,  le Cirque du Soleil lui offrit le personnage principal de Sneaky dans Michael Jackson One, qu’il jouera à Las Vegas jusqu’en 2016 …

The Magical Dream est une compilation de tous ses numéros mais réalisés ici avec Belle, sa partenaire (Lauren Matter) dans une histoire avec un bon scénario. Au début, une vidéo nous le montre au lit, en train de rêver. Un gros ballon blanc entre dans sa chambre et l’engloutit. Une fois à l’intérieur du ballon, il s’échappe par la fenêtre, atterrit dans un camionnette et se dirige vers le Sin City Theatre du Planet Hollywood.

Puis un vrai ballon arrive de la salle sur la scène; percé de l’intérieur, il laisse en sortir  le magicien en pyjama qui lance: «Bienvenue dans mon rêve!» Excellente séquence qui pose tout de suite un univers et une histoire placés sous le signe du rêve, avec un passage de la fiction à la réalité très bien amené.

Miroir… Miroir

Une main gantée sort alors d’une valise, et, sur une chaise vide, Belle apparaît, après qu’un drap ait été placé dessus. En pyjama, lui se change alors rapidement sous le drap et apparaît en costume de ville. Il se regarde dans une psyché, répond au téléphone, prend un journal pendant que son reflet, portant un bonnet, réapparaît dans le miroir à son insu. Ce double joue avec lui,  tire sur son écharpe et lui vole portable et lunettes, remue son journal dont il déchire alors une page puis lui dérobe aussi portefeuille et argent. L’écharpe du double, tirée de l’écran, apparaît alors dans le journal, ainsi que les billets de banque!

 Le magicien voit alors dans la psyché son double qui lui tend ses clés et lunettes; commence alors un combat avec main mordue, décapitation et interversion des têtes. Ce qui provoque un changement de personnage qui passe ainsi du virtuel au réel, le double prenant provisoirement la place du vrai Xavier Mortimer, qui, lui, va se retrouver prisonnier du miroir !

Pris au piège de la bi-dimensionnalité, il fait un « shifumi », un jeu très semblable à notre pierre/papier/ciseaux, avec la main gantée qui bouge toute seule et lui donne ses clés pour sortir du miroir. Une splendide réalisation dans la tradition des numéros interactifs avec écran, initiée par Horace Goldin dans les années 1910, fondé sur un solide scénario et une excellente connaissance des répertoires qui l’ont précédée. Mais avec une psyché qui remplace ici judicieusement  l’écran, et qui renvoie au mythe d’Orphée et à sa traversée du miroir. On voit ici la réalité entrer dans une autre dimension…
Xavier Mortimer a retravaillé son numéro de base en y ajoutant, à la fin, une intrusion dans cette réalité,  et sa libération, pour faire suite à son histoire.

Téléphones portables

Donc enfin libéré, il reçoit un coup de téléphone, décroche et tombe sur une messagerie vocale : «Tapez sur la touche 1, puis sur la touche 2. Le  portable disparaît alors et réapparaît plusieurs fois, puis se dédouble et se multiplie sous la frappe répétée des touches. Pour finir, un vrai  combiné apparaît !

Le magicien développe ici une situation empirique avec un des objets les plus utilisés au monde.   Nous pouvons nous reconnaître, quand il utilise son portable, et le message vocal automatique- très savoureux-est à peine exagéré! Un travail proche du Hongrois Soma avec Phone act , un numéro de manipulation primé à la FISM 2009.

Peinture lumineuse

 Le magicien balaie la salle avec le pinceau lumineux d’une lampe-torche, saisit ensuite la lumière avec ses doigts, et la lance sur un écran à l’avant-scène. Ainsi projetée, elle se matérialise en rond, puis en cercle, avant de se transformer en virgule dorée, pour réaliser différentes chorégraphies sur ordre de Xavier Mortimer. Les formes se transforment en cerceau, puis en vraies balles avec lesquelles il se met alors à jongler.

Apparaît ensuite sur l’écran la silhouette de Belle, qui se matérialise en vrai, puis disparaît dans la lumière de la lampe-torche: magnifique effet lumineux d’une simplicité d’écriture remarquable. Dans une vraie symbiose entre les images projetées et le magicien-danseur qui dessine dans l’espace des formes lumineuses évanescentes, avec apparitions/disparitions, en utilisant la persistance rétienne…

Prémonition en silence

Le magicien-mentaliste tient un grand carnet à spirale où sont écrites indications et questions pour conduire le numéro de A à Z mais sans  prononcer une seule parole. Au fil des pages du carnet, montrées au public,  il l’invite à lancer deux balles dans la salle, et à choisir un spectateur au hasard, ainsi qu’une célébrité. Puis il révèle la prédiction, avec une photo de cette célébrité, un bébé de six mois (vieux gag vu maintes fois!). Nous pouvons lire ensuite sur une page : «Je n’ai pas ouvert la bouche durant tout le numéro… »

Il prend alors un papier dans sa bouche où est écrit le nom exact de la personnalité choisie, et, au dos, le nom de la spectatrice qui a participé à ce numéro de lecture de pensée, original et muet,  avec une belle fin.

La Danse des ombres

Belle se met à danser puis disparaît derrière un grand paravent blanc et en ressort, une serviette de bain autour de la taille, puis disparaît à nouveau dans une baignoire. Xavier Mortimer revient et commence à jouer de la clarinette. La musique fait apparaître son ombre qui se multiplie; trois autres musiciens jouent alors avec lui, de l’accordéon, du tambourin et du tuba.
Il pose sa clarinette en équilibre sur son nez, la fait léviter et tourne à 360° sur lui-même,  les ombres qui se changent en confettis blancs,  se retrouvent sur sa veste…

Bulles de bain

Belle revient chanter en  playback dans sa baignoire, pendant que le double de Xavier Mortimer apparaît dans la psyché et propose un cocktail à l’assistante (qui se matérialise alors  réellement). Après avoir fait des bulles avec elle, il transforme une bulle de savon en balle transparente. Le magicien jongle avec trois autres balles, en contact avec son corps, puis les fait disparaître une par une, et retransforme de nouveau en bulle la dernière balle.

Belle sort alors de la baignoire et parle de son rêve où elle a croisé Captain America. Ses vœux sont réalisés dans la psyché avec le double de Xavier Mortimer qui se transforme en super-héros américain. Un  tableau inspiré du premier numéro qu’il inventa, La Symphonie des bulles.

Ballons ukulélé

Le vrai Xavier Mortimer arrive avec un paquet de bonbons, en prend un dans sa bouche, et le gonfle comme un ballon à sculpter, puis  ensemble avec un autre bonbon  construit une petite guitare. Puis les ballons éclatent, et un vrai ukulélé apparaît ; il joue alors avec, une mélodie d’Elvis Presley  d’une voix aigüe, rappelant les saynètes comiques de Norbert Ferré; le ukulélé réalise alors un 360° sur lui-même.

Ombres chinoises

Il passe derrière le paravent avec sa partenaire et, sur le Love me tender d’Elvis Presley, danse avec elle, jusqu’à ce qu’une guitare ailée ne les perturbe. Belle revient devant le paravent, tandis qu’il pratique des ombres chinoises classiques comme le profil du chien et d’autres plus étranges, comme l’allongement de ses doigts.

Garçon !… bien frappé

 Puis, il sort de l’écran en tenant deux cymbales et produit une multitude de billets, un grand foulard blanc (qu’il place sur son avant-bras), un nœud-papillon, deux verres et une bouteille de vin blanc, puis un tablier: il ressemble à un  garçon de café… Il passe alors derrière le paravent; son ombre se transforme alors en plongeur qui disparaît. Un magnifique numéro chorégraphié qui détourne des éléments musicaux pour transformer progressivement un musicien en garçon de café en prise à des apparitions contre nature, avec nombre d’effets sonores. Un mélange des genres et une association d’idées innovants…

Le balai volant

Belle revient sur scène et le double de Mortimer sort du miroir et ramasse avec un balai, les billets tombés au sol du précédent tableau. Mais le manche se défait, ne veut plus réintégrer sa brosse, et se met alors à léviter, puis à tourner autour du magicien; il passe même entre ses jambes grâce à des acrobaties et finit par revenir sur sa brosse. Une revisitation du numéro classique de la canne volante, mais avec un objet usuel anodin avec effets de lévitation accentués, grâce à un travail chorégraphique de premier ordre.

Le Dompteur de mains

 Belle sirote un cocktail sur un divan, et le magicien lui joue un air d’harmonica sur une musique de RnB. La main gantée du début sort de la valise qu’il va  poser sur le divan. Mais cette  main en profite pour boire le cocktail de Belle (on voit le niveau du verre descendre!) et commence à gifler et à étrangler Xavier Mortimer, lui attrape les parties (clin d’œil à Michael Jackson)  et joue un air à l’harmonica qui fait apparaître dans la valise ouverte, deux autres mains gantées …

Une excellente adaptation du tour mythique de Kevin James, Severed Hand (La Main coupée).

Fer à repasser

 Belle tache par mégarde le pantalon du magicien, le nettoie,  prend un fer à repasser pour le sécher mais elle brûle son partenaire et l’assomme accidentellement. Placé sur une table à repasser et couvert d’un drap,  Xavier Mortimer disparaît alors entièrement sous la vapeur du fer avec lequel Belle le repasse. Elle aussi disparaît ensuite derrière le drap et, entre temps, le magicien a pris sa place. Remarquable adaptation d’Iron illusion, présenté, entre autres, par Yunke, avec des objets qui font sens ici, dans cette dramaturgie d’effets magiques.

Jumprope

Nouvelle illusion mise au point par Xavier Mortimer en 2016, qui avait eu un grand succès sur Internet. Présentée à l’extérieur en pleine lumière, avec une corde à sauter, rendant «impossible» l’utilisation de filins, cette lévitation originale est  introduite par une vidéo où on voit le magicien encore enfant, voulant impressionner Belle. Mais l’illusion est ici gâchée par le manque de hauteur de la petite salle où le magicien ne peut décoller que d’un mètre…

Salut des artistes avec le double de Xavier Mortimer, de la main gantée et de Belle qui part avec la corde derrière le paravent, rejointe par  le vrai Mortimer. On voit alors leurs ombres, accompagnées par la guitare volante, disparaître au loin, comme Charlot et sa « gamine » à la fin des Les Temps modernes.

Cet univers onirique et chargé de poésie étonne parmi les autres spectacles de magie de Las Vegas, tous fondés sur un enchaînement de numéros où triomphent performance et mise en scène.  Xavier Mortimer a en effet une autre façon de penser un spectacle: il le conçoit en effet  comme un tout, comme une histoire, avec un début et une fin. Alors qu’aux Etats-Unis, un magicien joue en général son propre rôle et provoque des effets… Mais ici,  il interprète un jeune homme dépassé par les événements et qui subit la magie comme dans une logique de rêve, et surréaliste par moments.

Importer son univers personnel avec un spectacle déjà bien rodé en Europe, dans un pays qui possède une autre culture, était un risque… et un vrai pari artistique  pour Xavier Mortimer, également auteur de la musique avec Maxime Rodriguez… Les Etats-Unis n’ont pas en effet l’habitude de ce genre d’univers décalé, et il a dû faire quelques concessions, en y introduisant une assistante en robe d’un jaune outrancier et à la voix stridente, dans la tradition des spectacles américains, avec une partenaire assez superficielle ! Et Lauren Matter qui joue Belle la fille de rêve, tient d’une héroïne caricaturale, blonde et un peu simplette, jouant mal et dansant approximativement! Premier ou second degré? Lui a-t-on fait travaillé son personnage pour contraster (mais de manière grossière!) avec celui de Xavier Mortimer ? En tout cas, cette erreur rend le spectacle un peu bancal…

La dynamique poétique du rêve  se trouve en effet à chaque fois perturbée par Belle, et on redoute ses apparitions, alors que  le magicien est toujours juste (avec un bémol, tout de même quand il se met à parler). Dommage! The Magical Dream ressemble plus en effet à un condensé du remarquable travail de cet artiste, inspiré et talentueux, qui gagnerait sans doute à s’affranchir des stéréotypes américains. Mais son aventure commence seulement là-bas, et il devrait avoir raison des dictats imposés…

Sébastien Bazou

Spectacle vu au City Theatre, Planet Hollywood, à Las Vegas, le 13 mars. www.artefake.com


 

 

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