Furies, festival de théâtre de rue et de cirque à Chalons-en-Champagne
Furies, festival de théâtre de rue et de cirque à Chalons-en-Champagne
Vingt-huitième édition de Furies, avec vingt-cinq spectacles dans cette ville agréable, et sans spectacles en off. L’accueil du public se fait au Grand Jars, vaste jardin ombragé, où l’on peut voir plusieurs spectacles dans de bonnes conditions
Dad is Dead, conception et jeu d’Arnaud Saury et Mathieu Despoisse ou Olivier Debelhoir
Arnaud Saury, issu de l’école du Théâtre National de Bretagne en 1994, a eu ensuite des expériences théâtrales auprès, entre autres, de Mathias Langhof, Manfred Karge, Nicolas Frize. Mathieu Despoisse lui, a été formé à l’École du Cirque de Chalon-en-Champagne, a fondé Cheptel Aleïkoum et travaillé avec des compagnies de danse.
Ils tournent en rond sur une bicyclette, avec de dangereuses et étranges figures acrobatiques. Dialogue: «Je ne peux plus m’accrocher, j’ai faim (…). Mais on vient de manger ! (…) J’ai envie d’une banane verte et bio ! » Ils parlent du commerce équitable, tout en continuant à tourner. »C’est pas à l’autre bout du monde qu’il faut changer le monde ! dit l’un debout sur le porte-bagages et dans ma cuisine, j’ai envie d’être tranquille. Faut être riche pour pouvoir polluer propre… ». Il pédale avec les mains pendant que l’autre appuie sur son dos. « Toutes ces peurs nous constituent, un père de famille, il a peur que ses enfants soient pédés ! ».
On s’amuse des acrobaties insolites sur ce vélo qui n’en finit pas de tourner, et de cette étrange discussion.
Exit par le Cirque inextrémiste, mise en scène de Yann Ecauvre et de cinq autres acrobates
La compagnie créée en 1998 sous le nom de As Pa de Maïmoun a rapidement acquis une maîtrise étonnante en danse, théâtre de rue, musique et acrobatie et quelques années plus tard, devient Cirque Inextrémiste, avec trampoline, bouteilles de gaz, agrès et planches…
Nous sommes rassemblés dans un vaste espace autour d’une montgolfière encore étalée sur le sol. Un homme arrive et monte dans la nacelle couchée. On entend les rythmes d’une boîte à musique; quatre hommes en camisoles de force, échappés d’un asile courent et s’empilent dans la montgolfière qui commence à gonfler. Elle va décoller, et un fou reste accroché à la nacelle qui s’élève à dix mètres du sol. Trois hommes y sont suspendus à cet engin qui redescend puis remonte. On entend hurler un appel: on réclame un certain Monsieur Mollot, resté à terre. La nacelle remonte avec les corps suspendus à des fils, tels des marionnettes désarticulées.
Tout le monde retient son souffle quand elle redescend enfin, sans que les corps désarticulés qui y sont accrochés soient tombés. Le ballon s’étale et se dégonfle. On est soulagé, personne n’y a perdu la vie cette fois… ce qui était arrivé pendant une représentation.
jerome.inextremiste@gmail.com
Vous en voulez par la Française de comptages, un spectacle de Benoît Afnaïm, musique de Michel Risse
Benoît Afnaïm aime les défis insurmontables et longuement élaborés qu’il se jette depuis une douzaine d’années avec sa compagnie de baroudeurs. Vous en Voulez est seulement leur troisième spectacle « mûri pendant 2 ans, après 33 heures 30 minutes et une cerise noire ». Ce sont toujours des représentations déambulatoires de grand format, avec trente-cinq comédiens et techniciens, trois camions, des vidéos et fresques monumentales.
Vous en Voulez ne déroge pas à la règle, et l’auteur-metteur en scène va jusqu’au bout d’une volonté de séduction. Avec un spectacle fondé sur le scénario ridicule d’une émission de télévision incompréhensible pour les novices peu familiers de cette culture. Costumes insolites, inversions de sexe: on a du mal à pénétrer dans cette forêt de personnages d’un feuilleton peu clair et qui, à cause de problèmes techniques, a commencé en retard!
Mais on suit l’énorme camion qui s’ébranle après de longues minutes d’attente et s’arrête pour trois stations à travers la ville. Le public se dilue peu à peu dans la nuit qui s’avance. On pourra voir Vous en Voulez à Aurillac et dans nombre d’autres lieux, cet été.
www.fradecom.com
Brâme ou tu me vois crier Papa? par la compagnie Alix M., écriture et mise en scène d’Alix Montheil
En exergue du spectacle de cette compagnie installée en Limousin depuis 2008 : «Il faut regarder le monde comme le fait un enfant, avec de grands yeux stupéfaits, il est si beau. »
Un rendez-vous secret nous est fixé puis nous marchons le long d’un canal jusqu’à une guérite où l’on nous remet gilets orange et bidons « pour la gestion des larmes et du sang ». On entend des coups de feu, et des hommes tombent, et on leur fait une respiration artificielle. «Ici en 2007, un intermittent du spectacle est tombé en pleine actualisation!» Il y a de vives engueulades puis on remet des coupes. Sur une île, des réfugiés appellent à l’aide mais le maire les vire.
Arrivent alors un homme nu casqué, et une « femen » arrosée de sang (Femen, un groupe féministe radical athée fondé à Kiev en 2008 qui deviendra internationalement connu, en organisant des actions surtout seins nus, avec slogans écrits sur la peau, pour défendre les droits des femmes.) C’est l’heureuse alliance des heureux et des peureux. On gonfle un grand boudin où des acteurs nus se vautrent, enduits de vaseline.
Un entracte bienvenu avec boissons nous repose de cette succession d’images folles, mais il faut repartir. Trois hommes en bleu, blanc, rouge reculent sur la musique du Beau Danube Bleu,la célèbre valse viennoise du Joan Strauss, et on balance des fleurs sur les C.R.S. Deux êtres aux bois de cerf pleurent, Dieu arrive mais s’écroule sous des coups de feu. «Je ne savais plus ou m’asseoir, dit une femme-sandwich, je ne sais plus quoi vous raconter.» On apporte une brouette de sang, avant un beau final dans les hurlements, pétards, danses frénétiques arrosées de paillettes : «On n’y arrivera jamais, c’est quoi ce monde de cons ?»
Cette trop longue succession d’images insolites et choquantes nous a tout de même secoués.
Edith Rappoport
Spectacles vus aux Furies les 9 et 10 juin. Exit et Brâme se joueront aux festivals de Cognac et d’Aurillac.
