Ce que j’ai vu à Tipasa (ou pas) texte et mise en scène de Nicolas Zlatof

 

© Nicolas Zlatoff

© Nicolas Zlatoff

Ce que jai vu à Tipasa (ou pas) texte et mise en scène de Nicolas Zlatof

 L’été de ses vingt ans, Nicolas Zlatoff voyage en Méditerranée, et il a un moral au plus bas, «Pendant ce voyage /je voulais mourir. »  Au cours de son périple, il lit Noces à Tipasa d’Albert Camus. Lecture providentielle ! «Dix ans plus tard /j’étais toujours en vie/et j’essayais de devenir metteur en scène». Et l’été de ses 35 ans, il décide d’aller à Tipasa en Algérie. Son objectif : ressentir sur le chemin pris par Albert Camus, dans les ruines romaines proches de la mer, «la brûlure du soleil sur la peau»/la morsure glacée de la mer dans mon corps»,  filmer le paysage, et retrouver les sensations d’abord rencontrées à  la lecture du texte…

Or ce voyage fut un échec : point de soleil radieux, mais pluie, ciel gris, et vaine tentative pour obtenir une autorisation de filmer les lieux! Qu’à cela ne tienne, de cet échec, Nicolas Zlatoff fera un projet théâtral: une conférence en solo. Avec, comme préoccupation intellectuelle et poétique, la représentation de la pensée sur scène.  Comme il le souligne, cela «constitue d’emblée un paradoxe, puisqu’à première vue, les processus mentaux liés à une pensée, semblent renvoyer à un intérieur, opaque et irreprésentable, comme coupé du monde ».

 De ce paradoxe, va naître un spectacle sensible, profond, et riche de théâtralité.  Nous prenons place aux tables de bistrot disposées dans la salle et on nous offre une boisson, fort agréable par cette chaleur.  Pendant une heure, nous allons être à l’écoute. Théâtre et film documentaire, lecture de passages de Noces à Tipasa, récit en direct et projections de film réalisé sur place, évoquant les embûches rencontrées lors du tournage.

En quelques instants, nous voilà partis en voyage, là-bas à Tipasa. Un voyage à deux faces : intérieure et extérieure. A la fois et successivement, drôle, philosophique et teintée de mélancolie, cette conférence existentielle, parfois grave, nous convie au plus profond de nous-même. La difficulté de ce spectacle où l’auteur/metteur en scène qui part d’une situation  personnelle, tout compte fait banale, est d’atteindre une certaine universalité.

L’auteur merreur en scène évoque ici la rencontre, l’amour, la différence, l’absurde, l’angoisse, la mort, l’émerveillement…  Tout ce qui traverse l’existence humaine, quelle que soit son origine.  Mais  à partir d’un épisode autobiographique, cette lecture à vingt ans de Noces à Tipasa, et l’échec de son voyage, il mêle des passages d’Albert Camus à des prises de vue et des vidéos. Construction intéressante où l’Algerie se situe hors des clichés habituels. Un voyage historique géographique et littéraire mais aussi intime et charnel.  Ce qui n’est pas courant ni facile au théâtre  !  Surtout quand il s’agit, pour Nicolas Zlatof, de mettre en vie sur scène ses propres sensations. Pari captivant et réussi !

Elisabeth Naud

Le spectacle s’est joué du 4 au 8  juillet à la Maison des Métallos,  94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris XIème. T: 01 47 00 25 20.   

 

 


Archive pour 10 juillet, 2017

Ezéchiel et les bruits de l’ombre et Incidences 1327

Festival  d’Avignon:
Sujets à vif – Programme A

Ezéchiel et les bruits de l’ombre, Koffi Kwalhulé et Michel Risse

 

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Nous adorons ces petits concentrés créatifs interdisciplinaires soutenus par la S.A.C.D. : depuis vingt ans, la formule veut que s’y agrègent deux univers artistiques, et qu’y souffle l’air du temps. Dans le Jardin de la Vierge, cela commence par un son lointain : harmonica dissonant, ou grincement de dents ? Un père cherche son fils, personnages incarnés par  Michel Risse, multi-instrumentiste de génie, arrive tout de blanc vêtu, en apesanteur, cheveux au vent. Et, en contre-point, par Koffi Kwalhulé, massif, fait une entrée en scène plus humoristique, avec un tee-shirt Fly Emirates floqué Ronaldo dans le dos. Un signe d’immaturité, de manque d’autorité ? La sonnerie de l’école a sans doute retenti et l’appel du savoir n’a pas convaincu le fils. Le programme nous annonçait une trame «pas grave», pour échapper à la tragédie, comme à la gravité.

Dans cette fable sur le fils absent qu’on aimerait faire sortir de sa cachette, l’amour des parents et les paradoxes de l’éducation couinent et grincent. Le père assène avec brutalité : «Tu es une grosse petite merde », avant de flatter l’enfant : «Tu sors, on passe l’éponge, tu es notre fils unique, devant toi, on est faible».  Il y a un juste choix des accessoires et un usage tout en finesse des éléments fixes de la cour, ce qui permet de sonoriser avec poésie, toute l’étendue de la violence contenue.

Et pourtant, il y a de la grosse artillerie  comme un fouet et des couteaux de cuisine, une batte de baseball qui se font mélodieux pour faire émerger le grillon de son trou. Un archet fait musique de tout support. La mélodie vacillante des boîtes à musique qui tournent comme des serviettes,  fait davantage songer à la menace de la pierre d’une fronde, qu’à l’apaisement des mœurs. Tout est double et trouble dans cet étrange objet sonore, chant des sirènes pernicieux pour attirer le bambin récalcitrant.

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

La rêverie est un peu courte mais nous nous laissons bercer par l’inventivité musicale, par la ritournelle des mots et les modulations de la voix du père. Quand cela se termine, nous aimerions rester encore cachés, tapis dans l’ombre. Sans envie de sortir du jeu…

 Incidence 1327 de Gaëlle Bourges et Gwendoline Robin

L’autre proposition de la chorégraphe Gaëlle Bourges et de la performeuse Gwendoline Robin convoque l’eau sous ses formes gazeuse, solide et liquide. On sent que la dite proposition est fondée sur les recherches scientifiques et le projet A.G.U.A.. L’élément eau est en effet le support d’une expérimentation sur «l’incidence d’une rencontre (qui) ne se mesure pas toujours dans la minute».  

Le plateau se fait laboratoire. Il devait s’agir de la première rencontre entre Pétrarque et Laure, à Avignon en 1327. Nous assistons en réalité au précipité de toute rencontre amoureuse sur les pas de Françoise «qui aime l’eau, sa capacité à chuter sans s’autodétruire», une femme qui éprouve des difficultés à être mère et à aimer sa vi(ll)e. On nous dit qu’elle «brûle déjà», mais qu’elle est pourtant capable de s’enflammer, encore, subitement. Le décor, symbolique, un grand escabeau déployé, figure le profil asymétrique du tout proche Mont Ventoux dont une voix off nous égraine les caractéristiques météo : soleil, vent, neige et brume.

Nous assistons bouche-bée, en état suspendu, à mille expérimentations en écho à ce lieu, en résonance avec l’état amoureux. De l’eau bouillante versée d’une belle hauteur sur des glaçons, du froid et du feu devenus fumée blanche, papale, dirait-on. Le rythme vacille entre langueur et concentration. Nous sommes plongés dans le brouillard : énigme des émotions extrêmes, énigme du poème visuel qui se cristallise puis se dissout sous nos yeux.

Il est question de l’amour de grands auteurs, Virgile, Cicéron, Horace, Sénèque, d’un autodafé dirigé par le père, qui ravive la brûlure de la passion qu’on essaie d’étouffer. Mais les premières amours ressurgissent des années après, au moment enfin opportun , et déclenchent l’incendie.

Cette proposition abstraite, et pourtant tellement physique et sensuelle, nous a touché au plus profond. L’aspect scientifique et la voix off semblent tout mettre à distance. Et soudain, le simple embrasement d’un papier qui disparaît, donne tout son sens à l’ensemble. L’émotion nous saisit : intensité et vanités. Nous sommes subjugué, transporté par le retour du descriptif du Mont Ventoux, devenue magnifique ode scientifique. Cela fonctionne à merveille, malgré le jeu atone des comédiennes. Nous songeons aux beaux vers oxymoriques du sonnet de Louise Labé : « Je vis, je meurs : je me brûle et me noie / J’ai chaud extrême en endurant froidure »…

 Stéphanie Ruffier

 Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph, jusqu’au 14 juillet à 11h.

Sopro (Souffle), texte et mise en scène de Tiago Rodrigues

 

Sopro (Souffle), texte et mise en scène de Tiago Rodrigues

 

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Par définition, la respiration du théâtre n’est ni visible ni saisissable mais Tiago Rodrigues a imaginé qu’il pouvait la montrer à travers la création d’un spectacle, en faisant du même coup, l’éloge de la souffleuse qui monte sur scène, égrainant les petites histoires du temps.

 Du début à la fin, cette dame digne et  toute en noir, est présente sur le plateau, texte  à  la main, suivant dans une rare discrétion, les personnages, qui, un à un, entrelacent leurs petites histoires vécues, et celles, fictionnelles, transcendées par l’art du théâtre.Cristina Vidal travaille en effet comme souffleuse depuis plus de vingt-cinq ans au Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne. Un métier en voie de disparition, ou déjà disparu. Et pour Tiago Rodrigues, elle  possède donc à elle seule, une fonction de mémoire, de discipline et de protection, avec humilité:  toujours dans les coulisses!

 Au plus près des comédiens, la souffleuse pleine d’humanité a comme naturellement et instinctivement, une posture singulière: « Elle est en eux, un peu comme la main du marionnettiste, dans la poupée de chiffon.»Cela se passe en 2080, dans les ruines  du Théâtre National; cette fiction a lieu dans un bâtiment recélant en lui des métiers artisanaux, des fonctions nobles et cachées, bref, une âme.L’idée, avoue le metteur en scène, celle d’une troupe avec un dispositif de spectacle autour de la souffleuse, est romantique, voire un rien mièvre dans sa forme,

 

Isabel Abreu, Beatriz Bras, Sofia Dias, Vitor Roriz et Joao Pedro Vaz, tous plus jeunes que cette femme de théâtre, sont des plus touchants et jouent autour d’elle, de leur présence, avec délicatesse, ouverture et bonheur d’être là. Imaginées par Thomas Walgrave qui aussi conçu les lumières, des herbes hautes et des  roseaux jonchent le parquet de bois, comme des traces du Temps, vainqueur de toutes choses…

 Une méridienne, objet de théâtre et de rencontre par excellence, est posée à jardin. Pourront ainsi se faire entendre dans la grâce et le sourire, des bribes, entre autres, de la Bérénice de Jean Racine, de L’Avare de Molière et des Trois Sœurs d’Anton Tchekhov …Face à cette installation plastique, à la fois subtile et rudimentaire, le public s’attend à ce que la représentation commence. Mais non! Et malgré la présence des comédiens, le théâtre n’arrive jamais: nous sommes déçus, comme si l’art de la souffleuse pouvait être à lui seul, un trésor vivant, une fin en soi à admirer.

Les meilleures intentions, on le sait, ne suffisent pas à investir un plateau, d’un souffle théâtral, qu’on l’appelle génie ou inspiration. Tiago Rodrigues semble nous donner une leçon de théâtre mais sans véritable nécessité intérieure, en s’enfermant dans des clichés convenus et bon marché, sur la mémoire du théâtre et l’art de sa transmission.

 Une manière de tourner en rond entre soi, sans toucher au monde vivant alentour!

 Véronique Hotte

 

 Cloître des Carmes, jusqu’au 16 juillet à 22 heures.

 

Nu dans le bain

 

©Dauphiné libéré

Nu dans le bain d’Andréa Kuchlewska, traduction de Grégoire Courtois, mise en scène de David Géry

 

Le peintre et son modèle : un couple qui hante l’histoire de l’art. Turbulences de la vie (voir les multiples infidélités de Pablo Picasso à ses compagnes successives et à ses modèles) calme impérial, énigmatique de la toile (voir la Saskia dorée de Rembrandt). Le modèle, presque toujours nu, est une femme.
Comme le rappelle l’auteure : un modèle habillé: un mécène, paie pour avoir son portrait ! Mais on paye un modèle pour poser nu, c’est donc un travail. Cette fille, dont nous ne saurons pas le nom, réputée  pour être un «bon» modèle,  ne sait pas pourquoi. Elle qui ne connaissait rien au monde de l’art,  y entre avec une question qui la tourmente : comment et où, Renée Monchaty, modèle et maîtresse de Pierre Bonnard, s’est-elle suicidée, après qu’il eut épousé Marthe ?

D’autres pensées traversent la femme nue et immobile, sculptée, à chaque changement de pose, par la main de l’artiste : le bras un peu plus étendu, les doigts un peu plus écartés… La liste des choses à faire et des questions à se poser : suivre ou non l’injonction du peintre d’aller au musée, comment a-t-elle été injustement chassée de son travail de serveuse ;  et pourquoi le peintre la paie-t-elle pour poser chez lui, en plus de l’école ?

Agnès Sourdillon offre son corps gracile et gracieux, au personnage. David Géry a pris soin de mettre le public en condition, en faisant distribuer feuilles et crayons : mieux qu’aucune parole, ce geste impose un regard respectueux sur le corps nu de la femme. Mais sa parole paralyse le dessin ; l’actrice, puisant sa force dans sa fragilité, impose une telle présence, toute simple, que les crayons tombent, et que l’on boit ses paroles, tout aussi simples.

David Géry, en peintre concentré sur son travail, la place, la guide, la remercie sans paroles, ou presque : ils forment un superbe duo professionnel. Du trouble et de l’innocence de ce corps exposé, de son souffle et presque du sang qui bat sur la peau, naît alors une émotion étrange, dont on a envie de remercier longtemps Agnès Sourdillon et son partenaire. Elle parle, il la soutient et, en silence, le public accompagne cette rencontre essentielle entre l’art du théâtre et celui de la peinture.

David Géry a créé Nu dans le bain,  après deux résidences à La Chartreuse/Centre national des écritures du spectacle. Il y a transporté son atelier de peintre et y expose un choix de toiles de Retour de Chine et Nuits noires. On pense bien sûr à Pierre Soulages, et puis on l’oublie : outre la lumière du noir, David Géry travaille sur la profondeur du tableau. D’un angle de vue à un autre, l’œuvre change, s’agrandit, d’une longue contemplation et s’approfondit. Il y a là quelque chose de puissant et de serein que l’on retrouve, avec des couleurs plus claires, dans le spectacle. Tout au bout du cloître de la Chartreuse, il faut aller à l’atelier de David Géry apprécier ce moment à part, qui remet la tête en place, loin du bruit, et qui ouvre le regard.

Christine Friedel

Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, les 11, 12 et 13 juillet à 16h et à 20h. T. : 04 90 15 24 24

Est-ce que vous pouvez laisser la porte ouverte en sortant ?


 

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Est-ce que vous pouvez laisser la porte ouverte en sortant?  d’Antoine Lemaire, mise en scène de Sophie Rousseau

 

 Dans la maladie d’Alzheimer,  la dégénérescence neuronale  nous empêche le patient de programmer  des actions,   et entraîne assez vite une altération des facultés cognitives : mémoire, langage, raisonnement …

 Les lésions cérébrales causent des troubles qui réduisent progressivement l’autonomie de la personne avec une disparition progressive des capacités d’orientation dans le temps et  l’espace, et de la reconnaissance des objets comme des proches … Antoine Lemaire met en scène un couple d’un certain âge dont l’épouse est atteinte de la maladie d’Alzheimer ; le public assiste,  en une vingtaine de tableaux, à sa progression irréversible. Mais son époux, très vite épuisé par l’aide permanente qu’il doit fournir, va être aussi dans l’ impossibilité d’agir.

 Sont ici privilégiées des scènes quotidiennes de la vie quotidienne : lui, a préparé un repas improvisé pour elle qui revient dans la nuit.  Mais il  refuse la réalité et la pathologie qui accable sa femme. Elle, de son côté, ne supporte pas la trop grande douceur de son  mari qui lui montre un amour qu’il veut inaltérable.

 La mise en scène de Sophie Rousseau, d’une délicatesse extrême, expose avec des images précises, les situations éprouvées par ce couple. A mesure que la maladie se développe et avance vers l’inéluctable, plus oppressant est le rythme scénique.Comment affronter le mal de façon légère et raisonnée ? Il fallait la grâce, l’humour et l’allant de Murielle Colvez, une des meilleures comédiennes (Anton Tchekhov, Maxime Gorki…) d’Eric Lacascade, pour imposer un personnage aussi vivant et aussi épanoui, touché par un mal qui la dépasse. Le plateau de théâtre est sa maison, et la belle actrice, mène la danse, quand bien même, tout son être est fragilisé.

 L’auteur joue lui, ce mari un peu fébrile, à la parole saccadée et heurtée, et mis à mal dépassé par l’état de sa femme.La mise en scène est solidement construite, orientée  sur la douleur, et sur le malheur final que l’on voit arriver. Un très beau travail.

 Véronique Hotte

 La Manufacture, jusqu’au 26 juillet (relâche les 12 et 19 juillet).

 

 

 

De si tendres Liens, de Loleh Bellon, mise en scène Laurence Renn-Penel

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Festival d’Avignon

 

De si tendres Liens, de Loleh Bellon, mise en scène Laurence Renn-Penel

Vient le jour où, sans qu’on l’ait senti, la fille devient la mère de sa mère. Elle la protège, la soigne, la rabroue, la console, s’agace, et ça finit dans de grandes étreintes émues. Dans les bras l’une de l’autre, montent les souvenirs. L’enfant, la fille, s’est sentie seule, abandonnée, la mère, jeune divorcée, s’est sentie elle, entravée par les exigences de la petite fille, elles ne se pardonnent rien et s’aiment l‘une et l’autre par-dessus tout. Et les hommes ? Pas besoin d’eux ici. Le père, le mari parti, et l’amant un peu de côté n’ont pas leur place ici, sinon comme arme, et encore…

 Elles ont un nom, Charlotte, la mère, et Jeanne, la fille. Loleh Bellon a écrit les rôles à la perfection : au croisement exact du singulier et de l’universel. Elle pointe les grandes frustrations et les petites rancunes, et ce que Marcel Proust appelait «les intermittences du cœur ». La mémoire va parfois « cap au pire » (pardon, Monsieur Beckett), et il faut la tendresse du moment présent pour qu’émergent les tendresses de l’enfance. Finalement, c’est évident, la mémoire, c’est notre vie présente.  «Nous comme faits de la matière des rêves» disait le grand William.

Qu’on nous pardonne ces associations avec ces immenses auteurs : dans sa modestie,  la pièce  les provoque. Plus simplement,  nous touche et nous fait sourire ou rire, le rire de la rencontre avec le vrai: elle pointe des étapes de la vie, sans jugement. L’égoïsme puissant de l’enfant ou de la  femme très âgée, la peur de l’abandon et de la mort, ont sans doute la seule et même force du désir: l’adolescente oublie sa mère pour sa première conquête, et devient femme à son tour. Toute la vie, au féminin.

 Pour Laurence Renn-Penel, la pièce ne pouvait se monter sans Christiane Cohendy et Clotilde Mollet: parfaites.  Dans une scénographie pas très facile, elles savent jouer les âges  de la vie, les situations rituelles au passage des générations. Mieux, les âges les traversent. Sans en faire trop, sans effets, elles illuminent ou éteignent leur visage, et  jouent de leur voix avec parfois à peine un peu de sur-jeu, particulièrement savoureux. Voilà : on ne va pas évoquer toute la carrière de ces deux grandes, assez vaste et variée, mais toujours ancrée sur une véritable «probité artistique». Terme un peu lourd sans doute pour un jeu exigeant, intelligent, pétillant, mais grave quand il faut, et généreux, toujours. A ne pas manquer, vous l’aurez compris.

 Christine Friedel

 Petit Louvre, 21h30, jusqu’au 30 juillet T.0432760279

 

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