Les Parisiens, texte et mise en scène d’Olivier Py
Festival d’Avignon
Les Parisiens, texte et mise en scène d’Olivier Py
Le Tout Paris du petit monde de la culture se transporte en Avignon pour le festival. On ne dira pas: «De quoi Paris est-il le nom ?», la formule a trop servi. Mais la capitale représente donc le pouvoir, face aux malheureux citoyens de la France profonde abandonnée mais aussi snobisme, branchitude et bobos face aux «vrais gens». Elle est intrigue, corruption, délit d’initiés, communication se substituant à l’art, etc… Tout cela est un peu vrai et réducteur, donc faux et Olivier Py livre en bloc «les Parisiens» aux rancœurs régionales. Du genre: Je sais de quoi je parle… Et allez, on va vous dévoiler les dessous de ce que vous soupçonniez, en pire encore ! Grand jeu de chamboule-tout. : « Je suis, dit-il en Lorenzaccio, des sphères d’un certain pouvoir, je dis tout, vous n’avez plus rien à dire. »
Donc, revenons à nos Parisiens. Olivier Py a tiré le spectacle des six cents pages et des quatre-vingt personnages de son roman éponyme. Mais pourquoi l’avoir adapté? « Parce qu’il était impossible de l’adapter », répond Py le provocateur. En tout cas, ce patchwork de comédie, farce, drame et tragédie lyrique est une satire du monde politico-culturel, avec ses petites mondanités et grandes trahisons, quand va être nommé un directeur d’opéra.
Où est le désir qui meut tout cela ? Pouvoir, prestige et sexe. Ange noir et ange solaire, Lucas et Aurélien conduisent tout ce monde dans les labyrinthes de la jouissance et des tourments. L’un, “cap au pire“ vers sa proche déchéance pour payer une dette obscure et finissant avec une jambe coupée (à nous, Arthur Rimbaud !), l’autre, «jeune metteur en scène prometteur» et joyeusement cynique, si l’on peut appeler cynisme, le fait de dire la vérité pourvu qu’elle fâche et d’aimer la vie et le moment.
Olivier Py n’épargne rien à ses personnages ni au public, des diverticules intestinaux et circonvolutions cérébrales. Comme des pratiques sexuelles les plus jouissives et les plus humiliantes. Dans culture, il y a cul, disait Jean-Luc Godard, et dans Godard, il y a gode, et dard… Personne n’est choqué, cela fait partie du drame parfois et de la farce, souvent. Nous, public, rions comme des enfants aux «caca-boudins», avant de faire silence devant ce qui approche l’effroi, quand même. Là encore, Olivier Py désamorce le scandale : tout faire péter et tout de suite; après, la table est rase.
Dieu et la jouissance se rencontrent dans cette énorme entité toujours au cœur des écrits d’Olivier Py: la joie. Nous aurons ainsi droit notre moment de catéchisme et considérations philosophiques, avec l’exaltation du théâtre comme unique lieu de liberté dont au moins, les comédiens ne se privent pas… Tous d’une vaillance extraordinaire, ils cavalent entre les sièges, grimpent sur le beau décor de Pierre-André Weiz, en se donnant corps et âme à la scène, dans leur éclatante nudité.
Mireille Hersbtmeyer joue une mondaine en tailleur poussin très pompidolien, puis une grande tragédienne en fin de carrière qui croit tirer les ficelles (en effet les tire-t-elle vraiment?). L’actrice déploie ici toute sa force et toute son exceptionnelle fantaisie. Philippe Girard, lui, incarne, avec une puissance glaciale, un éventail de pères et patrons dominateurs et cyniques. Mais aussi en plus tendre, un frère Dominique qui nous mènerait presque à «ne pas écarter l’idée de Dieu ».
Dans le style Py, il faut en faire trop pour en faire assez: Jean Alibert, Mustapha Benaïbout, Laure Calamy, Céline Chéenne, Emilien Diard-Detœuf, Joseph Fourez, François Michonneau donnent leur énergie et une vraie fantaisie à ce bordel (littéral). Mais, en voulant montrer sa solidarité aux prostitué-e-s, Olivier Py en fait une caricature convenue. Et au bout du compte? Passons sur le coup de patte envers les critiques qui attendraient d’avoir l’avis de tous avant d’adopter le leur… L’ensemble est drôle et méchant mais avec des ratés, des longueurs (surtout dans la deuxième partie), ressassements et formules, du genre: «Paris est une réponse à l’absence de Dieu» (!!!). Passons…
Mais l’auteur/metteur en scène a un sens aigu du dessin. Ce roman a des clés: laissons-les lui et restons sur ce constat: les comédiens font le théâtre. Le séducteur Py ne nous aura en rien pervertis. Omniprésent parmi les puissants et les gigolos qu’il décrit, entre logorrhée et ambiguïté, il sait encore régner…
Christine Friedel
Festival d’Avignon, La Fabrica, jusqu’au 15 juillet. T.33 (0)4 90 14 14 14.