La Reine de beauté de Leenane
Festival d’Avignon
La Reine de beauté de Leenane, de Martin MacDonagh, traduction de Gildas Bourdet, mise en scène de Sophie Parel
La pièce avait été créée il y a une quinzaine d’années par Gildas Bourdet; puis jouée déjà dans cette mise en scène, l’an dernier au Lucernaire à Paris puis dans ce même théâtre. Et a connu un succès international. L’auteur anglais (47 ans) a écrit The Leenane Trilogy qui comprend cette pièce, A skull in Connemara, et Lonesome West et une autre trilogie (The Cripple of Inishman, The Lieutenant of Inishmore et The Banish of Inisheer et des pièces pour la radio. Il est aussi l’auteur du film « Bons Baisers de Bruges avec Colin Farrell et Ralph Fiennes.
Cela se passe dans un village perdu d’Irlande dont était originaire le père de l’auteur. Où vit seule Mag, une vieille dame, handicapée (enfin on ne sait pas trop puisqu’elle se lève sans efforts de sa chaise roulante !). Ce qui ne l’empêche pas d’être méchante et de mener la vie dure à ses enfants surtout à sa fille Maureen qui vient s’occuper d’elle régulièrement. Insultes des deux côtés, agressions physiques dans cette cuisine où la vieille Mag doit passer le plus clair de son temps à regarder la télévision, et à manger le porridge qu’on lui prépare. Dans cette guerre familiale sans merci, tous les coups sont permis…
Mais Maureen rêve de liberté et de grand amour. Arrivera ainsi dans sa vie le beau Pat Dooley qui veut aller travailler aux Etats-Unis et l’emmener avec lui. Mais Mag la tyrannique l’apprend, grâce à une lettre adressée à sa fille, et voit vite qu’elle risque de se retrouver encore plus seule. On ne vous dévoilera pas la suite de la pièce, dont l’univers fait penser à celui des pièces du grand auteur irlandais John Middleton Synge dont le célèbre Baladin du monde occidental créé chez nous en 1907 par Lugné-Poé, mais aussi de Sam Shepard. Personnages hauts en couleur, répliques cinglantes et souvent crues, scènes courtes teintées d’humour et de d’horreur, cette tragi-comédie est remarquablement ficelée, même si les fils ressemblent parfois à des câbles.
La mise en scène de Sophie Parel qui joue aussi Maureen est précise et efficace. Quelques éléments scéniques réalistes : vieille cuisinière à charbon d’autrefois aux parements de céramiques, meubles en stratifié bleu pâle et vert amande, bouilloire et plaque électrique aident à créer « l’atmosphère » comme on dit. Trois autres acteurs très solides savent rendre tout de suite crédibles leurs personnages : d’abord Marie-Christine Barrault dans le rôle de cette vieille acariâtre insupportable tout le temps en scène, à qui succèdera à la fin du mois, Catherine Salviat. Et, étonnants de vérité, Alexandre Zambeaux qui vient d’avoir le Molière de la révélation masculine aux derniers Molière, et Arnaud Dupont qu’on a vu dans Le Cercle des Illusionnistes d’Alexis Michalik. Bref, ce quatuor de comédien fonctionne bien et avec une belle unité…
Le spectacle parfaitement rodé (quelques soixante-dix représentations au compteur) n’est quand même pas le petit bijou annoncé par certains confrères mais ces soixante quinze minutes se laissent voir avec plaisir.
Philippe du Vignal
Théâtre des Corps Saints 76 place des Corps Saints Avignon à 17h. T: 04 90 16 07 50