Jeff McBride à Las Vegas
Jeff McBride à Las Vegas
Un lieu singulier que ce Wonderground, en banlieue de Las Vegas, dans la grande salle d’un restaurant orientalo-mexicain The Olive Mediterranean Grill! Le troisième jeudi du mois, Jeff McBride, leur créateur et ses artistes donnent à partir de 19h30, trois spectacles d’une heure avec magies de salon et de scène, « close-up », performances et danse… Dans ce endroit atypique qui se veut lieu d’échange, ils organisent un «bœuf» de magie, avec ambiance bon enfant garantie. L’endroit propose ensuite une soirée dansante avec DJ.
Les hôtes nous accueillent chaleureusement (les Américains nous donnent vraiment des leçons !) et Jeff Mc Bride vient en personne nous placer sur une banquette confortable, face à une petite scène. Lumière tamisée et décoration orientale: on peut boire et manger des spécialités mexicaines mais aussi fumer la chicha…
Premier spectacle scénique
Une vidéo montre les différentes personnalités (une spécialité très américaine!) venues travailler et/ou rendre visite à Jeff McBride, comme Criss Angel, Jonathan Pendragon, Rudy Coby, Bizarro, Arian Black, Mat Franco ou Jay Scott Berry. Un des plus grands magiciens actuels de par son parcours, sa philosophie et son influence, s’est intéressé très jeune à toutes les formes de magie, comme, entre autres, les vingt-deux lames du tarot de Marseille! Avec une préférence pour les rituels et les pratiques spirituelles, ce qui l’a amené à rencontrer sorciers, druides et chamanes.
Il travaille à la fois le masque, les arts martiaux, mais aussi le théâtre kabuki, et s’intéresse de très près aux mythes et légendes. Virtuose de la manipulation et fasciné par la transformation de la conscience, symbolisme et métaphore de la vie, il donne des numéros un peu partout dans le monde, notamment au Magical Empire du Caesars Palace à Las Vegas, dans les années 1990, mais réalise aussi des cérémonies autour d’un cercle du feu… Avec danses, musiques, incantations et magie, pour revenir aux sources ancestrales. Chez lui, le feu comme représentation du soleil et de l’universalité, se combine avec la conscience des planètes, des saisons et des quatre éléments (l’air, le feu, l’eau et la terre), pour accoucher d’une «danse de l’univers».
Jeff McBride est aussi très actif au sein de NeoPagan (Nouveau Paganisme). A Las Vegas, connu sous le nom de Vegas Vortex, ce mouvement se décrit comme une «communauté prospère qui célèbre les arts sacrés de la magie, du théâtre, de la musique et de la danse». Le magicien est aussi fondateur de la légendaire Magic and Mystery School créée en 1992. Expert, conseiller, enseignant et conférencier, il parcourt le monde pour enseigner sa philosophie de la magie et créer un vaste réseau d’adeptes.
A 20 heures exactement, Abigail Spinner-McBride présente son mari dans son numéro mythique de manipulations de cartes. Il commence par produire un foulard jaune, et en fait sortir un bouquet de fleurs. Puis une série de cartes arrive une à une entre ses mains qu’il a pourtant montrées vides. Puis des éventails de cartes apparaissent et changent de couleur. Un ruban de cartes sort de sa bouche (sa spécialité)… Enfin Jeff Mac Bride rend hommage à ses invités de marque avec la présence de ses complices de la Magic and Mystery School: Eugene Burger et Larry Hass. Il présente aussi Suzanne Lagano, une artiste de peinture sur corps qui va officier sur un modèle au cours de la soirée.
New World Rhythmatism
Deborah, Abigail, Delphine, Devon et Megan ont inventé une méthode pour créer musique et danse improvisées. Aucune chorégraphie mais plutôt un vocabulaire du mouvement partagé, pour conjuguer danse et tradition orientale. Ces artistes commencent par une danse du ventre sur une rythmique orientale, puis improvisent des mouvements avec un éventail. Sur une musique plus cuivrée, elle miment une balle qui devient de plus en plus grosse puis qui disparaît. Enfin, elles dansent sur une musique russe. De ce groupe, se dégage Abigail Spinner-McBride. Véritable muse de son mari, cette musicienne et chanteuse mais aussi danseuse, masso-thérapeute et magicienne a une expression corporelle unique. Et ce n’est pas un hasard si elle enseigne à la Magic and Mystery School…
John Shaw,magicien fakir et cracheur de feu spécialisé dans les numéros d’horreur, nous montre un florilège de son répertoire: il se met deux pop-corn dans le nez et les fait ressortir par les yeux ! Michael Mirth magicien, conférencier et auteur basé à Hollywood, combine numéros d’illusion, lecture de pensée, manipulation, en revisitant les mythes pour créer un divertissement unique. Il présente, lui, un jeu de bonneteau avec des cartes géantes, agrémenté d’une histoire singulière où un homme et deux femmes, changent de place et disparaissent. Matt Johnson, magicien anglais résident à Vancouver au Canada, est spécialisé dans une magie de rue combinée avec un humour noir très british. Une vraie personnalité, entre performeur tatoué et gentleman cynique, un vrai régal ! Il propose une expérience de mentalisme, en faisant venir sur scène deux femmes à qui il demande de choisir une carte dans un jeu entouré d’un élastique (Tossed out deck). Et il va deviner quelles sont leurs deux cartes avec le « langage du corps », en faisant monter (un peu trop) le suspense, dans le style « N ou R, pique ou trèfle, carte à points ou figure ?… »
Richard Ribuffo dit The Magician, fait le numéro bien connu des cartes voyageuses avec l’aide de deux spectateurs. Des dix cartes distribuées à chacun, trois voyagent alors de l’un à l’autre, à distance bien entendu. Rien de neuf dans ce numéro très basique… Kevin Hall, originaire du Minnesota, aussi nommé The Hall’s of Magic ou The Magic Maniac, et spécialisé dans une magie comique et décalée, présente, lui, The Blade of doom, une double guillotine pour mains! Il arrache accidentellement la robe de sa partenaire, puis la fait réapparaître sur elle… un « quick change » original.
Il invite alors un couple à placer ses mains sous le couperet d’une petite guillotine. Kevin Hall leur propose en apéritif, la mort d’une carotte, pour tester l’installation. Test réussi: la carotte est bien coupée en deux! Il met alors les mains du couple dans l’orifice et les menotte. Ce qui peut les sauver, dit-il, c’est «le pouvoir de l’amour»! Il abaisse la lame : les mains sont intactes. Le couple s’embrasse. Belle revisitation ce ce classique!
Ensuite Weedini, « The Marijuana Magicain », un magicien déjanté qui travaille sous stupéfiants, arrive en costume et cravate imprimés de dessins de feuilles de cannabis: il ne passe pas donc pas inaperçu! Weedini a découvert ses pouvoirs magiques dans sa jeunesse, après avoir fumé de la marijuana, a vite développé ses « pouvoirs ». Il en a consommé de plus en plus et est devenu The Wizard of Weed, The Prestidigitator of Pot, The Conjurer of Cannabis… Il propose ici une série de numéros avec une… cigarette, bien entendu, ainsi que le voyage du capuchon sur un stylo, un numéro créé par Greg Wilson.
Michael 0′Brien, excellent spécialiste de close-up et membre de l’Academy of Magical Arts, Inc, officie régulièrement au Magic Castle à Los Angeles. Il commence par un numéro de bague passant de doigt en doigt à la manière de Garrett Thomas (The ring thing), puis prend un anneau et y enclave la bague puis la ressort… Il tire ensuite des balles en mousse d’un porte-feuilles que l’on retrouve dans la main d’un spectateur! Et une carte voyageuse signée par lui sur une carte Pokémon, va se retrouver dans une boule… Pokémon. Un beau travail d’une remarquable maîtrise technique.
Deuxième spectacle scénique:
Abigail Spinner et Jeff McBride, couple mythique, réalise un magnifique tableau où le voile de la danseuse flirte avec l’épée du chaman. Jeff donne un coup d’épée vers sa compagne et un foulard rouge apparaît magiquement. Abigail le saisit et le fait passer tout aussi magiquement, à travers l’épée. Jeff quitte la scène et sa femme commence une danse hypnotique avec un sabre tenu en équilibre au-dessus de sa tête. Déplacements, mouvements circulaires: rien à faire, il ne tombe pas. Une magnifique communion mystique avec l’objet !
Enfin le superbe mystère de l’eau (The Enchanted Water Bowls), une des « routines » les plus emblématiques de Jeff McBride, inspirée par celle de Mickael Vadini, qui l’a travaillé depuis trente ans… Il tient un bol rempli d’eau et un autre, vide, dans chacune de ses deux mains puis évoque le Dieu des eaux pour faire voyager le liquide d’un bol à l’autre, après en avoir bu à maintes reprises. De la poésie à l’état pur et du très grand art! Universel et bouleversant !
Il y a une explication, sous le nom d’Aquarium Humanum de cette célèbre Chinese water bowl illusion dans The Book of Exquisite conjuring de Conradi (1928). Ensuite, Jules Dhotel l’explique aussi dans La Prestidigitation sans bagages ou Mille tours dans une valise (1936). En 1952, Theo Bamberg et Robert Parrish le décrivent dans Okito On Magic... La forme moderne a été mise au point par Salvano qui la tenait d’Assan, un magicien polonais. Il l’a ensuite transmise à Michael Vadini qui l’a échangé avec Jeff McBride contre son numéro de La chasse aux pièces. Et actuellement Abdul Alafrez et Mimosa exécutent parfaitement ce numéro devenu classique….
John Shaw nous revient dans un numéro aussi classique de cracheur de feu. Il s’arrose la main d’eau de feu et craque une allumette pour l’enflammer. Mais il enchaîne avec un tour classique et ringard : Les foulards du XXème siècle ! Hors propos… Il place ensuite une mèche sur une perceuse et se l’enfile dans le nez, comme dans le célèbre tour du clou. Il met sa langue à l’épreuve d’un piège à souris, puis accroche deux coupes remplies d’eau à ses paupières avec crochets et chaînes. Il finit par avaler un ballon gonflé et boit de l’eau. Une fin en forme d’anti-climax, tant l’expérience des bols est forte.
Matt Johnson le magicien tatoué réalise le tour du fil coupé et raccommodé (Gypty thread) en hommage à Eugene Burger, présent dans la salle. Une version avec un fil fluorescent comme dans le magnifique moment de poésie conçu par Alain Choquette. De ce fil hindou, on trouve la trace dès 1520, puis Jean Prevost en fait une description dans La première partie des subtiles et plaisantes inventions (1584). De grands magiciens ont travaillé ce numéro symbolique comme Fred Kaps, Marconick, Jacques Delord, Gaëtan Bloom, Ricky Jay, Orson Welles et Eugene Burger. Ce dernier présentant l’effet Shakespearean Thread ou le fil est coupé avec la flamme d’une bougie. Matt Johnson, rend encore un hommage, à Paul Daniels et à sa routine d’anneaux chinois au travers d’une séquence d’enclavements de bagues empruntées… David Tobias Bamberg (1843-1914) pratiquait déjà l’enclavement de neuf bagues !
Avec Kevin Hall, place à la grande illusion avec une version de la femme sciée en deux, The blade coffin. Sa partenaire entre dans la boîte et il la transperce de quatorze grandes lames, de plus en plus grosses. Elle ressort, bien évidemment intacte, après avoir changé de robe.
Will Bradshaw, un escapologiste invite deux hommes forts sur scène pour le ligoter et ils le ficellent de partout avec des nœuds. Il a deux minutes pour se libérer de 30 mètres de corde !Un numéro d’évasion impressionnant dans la tradition de Houdini.
Les artistes saluent! Une belle soirée, avec une vraie diversité artistique où public et artistes communient autour de l’art de la magie.
Sébastien Bazou
Spectacle vu à Las Vegas le 16 mars.