Antigone, de Sophocle, mise en Scène Satoshi Miyag

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Festival d’Avignon

Antigone, de Sophocle, mise en Scène Satoshi Miyagi

 

Les gradins de la Cour se remplissent lentement-circulations difficiles et contrôles de sécurité obligent-tout aussi lentement, des fantômes divaguent sur le plateau inondé, sol incertain qui reflète les silhouettes et dilue les contours, image tranquille de l’Achéron (le fleuve des morts).
Après un résumé assez drôle de la fable, en français (quand même surtitré), à la manière des prologues shakespeariens, la pièce commence. Une tragédie pour le roi Créon et pour Antigone qui n’a jamais douté de la légitimité de son geste, ensevelir Polynice, traître à la cité contre son frère Etéocle, qui, lui, aura les honneurs funèbres. Que Créon, le politique, s’arrange avec la rébellion de sa nièce, Antigone, elle ensevelira son frère «maudit», quoi qu’il arrive, et en paiera le prix. Sans avoir accompli son destin terrestre, sans mariage, sans enfant, elle ira chez les morts retrouver ses parents, sa famille, en un grand bain d’amour. Qu’il s’arrange avec sa propre tragédie, la perte de son fils qui choisit de mourir avec Antigone.

Le système de jeu dédouble les protagonistes : l’un dit le texte, qu’il partage avec le chœur, l’autre en réalise la gestuelle. Pour Créon, l’écart est fort entre celui qui profère, grave, puissant, et sa marionnette presque bouffonne : façon de distendre le personnage, d’en souligner les vérités opposées et pourtant simultanées. De même pour Antigone, à la voix de guerrière mais à la silhouette de sacrifiée, déjà fantomatique. Le récit, car on est plus dans le récit que dans l’action dramatique, est soutenu et parfois « chauffé »par un jeu de percussions incessantes, implacables.

Ici la tradition japonaise rejoint la tradition antique d’un théâtre indissociable de la musique (les tentatives en ce sens sont rarement réussies dans notre théâtre), ce qui devrait conduire à la transe.

L’ensemble est d’une incontestable beauté : silhouettes blanches, la couleur du deuil au Japon, dans la nuit le l’immense cour, hautes ombres qui magnifient les personnages, aussi bien le personnage comique qu’est le gardien affecté au corps intouchable de Polynice qu’une Antigone christique, hissée sur son Golgotha. Ce décor de rochers évoque bien sûr les jardins zen, et répond harmonieusement au grand mur du Palais des papes. D’aucuns en trouveront la qualité de réalisation décevante. Peu importe. Sans faire oublier celui de Peter Brook, Satoshi Miiyagi avait ébloui le festival en 2014, avec son Mahabharata joué à la carrière de Boulbon ; cette année, il magnifie plastiquement cette Cour d’Honneur si difficile.

Et pourtant nous sortons déçus de cette Antigone. Quelque chose ne fonctionne pas, n’agit pas, l’émotion est absente. Comme s’il y avait un malentendu entre Satoshi Miyagi, passeur de théâtre entre le Japon et les classiques occidentaux (Shakespeare, Ibsen…), admirateur de Claude Régy, et notre théâtre aristotélicien. Cette Antigone est comme absorbée par une tradition, un rituel qui nous sont étrangers, sans que cette étrangeté ouvre un nouveau regard sur l’œuvre. On attend une fulgurance qui ne vient pas.

Christine Friedel

Spectacle en japonais surtitré en français. Cour d’honneur du Palais des Papes, 22h, jusqu’au 12 juillet. T.04 90 14 14 14

 

 

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