Prix de l’Association de la Critique ( théâtre et danse) saison 2016-2017
Prix de l’Association de la Critique pour la saison 2016-2017
Réunie au Théâtre National de la Danse de Chaillot, l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse, a, comme chaque saison, procédé à la remise de ses prix. Cette association, issue du Syndicat professionnel de la critique de Théâtre créé en 1877 et rénové dans les années 1960, est présidée aujourd’hui par Marie-José Sirach, et regroupe quelque cent- quarante journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, française et étrangère.
Prix du Théâtre
Les votes reflètent une tendance: en France, les metteurs en scène privilégient l’adaptation d’œuvres littéraires, voire filmiques, ou revisitent les grands classiques, en laissant souvent de côté les dramaturges contemporains… (Voir Le Théâtre du Blog qui s’est fait l’écho de la plupart des spectacles primés). Et, quand il s’agit de textes originaux, l’écriture s’élabore souvent sur le plateau, mais pas toujours de façon très heureuse!
2666, d’après Roberto Bolaño, mise en scène de Julien Gosselin, a eu le Grand Prix du théâtre pour ce spectacle de plus de douze heures, et celui pour « la meilleure création d’éléments scéniques », été attribué à Hubert Colas. Nous avions apprécié, lors de sa création l’an passé au Festival d’Avignon, l’adaptation de ce roman-fleuve de l’auteur chilien, mais aussi l’énergie des acteurs et la rigueur de la mise en scène. Julien Gosselin a souligné, en recevant son prix, que ce type de création ambitieuse par une compagnie indépendante comme la sienne, serait impossible dans un autre pays…
Les Bas-Fonds de Maxime Gorki, mise en scène par Éric Lacascade remporte le prix Georges Lerminier (meilleur spectacle théâtral créé en province). Après avoir dirigé le Centre Dramatique National de Caen, il dirige maintenant une compagnie indépendante et a abondé dans le sens de Julien Gosselin, quant aux soutiens dont bénéficient les compagnies. Il a souligné aussi l’importance de la critique, quand elle rend compte d’un processus de création, dont le spectacle n’est qu’une trace: «Merci d’en rapporter le voyage, j’ai toujours bénéficié, dit-il, d’un accompagnement heureux de votre part». Le Théâtre du blog a suivi sa carrière, et notre amie Véronique Hotte avait salué pour Les Bas-fonds: «la direction d’acteurs, que ce soit pour le chœur ou les personnages irradiants, avec un élan bel élan d’humanité».
Doreen d’après Lettre à D., d’André Gorz, mise en scène de David Geselson, reçoit le Prix de la meilleure création d’une pièce en langue française. “Un duo de tendresse ludique et d’amour, dont le feu ne saurait se consumer”, écrivions-nous. Le metteur en scène précise lui aussi qu’il trouve exceptionnel, d’avoir ainsi pu créer un spectacle hors-norme destiné à seulement quatre-vingt-dix spectateurs par représentation, au Théâtre de la Bastille.
Place des Héros de Thomas Bernhard, mise en scène de Krystian Lupa, obtient le Prix du meilleur spectacle étranger. «J’espère que ce geste de la France aura un effet sur notre ministre de la Culture, a écrit dans un message le metteur en scène polonais qui ne pouvait être présent et qu’a lu Stéphane Braunschweigt. Krystian Lupa a ainsi pointé du doigt les atteintes à la liberté de création que dans son pays rencontrent les artistes. Il a été aussi récompensé pour Utopia, Lettres aux acteurs (Actes-Sud), sacré Meilleur livre sur le théâtre.
Histoire du soldat de Charles-Ferdinand Ramuz et Igor Stravinski, mise en scène de Stéphan Druet, reçoit le Prix Laurent Terzieff (meilleur spectacle présenté dans un théâtre privé). Ce mimodrame joué depuis mai au Théâtre de Poche-Montparnasse rassemble treize artistes et Philippe Tesson, son directeur, se réjouit de «voir monter dans mon théâtre, une œuvre qui a une valeur particulière, celle de l’enfance ».
Elsa Lepoivre est désignée comme Meilleure Comédienne ; on a pu la voir à la Comédie-Française dans Les Damnés, mise en scène d’Ivo van Hove, mais aussi dans Lucrèce Borgia de Victor Hugo, mise en scène de Denis Podalydès, La Règle du jeu de Jean Renoir, mise en scène de Christiane Jatahy, et Le Cerf et le chien, mise en scène de Véronique Vella.
Gérard Watkins, Prix du meilleur comédien, plus connu comme auteur dramatique avec son excellent Violences conjugales, a été remarqué dans Songes et Métamorphoses, de Guillaume Vincent, d’après Ovide et Shakespeare (voir Le Théâtre du Blog).
Gaël Kamilindi reçoit le prix Jean-Jacques Lerrant (révélation théâtrale de l’année) pour son jeu dans Le dernier Testament, d’après Le dernier Testament de Ben Zion de James Frey, mise en scène par Mélanie Laurent, et dans Lucrèce Borgia de Victor Hugo, mise en scène par Denis Podalydès.
Mathieu Bauer et Sylvain Cartigny ont été salués comme: «Meilleurs compositeurs de musique de scène» ; ils ont signé la bande-son de Shock Corridor, d’après le film de Samuel Fuller, adaptation et mise en scène de Mathieu Bauer. Ils ont puisé dans le répertoire américain des années soixante, les chansons folk et countries, Gershwin… Et Billie Holiday, avec Strange Fruits, une des premières protest songs en 1936. L’occasion de mesurer les talents vocaux et d’instrumentistes, des jeunes comédiens sortant de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg (voir Le Théâtre du Blog). Mathieu Bauer a cité Heiner Müller : «Quand tout a été dit, la musique peut commencer », excellente transition pour la remise des Prix Musique : www.associationcritiquetmd.com
Prix de la Danse
OCD Love, une création de Sharon Eyal et Gai Behar, reçoit le Grand prix de la danse. Venue pour la première fois en France, la compagnie israélienne de Sharon Eyal, autrefois danseuse à la Batsheva Dance Company a été saluée par une ovation debout au Théâtre National de la Danse de Chaillot.
Le Centre chorégraphique national Ballet Biarritz, dirigée par Thierry Malandain a été considérée comme la Meilleure compagnie de l’année. Nous avions beaucoup apprécié Noé, du chorégraphe et de sa troupe écrit à partir du mythe du Déluge.
José Paulo dos Santos, Bilal El Had, Jason Respilieux, Thomas et Vantuycom, dans A love suprême, chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker et Salva Sanchis, ont reçu le Prix des meilleurs interprètes. Accompagnés par la musique de John Coltrane, chacun des danseurs épousait la partition d’un instrument du célèbre quartet…
Kader Belarbi, directeur du ballet du Capitole de Toulouse et Crystal Pite, chorégraphe, ont été qualifiés ex-aequo de « Personnalités chorégraphiques de l’année ». Kader Belarbi a salué la parution de Les Cygnes du Kremlin : Ballet et pouvoir en Russie soviétique, de Christina Ezrahi publié en Italie (éditions Gremese) qui a eu le prix du Meilleur Livre de danse.
Mireille Davidovici
Les Prix de l’Association de la Critique ont été remis le 19 juin au Théâtre National de la Danse de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris XVIème.