Le Festival d’Avignon: bilan

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Le Festival d’Avignon: bilan

Le plus vaste festival de théâtre et de spectacles s’est terminé il y a quelques jours. L’occasion de faire un rapide bilan. Olivier Py, le directeur du In peut se réjouir. Cette soixante et onzième édition aura fait le plein : 59 spectacles dans trente-neuf lieux différents, soit 300 représentations!  Et 112.000 billets vendus, avec un taux de fréquentation de 91% donc comparable à celui des années précédentes. Et environ 40.000 entrées aux manifestations gratuites, ce qui est moins quantifiable…

Avec, sur le plan technique, la mobilisation d’une véritable armée de spécialistes et une organisation efficace en matière de sécurité. Ce qui n’est pas évident dans un festival où le public vit du matin jusqu’à une heure avancée de la nuit, dans les salles mais aussi dans les vieilles rues étroites et sur les places du vieil Avignon. Pour le plus grand bonheur des Français mais aussi d’un nombre croissant d’Européens venus applaudir les troupes de leur pays. Olivier Py l’a souvent rappelé : ce festival se veut international, avec quelque vint-cinq spectacles en langue étrangère et donc un surtitrage obligatoire…

Côté curiosité, le public du in composé en majorité d’intellectuels et d’enseignants en activité ou retraités, n’a pas du tout rajeuni, semble assez satisfait, même s’il est parfois étonné qu’aucun classique français n’ait été programmé… Nous vous avons rendu compte de la majorité des spectacles. Et, comme le dit Elisabeth Naud, il y a eu quelques excellentes choses, comme entre autres; Saïgon de Caroline Guiela Nguyen, l’adaptation de pièces d’Ibsen par Simon Stone  ou Standing in time, un spectacle maori…

Mais bon, malgré un niveau artistique indéniable, le festival garde un côté bcbg,  avec en priorité, des spectacles d’une très bonne qualité technique mais souvent longs et assez conventionnels, malgré une apparence de modernité: la vidéo continue à sévir, comme dans Monsieur Molière de Frank Castorf… La plupart sont de toute façon de marque internationale et ont fait, ou iront faire les beaux jours d’autres grand théâtres nationaux et/ou de festivals. Et il y a comme une bizarre obligation : une vedette française dans la Cour d’Honneur, avec cette année, Juliette Binoche… Mais pourquoi  Olivier Py commande-t-il si peu de créations aux Centres Dramatiques Nationaux ?

Autre question: la plupart des spectacles sont vraiment chers donc pratiquement interdits aux gens qui ont peu de moyens et en particulier aux jeunes que l’on voit très peu dans le in. Là, il y a  vraiment quelque chose qui ne va pas!  Et de plus, si on peut à la rigueur aller à pied sous le soleil à la FabricA mais la navette à 4,50 € est obligatoire pour, entre autres, le Parc des expositions! Malgré les légers efforts de politique tarifaire sous le règne d’Olivier Py, entre le TGV obligatoire ou un covoiturage, le logement et l’entrée aux spectacles, s’offrir quelques jours en Avignon reste souvent un rêve inaccessible pour beaucoup…

Et pourquoi n’y-a-t-il jamais au moins la création d’un grand spectacle vraiment populaire-théâtre comédie musicale,etc. dans la Grande Cour pour une durée de cinq jours minimum ? Cela serait sans doute courageux  et changerait! Au lieu de programmer chaque année sans grand risque et en priorité, des créations souvent formatées comme cette année une Antigone japonaise à la Cour d’Honneur, ou les spectacles de metteurs en scène étrangers reconnus…

Le festival a du s’adapter à la menace terroriste et multiplier les contrôles et fouilles mais les files d’attente sont souvent interminables à l’entrée des salles… et des toilettes. Cette année, la logistique avait du mal à suivre. Emmanuel Macron n’a visiblement pas eu trop envie de venir et Françoise Nyssen, nouvelle ministre de la Culture,  est arrivée juste à temps pour essayer d’éteindre l’incendie ! En effet, au moment, où le Ministère annonçait une restriction de ses subventions-environ 50 millions d’euros!-Régine Hatchondo, la directrice  générale de la création artistique, sans doute pour fêter à sa manière le 14 juillet, s’en prenait en effet sans état d’âme aux directeurs des Centres Dramatiques Nationaux: «Quand vous me parlez d’argent, vous me faites pas rêver… Heureusement que j’ai autre chose que vous dans ma vie.» (…) «Votre modèle économique est à bout de souffle.» (…) «Et puis il va falloir quand même penser à faire tomber le mur de Berlin entre vous et le théâtre privé». Quelle grande élégance, surtout quand on est un des principaux personnages du Ministère, donc soumis à une obligation de réserve… Du jamais vu!Enfin si la dame, ci-devant administratrice du Théâtre National de Chaillot avait voulu supprimer d’un trait de plume, sans l’avis du Ministère et surtout aucune concertation avec l’équipe pédagogique, l’Ecole de ce Théâtre, voulue et programmée par son directeur Jérôme Savary: elle en trouvait le budget trop élevé… budget qu’elle avait elle-même accepté deux ans auparavant ! Même vulgarité et même mépris qu’en Avignon, il y a deux semaines. Vous avez dit, gribouille? Gouverner, c’est prévoir… En tout cas, devant la protestation de très nombreux professionnels, la dame avait déjà du courageusement reculer… Et ici, rebelote: à cause de la colère grandissante des directeurs de Centres Dramatiques Nationaux à qui on demande de faire toujours plus, avec le moins possible d’argent, et sans doute aussi sur ordre de sa Ministre, elle a dû rétropédaler vite fait et présenter piteusement ses excuses ! Trop tard, le mal était fait!

Et Françoise Nyssen a dû naviguer serré pour rattraper la belle connerie de la dame, surtout en plein festival d’Avignon, lieu emblématique de la vie théâtrale française: «Ce n’était pas du tout dans l’esprit de ce que je souhaitais mettre en place, puisque j’avais rencontré les mêmes personnes trois jours avant» (…) «Donc à aucun moment, ceci n’est remis en question, au contraire. J’entends ce sentiment d’incompréhension et j’en suis désolée.» Ou comment rattraper cette énorme bourde de quelqu’un qui connaît visiblement mal un milieu souvent peu solidaire, mais toujours prêt à monter au créneau! Et Françoise Nyssen a diplomatiquement remercié les responsables de ces structures pour leur travail d’éducation et d’enseignement artistique qui est pourtant, que l’on sache, un service public, ce à quoi la pauvre Régine Hatchondo semble assez peu sensible, comme on le savait depuis son passage à Chaillot !

Donc la méfiance reste d’actualité : on sait que le Ministère prépare souvent des coups tordus pendant l’été. Et si Madame Hatchondo venait par hasard au festival d’Aurillac, l’accueil risquerait d’être assez frais chez les professionnels du théâtre de rue, eux aussi concernés par cette déclaration, venant d’une directrice de Ministère donc au service de la collectivité et censée en comprendre les demandes… Serait-ce trop lui demander un peu plus de respect envers le travail théâtral?

Du côté du off, depuis quelques années, le paysage s’est radicalement transformé et la programmation s’est mieux structurée. Le festival bénéficie d’un service de presse exemplaire et comparable à celui du in, lui aussi d’une singulière efficacité. Et comme toute l’équipe du Théâtre du Blog l’a remarqué, que cela soit en théâtre, en danse, cirque, etc. la qualité des spectacles-comme des lieux-est souvent des plus remarquables. Avec notamment,  des pièces appartenant à des centres dramatiques comme entre autres,  le Nest de Thionville qui n’a pas hésité pas à venir jouer dans l’ex-Flunch, une nouvelle salle bien équipée, Le 11 Gilgamesh  boulevard Raspail. Il y a aussi Artephile, un bon petit théâtre, rue du Bourg Neuf, le Théâtre des Halles, La Manufacture, Le Théâtre du Balcon, La Chapelle du Verbe Incarné, Le Petit Louvre, etc. Bref, il y a maintenant,  et encore plus en 2017, un in du off (voir Le Théâtre du Blog) de grande qualité. Et on n’imagine guère le festival sans la programmation du off. Que ce soit en théâtre mais aussi en danse où Jean Couturier a noté « une tendance à une nudité théâtralisée, comme  pour Bêtes de scène d’Emma Dante,dans le in. Et avec Néant de Dave St-Pierre et Le Récital des postures de Yasmine Hugonnet dans le off.  On a aussi pu ydécouvrir deux chorégraphes:  Hsiao-Tzu-Tien avec  The Hole  et Edouard Hue pour Meet me Halfway. Bref, depuis trente ans, les lignes ont singulièrement bougé et surtout, disons ces cinq dernières années; en tout cas, plus personne n’oserait remettre en cause cet ensemble de spectacles, même s’il est souvent difficile de s’y repérer: pour le public… comme pour les critiques.

« Comme chaque année, le festival a connu son lot de polémiques, dit Mireille Davidovici.  Moi, la mort, je l’aime comme vous aimez la vie de Mohamed Kacimi a eu les honneurs la presse culturelle, sans que grand monde l’ai lue ni vue. Jusqu’à la ministre de la Culture israélienne, Miri Eegey, membre du Likoud, connue pour son hostilité au milieu artistique israélien et pour sa haine des théâtres palestiniens qui a écrit à notre Ministre de la Culture,  pour lui demander l’interdiction de la pièce! » “La polémique soulevée par la programmation de ma pièce dépasse l’entendement, dit Mohammed Kacimi. Elle retrace les dernières heures de Mohamed Merah, ce jeune islamiste Franco-Algérien qui à Toulouse, tua sept personnes dont trois enfants en mars 2012 et s’est jouée six jours. Un seul journaliste,  de France Info l’a vue. Il a fait un très bon papier  sur le site de France Télévision. Ce qui a mis le feu aux poudres.  Mon texte reprend ni plus ni moins les derniers échanges entre le tueur et la police, avant qu’il ne soit abattu, et qui furent publiés dans Libération. Selon Pascal Keiser, directeur de la Manufacture, où s’est jouée la pièce, cette polémique «a  été  construite par Meyer Habib, un député représentant les Français de l’étranger, appartenant en France à l’U.D.I., un centriste donc, mais à double nationalité (franco-israélienne) proche, en Israël de l’extrême-droite, du Likhoud et de Netanyahou.» Elle n’émane donc pas directement du collectif d’avocats des familles des victimes ni d’associations juives en France, telle que la LICRA.

André Marcowicz , traducteur et écrivain, lui,  a pris la peine de lire  la pièce: « Le portrait d’un homme -un être humain-, ce qui le rend d’autant plus monstrueux. Monstrueux, répugnant et pathétique-un homme qui n’arrête pas de flotter dans sa vie, dans ses idées (si l’on peut appeler ça des  » idées « ), un homme qui passe sa vie à jouer à des jeux vidéos de massacres (il est très bon là-dedans) et qui ne fait aucune différence entre les cibles qu’il dézingue sur l’écran et celles qu’il fait dans la vraie vie (…) et c’est d’autant plus stupéfiant quand il refuse de dire qu’il a tué des enfants dans une école : non, il n’a pas tué des enfants, il a frappé « des cibles « . C’était un homme d’une bêtise et d’une brutalité primales, primaires, absolues. Un monument de crétinerie. Mais il était un homme. Je veux dire qu’il n’était pas un monstre, et c’est justement ça qui le rend si terrible. Ce n’était pas, je ne sais pas, un malade mental. »  

Même si la location des salles par les troupes est obligatoire-impossible pour les débutants (environ 6.000 € minimum le mois!), le off a donc acquis des parts de marché de plus en plus importantes. Prix des places très raisonnables, salles confortables et situées en plein centre, grande qualité des textes, souvent étrangers mais aussi des mises en scène de spectacles qui ne durent pas cinq heures, acteurs connus, longue durée d’exploitation, catalogue lourd à porter mais d’une extrême précision, accueil professionnel, diversité et ponctualité des horaires, attente très limitée, possibilité de réservations… Rien à voir avec les tout débuts du off  que nous avons connu il y  a cinquante ans, et méprisé par les professionnels du in qui ne daignaient même pas s’y risquer….Une piste de réflexion pour Olivier Py et son équipe?

Mais nous signalait Julien Barsan, comme si l’un ne pouvait exister sans l’autre, curieusement la fin du festival dans le in et le off qui coïncide à quelques jours près, a semblé rassembler nettement moins de public. Et les faits sont têtus: il y a une hémorragie de jeunes spectateurs dans le in mais pas dans le off, au contraire. Cela dit, peut-on imaginer un off sans le in? Sans doute pas..Bref, rien n’est simple. En tout cas, il y a urgence, nous semble-t-il, et l’édition 2018, sans doute déjà dans les cartons mais Olivier Py devra faire preuve de plus d’imagination. Le modèle 2017, copié-collé des précédentes années, même bien construit, a quelque chose de décevant et malheureusement d’élitaire …

Philippe du Vignal et l’équipe du Théâtre du Blog

Le Festival d’Avignon in et off  a eu lieu du 6 au 26 juillet et jusqu’à la fin du mois pour certains spectacles du off.

Moi, la mort je l’aime comme vous aimez la vie est publiée à L’Avant-Scène. Le spectacle sera repris en décembre prochain au Centre Dramatique National de Normandie, à Rouen. 

 


Archive pour juillet, 2017

Y a de la joie ! mise en scène de Didier Perrier

 

Festival d’Avignon

Y a de la joie ! mise en scène de Didier Perrier

ya_dla_joie1 La compagnie picarde de l’Échappée continue le questionnement sur le bonheur entamé avec Haute Autriche en 2013. Accueillis personnellement par un des comédiens,  nous prenons place dans un cabaret foutraque avec adresse permanente au public, et un montage de textes et chansons de Joël Pommerat, Denise Bonal, Guy Debord, Hanock Levin, Christian Rullier, Lydie Salvayre… …

Le bonheur est ici abordé comme une quête, quelque chose de difficile à obtenir, une projection dans l’avenir. Ici donc, pas de naïveté ni béatitude-certains textes montrent même un certain désespoir- preuve que cela se travaille ! Pour Didier Perrier, « Selon Kant (on se documente…), le bonheur ne peut pas être défini : nous ne pouvons dire avec certitude, ce qui nous rendra heureux car il nous faudrait une connaissance absolue de nous-mêmes et du monde. Le bonheur n’est pas un idéal de la raison, mais un idéal de l’imagination. »

Dans un décor de salon cosy, avec  pelouse synthétique et multitude de lampes, Chantal Laxenaire promène sa guitare électrique et sa boîte à rythmes, ce qui colore bien le spectacle. Il y a un bon équilibre entre chansons et textes et la mise en scène est bien travaillée… Dominique Bouché surgit du public au début, ce qui donnera le ton au spectacle, et qui entretient une vraie/fausse interactivité avec la salle.

Thibaut Mahiet et Laurent Nouzille sont énergiques et chacun pousse la chansonnette à un moment ou à un autre. Mais la fin du festival d’Avignon semble difficile cette année-la ville s’est presque vidée-et il y avait juste une petite dizaine de spectateurs dans la salle : ce qui n’a pas permis au spectacle de prendre son ampleur et de jouer vraiment l’interaction avec le public.

Julien Barsan.

 Spectacle vu à L’Espace Alya, Avignon.

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J’ai bien fait ? texte et mise en scène de Pauline Sales

Tristan Jeanne-Vallès

Tristan Jeanne-Vallès

 

Festival d’Avignon

J’ai bien fait ? texte et mise en scène de Pauline Sales

 Le Préau, centre Dramatique National de Vire en Normandie pose ses valises à Avignon avec Tout Entière et ce J’ai bien fait ? au 11 Gilgamesh Belleville, un des lieux les plus en pointe cette année. A Vire depuis 2009, Pauline Sales et Vincent Garanger ont signé de belles  créations remarquées, comme En Travaux, Occupe-toi du bébé, Docteur Camiski ou l’esprit du sexe, Le Monstre du couloir ou Sur la page Wikipedia de Michel Drucker… (voir Le Théâtre du Blog).

Ici, on découvre Valentine, une prof, la quarantaine avec deux enfants déjà grands, un mari souvent absent et un frère artiste avec lequel elle s’est fâchée. Un soir, elle fait irruption chez lui, tient des propos incohérents, et laisse croire qu’elle est en voyage scolaire avec sa classe.  Puis arrive un drôle de personnage, Manhattan, une ancienne élève de la professeur, peu diserte, qui fait le ménage chez le frère de Valentine qui est confrontée à son métier, à son passé, à sa responsabilité. Complètement submergée par le monde et par sa vie qu’elle croyait pourtant sur des rails.

Où sont les élèves ? Pourquoi Valentine pose autant de questions sur la cave ? Quelle est la nature exacte de la relation entre Manhattan et le frère de Valentine ? Pauline Sales explique ainsi le titre de sa pièce : « Le point de départ est le souci pour chacun des personnages à des endroits très différents de faire au mieux, de faire du mieux qu’on peut, ce qui empêche ou n’empêche pas des catastrophes en tout genre, des petites et des grandes, et quelques victoires. »

Dans son désir de « faire un théâtre qui parle d’aujourd’hui à des gens d’aujourd’hui », Pauline Sales nous propose une Valentine comme vous et moi, mais qui finit par dérailler complètement. Hélène Viviès semble à fleur de peau et donne une vraie profondeur à cette professeure en jupe en laine et bien sous tous rapports,.

Anthony Poupard joue le frère artiste, très charismatique, qui, lui se pose bien moins de questions. Olivia Chatain, en femme-enfant, campe une Manhattan surprenante et parfaite. Ces trois acteurs permanents du Préau sont rejoints par Gauthier Baillot, en scientifique lunaire qui a besoin de se réfugier dans la recherche, quand la réalité personnelle ou familiale est trop compliquée.

La scénographie de Marc Lainé et Stephan Zimmerli, très habile, est fondée sur une  grand nombre de traversins, objets de la création du frère artiste avec des volumes sur lesquels joue la lumière. Coup double pour Pauline Sales dont l’écriture est proche de nous, quasi quotidienne, et drôle.Et de bons comédiens servent une mise en scène très claire, la seconde après En Travaux, ! Une joie de théâtre !

 Julien Barsan

Spectacle joué au 11 Gilgamesh Belleville, boulevard Raspail, Avignon jusqu’au 26 juillet.

Le Préau de Vire du 28 septembre au 14 octobre .T. :02 31 66 16 00.

Du 17 au 20 octobre au Théâtre de Dijon Bourgogne Centre Dramatique National T. :03 80 30 12 12.

Le 17 Novembre au Théâtre de Coutances T.: 02 33 76 78 68.

Les 14 et 15 novembre au Théâtre L’Éphémère du Mans T. : 02 43 43 89 89.

Les 13 et 14 décembre à la Comédie de Saint Étienne T. : 04 77 25 14 14.

 

Sévigné épistolière du Grand Siècle

Sévigné épistolière du Grand Siècle, au château de Grignan, commissaire de l’exposition : Chrystelle Burgard, scénographie de Jérôme Dumoux

 

"La marquise de Sévigné" de Claude Lefèbvre, tableau prêté par le musée parisien Carnavalet au château de Grignan.

« La marquise de Sévigné » de Claude Lefèbvre, tableau prêté par le musée parisien Carnavalet au château de Grignan.

Visiterions-nous ce château, y verrions-nous du théâtre, l’été, si la marquise de Sévigné n’y avait séjourné  et si la collégiale Saint-Sauveur, adjacente, n’y accueillit sa sépulture, en 1696, à son décès survenu lors de son quatrième voyage? Pourtant la demeure est indissociable de la fameuse épistolière depuis qu’elle connut, sans la chercher, une gloire posthume. On la célèbre ici tous les ans avec un festival de la Correspondance.

Comment le mythe sévignéen  s’est-il forgé? Quel rapport entre la mondaine parisienne et la demeure de son gendre, le comte François de Castellane-Adhémar de Monteil de Grignan (famille qui donna son nom à la ville de Montélimar) ? Elle y a pourtant passé peu de temps mais c’est là qu’ont été expédiées la plupart des 674 lettres à sa «bien-aimée» fille, qui suivit son mari en Provence, en 1671.

 L’exposition Sévigné épistolière du Grand Siècle retrace un parcours chronologique de la vie de la Marquise, via les demeures qu’elle a habitées -notamment à  Paris, et en Bretagne-, ses voyages, sa famille et ses fréquentations. Parcours illustré par de nombreux documents, et ponctué par des citations et des lettres dont les étapes se retrouvent dans un catalogue exhaustif, réalisé par des spécialistes.

 La Provence qu’elle considère d’abord comme un lieu inquiétant qui lui a «volé» sa fille, deviendra, au fil de ses quelques séjours, un endroit familier où elle a ses appartements et surtout,  à raison de deux ou trois lettres par semaine, l’occasion d’ «une conversation en absence» portant sur l’histoire familiale et les événements de son temps. Une mine pour les historiens, un plaisir pour les lecteurs.

 La scénographie met en scène une abondance d’éléments, en les superposant, selon la mode du XVII ème siècle : portraits de familles, gravures, miroirs,  mais aussi objets de la vie quotidienne au château comme vaisselle, chaussures, meubles… Parmi eux, une petite pharmacie de secours ou des instruments de chirurgie.

Cette accumulation nous restitue une époque mais il serait vain de vouloir tout explorer en une seule visite. A chacun de faire son choix. De nombreuses gravures montrent le château à diverses époques, depuis sa fondation au Moyen-Âge, jusqu’au au temps de sa magnificence : « une belle vue… un bel air » ou même « une ville », une « république », selon la marquise. Puis en ruines après la Révolution, avant sa restauration au début du XXème siècle.

On apprend que Grignan devint un lieu de pèlerinage romantique, dès les années 1770, d’abord pour les Anglais. Un touriste suisse témoigne, en 1787 : « Tous ceux qui ne sont pas étrangers à la littérature Françoise, doivent connaître le château de Grignan par les lettres de Madame de Sévigné […] La bise souffle là avec une telle violence qu’elle enlève le gravier de la terrasse et le lance jusqu’au second étage avec assez de violence pour casser le vitres. On comprend donc que Madame de Sévigné pouvait plaindre se fille d’être exposée aux bises de Grignan.»

 L’exposition s’ouvre sur un majestueux portrait de 1665, signé Claude Lefèvre. Bien en chair, sobrement vêtue, l’œil malicieux, Marie, née Rabutin-Chantal, a la trentaine épanouie. Veuve depuis 1651, elle peut donc vivre librement, voyager à loisir, et fréquenter artistes et milieux littéraires, comme Madame de Lafayette et Mademoiselle de Scudéry dont on voit la Carte du Tendre.

La visite se clôt sur l’épopée que fut la diffusion posthume de sa correspondance grâce à son cousin Roger de Bussy-Rabutin et  à sa petite-fille Pauline de Simiane qui censura certaines missives.

 Si Lorenzzacio, qui se joue dans la cour du château (voir Le Théâtre du Blog) vous mène jusqu’à Grignan, ne manquez pas cette exposition : elle  nous plonge en images au cœur d’une époque, d’une région, et dans  la vie intime et littéraire d’une femme qui, sans le chercher, passa à la postérité, et fit de ce petit bourg drômois un lieu de pèlerinage et de mémoire.

 Mireille Davidovici

 Château de Grignan, (Drôme) tous les jours jusqu’au 22 octobre. T.04 75 91 83 50

 Le catalogue est publié aux Éditions Libel à Lyon

Is there life on mars d’Héloïse Meire

©Hubert Amiel

©Hubert Amiel

Is there life on mars d’Héloïse Meire

 

Le théâtre des Doms devenu le lieu de la création belge en Avignon, avec des spectacles sont souvent originaux et bien conçus. Comme celui-ci, créé par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Sur le plateau, quatre petites tables avec un micro, et deux hommes et deux femmes. Casque aux oreilles, ils commencent le spectacle, en répondant à la question posée aux spectateurs dans la file d’attente :  Qu’est-ce que l’autisme vous évoque» ?

Derrière eux, un mur avec  des carrés et rectangles que l’on verra s’ouvrir, s’éclairer, mais aussi montrer, cacher pendant tout le spectacle. Suivent de nombreux témoignages de parents ou d‘autistes eux-mêmes. Les comédiens ne quitteront pas leur casque, retransmettant les paroles enregistrées.

On découvre d’abord un couple de parents qui relate la gêne d’un médecin et sa difficulté à poser un diagnostic et qui raconte son soulagement, quand  eux-mêmes prononcent le mot « autisme ». On apprend de la bouche de Joseph, un autiste de trente-quatre ans qu’il y a plusieurs formes de cette maladie. Il nous parle de la petite comédie sociale qu’il doit jouer pour être dans les conventions des gens «normaux» : acquiescer de temps en temps, regarder la personne qui parle …. Il nous explique aussi le principe de la synesthésie, commun à certains autistes, qui consiste à associer deux sens : les lettres ont une couleur, un son. Joseph tente de nous faire vivre son monde, son ressenti, cette impression de cacophonie permanente et illustrée concrètement sur scène, quand le mur laisse apparaître des bruits de chantier et d’ alarmes, et des perturbations lumineuses  suffisantes à rendre fou. François Regout qui incarne Joseph fait entendre une toute petite voix aigüe, mais sans moquerie, et avec un grand talent : c’est à la fois très juste et émouvant.

 Les comédiens essayent au maximum de nous faire ressentir ce que vivent les personnes atteintes d’autisme. Ce neuro-atypisme est plus à considérer comme un handicap, plutôt qu’une différence dans la manière de penser et de percevoir le monde qui nous entoure. L’autisme ne « s’attrape » pas et ne se « guérit » pas. De la même façon qu’une personne née aveugle n’est pas « malade de la vue », mais aveugle…
Ici, aucun apitoiement ni angélisme, mais un voyage vers une terre inconnue pour beaucoup d’entre nous… Muriel Clairembourg, Léonore Frenois, Jean-Michel d’Hoop et François Regout proposent un spectacle poétique, aux confins d’un certain surréalisme, avec des images dans des niches du décor, ou avec le travail d’un jeune autiste qui dessine des réseaux imaginaires de transports en commun…

Un spectacle nourri par des lumières et de nombreuses images qui apparaissent entre les scènes. Et par un son très recherché alternant ambiances sonores et musique pure, comme le suggère le titre. Un très beau travail d’ensemble mené par Héloïse Meire, et un voyage superbe sur une autre planète que les outils du théâtre et de l’imaginaire servent avec talent et humilité.

 Julien Barsan.

 Le spectacle a été joué au Théâtre des Doms, Avignon, jusqu’au 26 juillet.

 

 

Et dans le trou de mon cœur, le monde entier, de Stanislas Cotton

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Festival d’Avignon

Et dans le trou de mon cœur, le monde entier, de Stanislas Cotton, mise en scène de Bruno Bonjean

 Dès l’entrée du public, une musique de plus en plus dense envahit le plateau. Quelques feuilles jonchent le sol. Atmosphère métallique et pesante. Des jeunes gens d’une vingtaine d’années, dans des tenues décalées et décontractées, très colorées, ont pris place sur un échafaudage… Scénographie qui a ici une importance symbolique: les personnages sont avant tout dans un espace mental. Les hauts et les bas, les angoisses et l’euphorie !  Avec des noms évocateurs et plein de fantaisie : Dulcinée Pimpon, Minou Smash, Bouli Topla…

A sept, ils vont, seuls, en duo ou tous ensemble nous faire entrer dans leur univers sans concession empreint d’idéal et d’humour. Avec quelques beaux moments chorégraphiés. Sur une  musique à la fois gaie et sombre qui, importante dans la dramaturgie-guitare électrique, compositions électro, et mélodies plurielles-raconte «ce que l’acteur dit dans sa gestuelle, son regard, le timbre de sa voix. »

Dorothy Ploum et Mina Smash, s’avancent vers le bord de scène : « Je pourrais être devant le Burger Palace, la mairie ou l’église, Je dirais tout pareil  dit Dorothy à sa copine Minou. » Sommes-nous en pleine guerre ?   »Moi J’espère qu’on ne va pas mobiliser ceux qui restent.
 On veut des mecs pour nos samedis soirs.
 En tout cas, tu verras quand ce sera fini.
 Quand les soldats rentreront, les soirées vont être hyper-chaudes. En attendant 
Ben en attendant On attend.  » Ou au cours d’un procès ? : « Non-combattante, dit Lila Louise Guili, civile redevenue. Je retourne dans la vie. 
Parce que je suis seule. Parce qu’Angéline est en prison. Elle a bien toute sa tête, Elle. Mais le jour,  j’ai d’autres yeux Des yeux remplis de là-bas. »  Engagée volontaire dans l’armée, elle a commis l’irréparable et sera détruite par ce traumatisme comme son entourage, (les autres personnages de la pièce), il y a un avant et après.  Quand viendra la paix sur cette terre. Quand la justice sera enfin rendue et règnera pour tous.  Mais aussi, quand avoir du travail ne sera plus une  angoisse.

  Pour Minou Smash : « Ce n’est pas tout ça. 
Mais mon rendez-vous à l’agence, c’est maintenant.
 Je devrais peut-être dire nous.
On est deux. Le fantôme et moi. 
Je me demande ce qu’elle nous a trouvé la bonne femme. (…)
 Elle nous attend.
Ce serait trop bête d’arriver en retard, alors qu’on va peut-être enfin trouver du travail.»  Dans cette pièce, pas de temporalité précise, ni de lieux bien identifiables  ni de situation dramatique nettement définie.

« Il est où ce train, Merde » ! Ils attendent en effet un train à la destination inconnue, métaphore de la vie de cette jeunesse, pleine d’espoirs, de rêves mais aussi d’incertitudes et de désillusions. Une attente fort agitée dans tous les sens du terme : tensions dramatiques, à la fois oniriques et violentes, rythme et  construction fragmentés,  langage imagé parfois lapidaire. Tout cela -et pour notre plus grand plaisir-interprété à vive allure, avec une gestuelle très étudiée et des moments dansés. Un spectacle qui semble se passer à l’instant même : une  impression rare au théâtre.

 « Je veux que ça gratte, que ça chatouille, dit Stanislas Cotton pour qui le théâtre doit apporter du rêve, des rires, des larmes, je veux que ça fasse mal. Et puis, je veux une langue. Une manière de dire, du rythme, des sons, des surprises ». Les comédiens ont ici une énergie et une belle sincérité, même si, parfois trop emportés par cette dynamique, ils ont tendance à jouer trop « perso ».
 

Mais on finit par s’attacher à ce groupe et à ces personnalités émouvantes que sont ces jeunes d’aujourd’hui dans le monde occidental d’aujourd’hui. Ce que voulait Bruno Bonjean, avec ce texte commandé à Stanislas Cotton.
La scénographie, avec peu de moyens, sait rendre palpable, et de manière poétique, la dimension organique et sensuelle de cet univers violent et tendre à la fois

Elisabeth Naud

11. Gilgamesh Belleville boulevard Raspail, Avignon jusqu’au 28 juillet.

 

 

 

A quand la mer ? texte et mise en scène de Manuel Durand

Festival d’Avignon

A quand la mer ? texte et mise en scène  de Manuel Durand

©Philippe Castilla

©Philippe Castilla

 Un spectacle de plus sur le thème de la famille et des souvenirs de jeunesse ? Ce que l’on pourrait se dire un peu vite en survolant le résumé d’ A quand la mer. Mais à la différence de Flore Lefebvre des Noëttes, passée maître dans l’autofiction (voir La Mate et Juliette et les années 70 dans  Le Théâtre du Blog), le texte comporte ici des passages où la réalité est malmenée, théâtre de l’espace intérieur des personnages.

Soit dans une famille recomposée, une mère, un beau-père, deux filles et un garçon, narrateur principal qui commence par se demander si deux demi-sœurs en valent une « entière » ! Le fils a été nommé Odysseas, souvenir de l’amour de la mère pour la Grèce. Une des sœurs se prénomme Nana, en hommage à Nana Mouskouri ! On voit d’ailleurs la chanteuse grecque traverser le plateau et s’adresser à la mère.

La famille part en vacances et on assiste aux chamailleries habituelles entre frères et sœurs. Le père/beau-père fait de son mieux, la mère bascule peu à peu vers une certaine folie et les enfants peinent à comprendre et à se dire les choses. Le père d’Odysseas, l’ex-mari, fait son apparition, avec un masque couleur chair qui lui donne un air de cow-boy fantomatique inquiétant. Réel et rêves se mélangent allègrement.

«Dans cette atmosphère que l’on voudrait légère comme un départ à la mer, dit Manuel Durand, dans ce joli capharnaüm des émotions, les incompréhensions persistent. Chacun tire la ficelle censée dénouer ce mal à dire, mais la pelote n’est plus qu’un gros nœud serré. (…) Ici la fiction interroge la réalité pour mieux souligner nos fragilités, la violence de nos émotions, la peur de la dépossession de soi et celle du temps qui passe. »

Avec quelques éléments d’époque, perruques, costumes et vieux canapé, Manuel Durand nous embarque dans une comédie douce-amère,  où cette famille qui n’a rien d’extraordinaire pourrait être la nôtre. Stéphane Aubry, d’une voix douce, incarne un jeune homme désemparé et rempli de questionnements. Si vous avez aimé Émilie Cazenave en Nana Mouskouri évanescente, vous l’adorerez en hôtesse de l’air québécoise et narcoleptique. Le couple est incarné par Manuel Durand et Flore Grimaud, en mère qui s’abandonne peu à peu à la folie. Signalons aussi la belle énergie de Lucie Brunet qu’on a connu dans un télé-crochet à succès, belle reconversion !

Une belle proposition qui mêle tendresse et cruauté, avec une écriture riche,  digne d’être jouée.

Julien Barsan

Ninon Théâtre jusqu’au 30 juillet T. : 04 84 51 05 22

https://www.theatre-video.net/video/A-quand-la-mer-de-Manuel-Durand-Extraits

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Anima, hommage à Jean Cocteau, chorégraphie et interprétation de Magali Lesueur

 

 

Festival d’Avignon

 

©Jean Couturier

©Jean Couturier

Anima, hommage à Jean Cocteau, chorégraphie et interprétation de Magali Lesueur

 

L’argument de Parade de Jean Cocteau, sur une musique d’Erik Satie et avec des costumes de Pablo Picasso, fut créé par les Ballets Russes au Théâtre du Châtelet, le 18 mai 1917. Cent ans plus tard, la  jeune danseuse a eu l’idée de bâtir une chorégraphie, à partir des textes de Jean Cocteau, et de la fresque de la salle des mariages qu’il réalisa à la mairie de Menton.

Soutenu financièrement par Carole Weisweiller qui a vécu auprès de Jean Cocteau avec sa mère, Francine Weisweiller, le spectacle voit d’abord le jour au théâtre du Lucernaire l’an passé. Avec des textes dits en voix off par Isabelle Carré. Puis Magali Lesueur joue ici durant trois semaines,  le texte de cet écrivain un peu oublié aujourd’hui. Il fallait donc trouver des moyens de communication efficaces comme une parade sur l’esplanade du Palais des Papes ou sur les trottoirs de la ville.

Dans cette salle de cinquante places, Magali Lesueur, en ombre chinoise ou vêtue d’un tulle blanc-on pense un peu à une chorégraphie de Martha Graham-donne corps aux mots de Jean Cocteau : elle évolue devant ses dessins qui apparaissent de temps en temps… Quarante minutes de poésie à découvrir, en mémoire de cet artiste mal aimé par l’Histoire.

 Jean Couturier

 Albatros Théâtre 29 rue des Teinturiers, Avignon jusqu’au 30 juillet. www.cieml.com

Vaille que Vivre avec Juliette Binoche et Alexandre Tharaud

Festival d’Avignon

Vaille que Vivre avec Juliette Binoche et Alexandre Tharaud

© Gilles Vidal

© Gilles Vidal

Ce spectacle, né de la passion de ces artistes pour Barbara, permet au public de redécouvrir ses chansons, entrecoupées de  textes tirés de son autobiographie Il était un piano noir … Mémoires interrompus.

Alexandre Tharaud apparaît seul dans un rayon de lumière,  auprès d’un piano à queue couvert de tissu noir, comme emprisonnant la mémoire de la chanteuse. Une fois l’étoffe retirée, le célèbre pianiste joue d’abord sur un mini-piano, puis avec Juliette Binoche, suit un dialogue, entrecoupé des musiques de Barbara au piano, et de quelques-unes de ses chansons, reprises par l’un ou par l’autre. La comédienne très chic,  toute en noir, semble parfois fragile lors de la première de cette création très attendue. Mais moins à l’aise que le pianiste dans cet exercice de style particulier.

La personnalité solitaire de la chanteuse se dévoile : «J’ai toujours préféré la solitude seule… Je ne sais pas dire, je t’aime.» Ses douleurs et fractures ont donné naissance à une œuvre ancrée dans la mémoire du public, qui reprenait a cappella les chansons de ses derniers et  mythiques concerts, au Châtelet en 1987 et à Mogador en 1990. Cette passion du public a été récompensée par Barbara elle-même,  lorsqu’elle lui dédia en 1966 Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous.

Alexandre Tharaud  joue une variation autour de cette chanson, après la reprise des paroles par Juliette Binoche avec une grande émotion. «Ce fut, un soir, en septembre, vous étiez venus m’attendre, Ici même, vous en souvenez-vous? A vous regarder sourire, à vous aimer, sans rien dire. C’est là que j’ai compris, tout à coup. J’avais fini mon voyage, et j’ai posé mes bagages. Vous étiez venus au rendez-vous. Qu’importe ce qu’on peut en dire, je tenais à vous le dire. Ce soir, je vous remercie de vous. Qu’importe ce qu’on peut en dire, je suis venue pour vous dire. Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous».

Une belle et douce soirée dans la nuit d’Avignon, comme seul ce festival peut en créer.

Jean Couturier

Cour du lycée Saint-Joseph jusqu’au 26 juillet, puis en tournée en France
Le 15 octobre à la Philharmonie de Paris.

Puis en Espagne, en Suisse et en Roumanie.

Festival-avignon.com

Cette autobiographie romancée est parue aux éditions Fayard et dans la collection Livres de poche.

La Fiesta, conception, direction artistique et chorégraphie d’Israel Galvan.

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon

La Fiesta, conception, direction artistique et chorégraphie d’Israel Galvan

Israel Galvan a conçu une fête atypique et débridée pour cette Cour d’Honneur mythique où il essaye d’apprivoiser le public et de le faire entrer dans sa folie, en déconstruisant un spectacle, attendu comme une performance et qui devient un joyeux bazar sans codes. Une folie dont nous avions assisté aux prémices à l’Espace Cardin, avec Fla.co.men, spectacle qu’il avait créé il y plus d’un an au Théâtre de la Ville mais qu’il avait dû interrompre à cause d’une blessure au genou qui l’a tenu éloigné des plateaux plusieurs mois.

Son flamenco, si on peut l’appeler ainsi  (il dit l’avoir appris dans les fiestas et tablao), se nourrit ici de l’invention de ses musiciens, chanteurs et danseurs.  On avait vu à la carrière Boulbon en 2009  El Final de este estado de cosas, d’après l’Apocalypse de Jean. L’énergie intense enfermée dans le corps de ce danseur se libère en gestes précis, cassants et brutaux. Il se cambre, donne à ses mouvements des angles impossibles, répond constamment à ses musiciens, qu’il défie à sa manière.

 De ce corps, chaque membre jouant une partition spécifique: ses dents, ses doigts, son torse, son ventre et… ses  pieds bien sûr. Il peut évoluer sur n’importe quel support, comme il le prouve ce soir-là, en faisant résonner les murs de la  Cour que ses partenaires ont investi. il descend depuis les gradins et fait irruption sur la scène, puis danse une dizaine de minutes au sol, tandis que les musiciens, chanteurs et danseurs donnent libre cours à toutes les excentricités.

Chacun semble vouloir changer de rôle. «Je ne suis ni un esprit rebelle, ni un génie, dit-il, et je ne suis pas encore désabusé. Je suis seulement un danseur de flamenco libre».  Une soirée de liberté parfois hystérique et trop longue pour certains qui, agacés, ont manifesté avec bruit leur mécontentement..

Un chœur d’hommes, installé au milieu du  public, entonne des chants byzantins, en contrepoint des lieders d’une soliste et d’autres chanteurs, tandis qu’Israel Galvan les accompagne, en perpétuel décalage. Des chaises délimitent l’espace de jeu et plusieurs estrades, montées sur ressorts,  servent à déstabiliser la danse. Pendant près d’une heure dix, cette association de «pirates» de la Cour d’honneur crée une atmosphère de fin de banquet. Et les vingt dernières minutes où Israel Galvan retrouve son rôle de performeur et de  destructeur de flamenco, font fuir certains spectateurs, dégoûtés de cette épreuve.

 Ceux qui restent semblent heureux , tout comme le chorégraphe et ses partenaires. Au moment des saluts, ils sourient aux spectateurs en ayant la sensation d’ avoir réussi à nous faire entrer dans ce  délire jubilatoire d’enfant qui tente tout.

Jean Couturier

Le spectacle s’est joué à la Cour d’Honneur du Palais des Papes jusqu’au 23 juillet.
Tournée en Espagne et en France
Théâtre de la Ville à Paris, du 6 au 12 juin 2018.

Festival-avignon.com

     

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