Festival Parades à Nanterre
Festival Parades à Nanterre:
Depuis des années en juin, ce Festival de rue illumine la vieille ville. Une quarantaine de compagnies avec plus de deux cent artistes s’y déploient pendant trois jours avec théâtres, installations, performances, spectacles de marionnettes …
Série C par Kumulus Burkina Faso et France
Sept acteurs parés de tissus terre orangée restent prostrés, puis se déploient aux rythmes de tambours et percussions. Un chanteur blanc entonne une mélopée. Trois femmes Burkinabés et une Européenne, se dévoilent en gémissant, se tordent les mains, dansent en rond. Une grosse fille saute : Entrez dans la danse ». Une autre se fait chevaucher, tous rigolent. Chacun des comédiennes s’enferme dans une cage métallique et s’y suspend. On assiste à la tragédie de l’enfermement et de l’excision des femmes : « La mort, disent-elles, vaut mieux que l’excision ! ».
Elles chantent en miré, dioula et français, se rassemblent et s’étreignent, puis on les enferme dans les cabanes qu’on a préalablement scotchées. Elles étendent ensuite du linge, ce qui donne un aspect joyeux et coloré, presque carnavalesque. Il faut résister où que l’on soit ! Il y a ici de la joie et une force de vie qui surgissent bizarrement de cette oppression féminine. De jeunes enfants assistaient avec nous à cette avant- première, et semblaient, comme nous, fascinés.
Après Les Squames, Tout va bien, Bail à céder… la compagnie Kumulus après une résidence au Burkina Faso, vient de réaliser l’un de ses meilleurs spectacles, porteur de l’énergie incroyable de l’Afrique.
La Nuit a son existence de et par Lucile Rimbert, chorégraphie pour un spectateur
On me convie d’abord à m’asseoir sur une chaise, puis me coiffe d’écouteurs qui délivrent un message énigmatique oublié… et on me fixe un rendez-vous pour le lendemain. Une jeune femme m’invite alors à pénétrer dans une voiture. Elle se tourne et se retourne sur le siège arrière, exhibant ses jolies jambes nues. Elle parle du sommeil auquel elle ne parvient pas : elle ne dort pas à cause des rumeurs de la ville….
Thank you Tezuka
Tezuka, un mime japonais déballe tout son matériel : un fatras bizarre avec petit ventilateur, poupées, valise, etc. Il tourne autour, affublé de lunettes ridicules, devient un combattant de sumo, se masque puis se démasque, et coupe un citron. Il se déguise en femme en revêtant un justaucorps argenté, et roule des mécaniques. C’est plutôt incohérent et, nous dit-on, très japonais ! Mais cela fait beaucoup rire les petits enfants !
Regards en biais par la compagnie la Hurlante
Noël Folly court dans la rue et distribue des tracts. Une femme enceinte est terrorisée. L’homme tape sur les poubelles et sur les portes. « Le travail, j’ai l’attitude relax ! ». Une femme nettoie des vitres. En face, une autre clame : « Voyez, ils vont venir me chercher ! » On s’installe au café pour prendre l’apéro pour les quinze ans de mariage de Nadège à Nîmes. On porte un toast.
La sœur suicidaire s’arrache les sourcils : »Si toi tu dérailles, c’est moi qui m’écroule ! La folie, ça fait toujours peur. J’ai connu la psychiatrie. Sur la folie, j’ai plein de chose à vous dire. Le monde devient malhonnête. Je suis un jardinier paysagiste ! ».
On peut voir comment la folie a traversé nos vies. Surtout quand une sœur s’est suicidée à vingt-trois ans. Ces Regards en biais nous bouleverse.
La terrible histoire de Thomas Sankara de Brigitte Burdin et Gilles Rhode
Ces deux-là ont quitté quelques jours leurs prodigieux spectacles aériens comme Les Maudits sonnant, Lâchers de Violons, etc. avec quelque cinquante représentations sur plusieurs continents d’ici la fin de l’été! Ils interprètent ici la vie de Thomas Sankara sur une boîte à images, comme celle qu’utilisent le Théâtre à Bretelles.
Gilles évoque le pays d’ailleurs avec des arbres gigantesques, la grande forêt de l’Est qui s’est peu à peu transformée en savane, dans le Burkina Faso, encore appelé Haute-Volta dans les années cinquante. Thomas Sankara devient médecin.«Pour la chirurgie, c’est mal barré, pardi! » puis élève officier à Madagascar. Il rêve de créer un nouveau pays: Libertaïa. «Obéir, c’est bien, mais il faut comprendre à quoi sert l’ordre ! »
Au Burkina Faso, «le pays des hommes intègres », ça chauffe ! D’abord ministre de l’information et de la culture, Thomas Sankara né en 1949, il deviendra président de la République, le seul en Afrique à avoir vendu les luxueuses voitures de l’État pour les remplacer par des Renault 5. Il avait essayé de rompre avec la société traditionnelle inégalitaire burkinabè, et a cherché à intégrer les femmes.en affaiblissant le pouvoir des chefs de tribu, Il a aussi institué la coutume de planter un arbre à chaque grande occasion pour lutter contre la désertification.
Mis en prison, puis déporté, il devra ensuite rester une semaine à planter des arbres dans le Sahel. On édifie trente barrages en quatre ans, et 2,5 millions d’enfants sont vaccinés en 15 jours. Et finalement assassiné en 1949. «On peut flinguer les hommes, on ne tue pas les idées ».
Brigitte et Gilles se multiplient avec humour pour faire vivre cette étonnante boîte à images.
Jacqueline et Marcel au fil du trottoir par la compagnie l’Art Osé
La pluie a noyé le festival, donc ce spectacle déambulatoire s’est réfugié avec nous à la Maison de la musique de Nanterre. Un couple se présente acclamé par le public : «Vous étiez venus voir les lions? » demandent-ils.
En fait, Christelle Lefèvre et Pierre-Jean Ferrain vont nous jouer L’Ours d’Anton Tchekhov. Un couple s’affronte: l’homme porte une rose à sa boutonnière et Élena Ivanovna Popova, une jeune veuve, entame avec lui un échange des plus agressifs, rythmé par un violoniste, avant de tomber sous le charme de cet ours qui la demande en mariage.
Edith Rappoport
Spectacles vus à Nanterre (Hauts de Seine) les 4 et 5 juin.
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