Les Parisiens, texte et mise en scène d’Olivier Py

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon

Les  Parisiens, texte et mise en scène d’Olivier Py


Le Tout Paris du petit monde de la culture se transporte en Avignon pour le festival. On ne dira pas: «De quoi Paris est-il le nom ?», la formule a trop servi. Mais la capitale représente donc le pouvoir, face aux malheureux citoyens de la France profonde abandonnée mais aussi snobisme, branchitude et bobos face aux «vrais gens». Elle est intrigue, corruption, délit d’initiés, communication se substituant à l’art, etc… Tout cela est un peu vrai et réducteur, donc faux et Olivier Py livre en bloc «les Parisiens» aux rancœurs régionales. Du genre: Je sais de quoi je parle… Et allez, on va vous dévoiler les dessous de ce que vous soupçonniez, en pire encore ! Grand jeu de chamboule-tout.  : « Je suis, dit-il en Lorenzaccio, des sphères d’un certain pouvoir, je dis tout, vous n’avez plus rien à dire. »

Donc, revenons à nos Parisiens. Olivier Py a tiré le spectacle des six cents pages et des quatre-vingt personnages de son roman éponyme. Mais pourquoi l’avoir adapté? « Parce qu’il était impossible de l’adapter », répond Py le provocateur. En tout cas, ce patchwork de comédie, farce, drame et tragédie lyrique est une satire du monde politico-culturel, avec ses petites mondanités et grandes trahisons, quand va être nommé un directeur d’opéra.

Où est le désir qui meut tout cela ? Pouvoir, prestige et sexe. Ange noir et ange solaire, Lucas et Aurélien conduisent tout ce monde dans les labyrinthes de la jouissance et des tourments. L’un, “cap au pire“ vers sa proche déchéance pour payer une dette obscure et finissant avec une jambe coupée (à nous, Arthur  Rimbaud !), l’autre, «jeune metteur en scène prometteur» et joyeusement cynique, si l’on peut appeler cynisme, le fait de dire la vérité pourvu qu’elle fâche et d’aimer la vie et le moment.

Olivier Py n’épargne rien à ses personnages ni au public, des diverticules intestinaux  et circonvolutions cérébrales. Comme des pratiques sexuelles les plus jouissives et les plus humiliantes. Dans culture, il y a cul, disait Jean-Luc Godard, et dans Godard, il y a gode, et dard… Personne n’est choqué, cela fait partie du drame parfois et de la farce, souvent. Nous, public, rions comme des enfants aux «caca-boudins», avant de faire silence devant ce qui approche l’effroi, quand même. Là encore, Olivier Py désamorce le scandale : tout faire péter et tout de suite; après, la table est rase.

Dieu et la jouissance se rencontrent dans cette énorme entité toujours au cœur des écrits d’Olivier Py: la joie. Nous aurons ainsi droit notre moment de catéchisme et considérations philosophiques, avec l’exaltation du théâtre comme unique lieu de liberté dont au moins, les comédiens ne se privent pas… Tous d’une vaillance extraordinaire, ils cavalent entre les sièges, grimpent sur le beau décor de Pierre-André Weiz, en se donnant corps et âme à la scène, dans  leur éclatante nudité.

Mireille Hersbtmeyer joue une mondaine en tailleur poussin très pompidolien, puis une grande tragédienne en fin de carrière qui croit tirer les ficelles (en effet les tire-t-elle vraiment?). L’actrice déploie ici toute sa force et toute son exceptionnelle fantaisie. Philippe Girard, lui, incarne, avec une puissance glaciale, un éventail de pères et patrons dominateurs et cyniques. Mais aussi en plus tendre, un frère Dominique qui nous mènerait presque à «ne pas écarter l’idée de Dieu ».

Dans le style Py, il faut en faire trop pour en faire assez: Jean Alibert, Mustapha Benaïbout, Laure Calamy, Céline Chéenne,  Emilien Diard-Detœuf, Joseph Fourez, François Michonneau donnent leur énergie et une vraie fantaisie à ce bordel (littéral). Mais, en voulant montrer sa solidarité aux prostitué-e-s, Olivier Py en fait une caricature convenue. Et au bout du compte? Passons sur le coup de patte envers les critiques qui attendraient d’avoir l’avis de tous avant d’adopter le leur… L’ensemble est drôle et méchant mais avec des ratés, des longueurs (surtout dans la deuxième partie), ressassements et formules, du genre: «Paris est une réponse à l’absence de Dieu» (!!!). Passons…

Mais l’auteur/metteur en scène a un sens aigu du dessin. Ce roman a des clés: laissons-les lui et restons sur ce constat: les comédiens font le théâtre. Le séducteur Py ne nous aura en rien pervertis. Omniprésent parmi les puissants et les gigolos qu’il décrit, entre logorrhée et ambiguïté, il sait encore régner…

Christine  Friedel

Festival d’Avignon, La Fabrica, jusqu’au 15 juillet. T.33 (0)4 90 14 14 14.


Archive pour 13 juillet, 2017

Maldoror/Chant 6 de Lautréamont, mise en scène de Michel Raskine

Festival d’Avignon

 Maldoror/Chant 6 de Lautréamont, mise en scène de Michel Raskine

 

©Vankat Damara

©Vankat Damara

Le Chant six de ce petit roman de trente pages, conclut l’œuvre solitaire et flamboyante d’Isidore Ducasse, un poète de vingt-trois ans. «Sous le nom de comte de Lautréamont, dit Michel Raskine, il nous laisse à jamais un livre qui brûle les doigts et enflamme les cœurs, Les Chants de Maldoror

 Rimbaldien dans l’âme, Ducasse/Lautréamont invente le personnage de Maldoror, fascinante incarnation du Mal. Ici, cette langue poétique ciselée et ironique, correspond à la fabrique même du théâtre. Avec sérieux et humour, gravité et facétie, Damien Houssier, Thomas Rortais et René Turquois, font le récit de la trajectoire incandescente de Mervyn, un jeune anglais de «seize ans et quatre mois»,  dans le nouveau Paris nocturne de 1869, entre la place Vendôme et le Panthéon.

Maldoror écrit ainsi à Mervyn : «Jeune homme, je m’intéresse à vous. Je veux faire votre bonheur. Je vous prendrai pour compagnon, et nous accomplirons de longues pérégrinations dans les îles de l’Océanie. Mervyn, tu sais que je t’aime, et je n’ai pas besoin de te le prouver. Tu m’accorderas ton amitié, j’en suis persuadé. Je te préserverai des périls de ton inexpérience. Je serai pour toi un frère, et les bons conseils ne te manqueront pas (…) Jeune homme, je te salue, et à bientôt. Ne montre cette lettre à personne. »

 Mervyn, épris de rêve et de liberté, voyages et rencontres, lui répondra en effet. Et ce Chant six se termine par cette phrase provocatrice et quelque peu subversive : «Allez-y voir vous même, si vous ne voulez pas me croire. » Michel Raskine associe ce Chant six à un récit initiatique mais aussi conte noir, balade nocturne, chant à la fois d’amour et de haine, épopée lyrique, journal intime, chronique parisienne, roman français, scénario épistolaire, et feuilleton populaire.

 Maurice Blanchot analyse ainsi dans L’Ironie et le Vertige de Maldoror: un regard ironique sur une certaine littérature convenue, une parodie des intrigues invraisemblables du roman populaire, avec rebondissements et coups de théâtre mais aussi le persiflage de certains personnages typiques, anglo-saxons et aristos qui s’expriment avec beaucoup de componction et solennité, dans de luxueuses demeures.

Pour l’écrivain, «La lecture des Chants de Maldoror  tient  du vertige qui  semble dû à une accélération de mouvement, telle que l’environnement de feu, au centre duquel on se trouve, procure l’impression, ou d’un vide flamboyant ou d’une inerte et sombre plénitude. » Les noms des rues et quartiers de Paris résonnent, comme une musique d’aujourd’hui, identifiable à ses percussions sonores  et apporte un air de fraîcheur et d’avant-garde : rue Vivienne, gare de l’Est, fontaine Saint-Michel, pont du Carrousel, place Vendôme, Panthéon. Les  comédiens répètent à souhait la partition, s’échangeant les rôles, nuançant la tonalité vocale, variant l’apparence, pourtant fidèles à eux-mêmes.

 La tournée de reconnaissance pour qui connaît la capitale, s’accomplit à travers les trois répliques de Mervyn, Maldoror et Lautréamont, en costume-cravate et chemise blanche. Tourner autour de l’obélisque de la place Vendôme, décrypter dans la nuit, à l’aide de lampes frontales de spéléologue, une rue sur un plan parisien. Utiliser le dos d’un acteur comme support d’exploration et même image vidéo, les postures sont amusantes. Et, avec une gestuelle et une chorégraphie entre cirque et danse, la prose poétique de Lautréamont n’en finit pas de gagner en résonance musicale.  Un spectacle déclamatoire singulier, le beau chant d’un trio avec rires et angoisse sourde.

 Véronique Hotte

 Le Petit Louvre, du 7 au 30 juillet, relâche les 11, 18 et 25 juillet.

 

 

 

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