Maldoror/Chant 6 de Lautréamont, mise en scène de Michel Raskine

Festival d’Avignon

 Maldoror/Chant 6 de Lautréamont, mise en scène de Michel Raskine

 

©Vankat Damara

©Vankat Damara

Le Chant six de ce petit roman de trente pages, conclut l’œuvre solitaire et flamboyante d’Isidore Ducasse, un poète de vingt-trois ans. «Sous le nom de comte de Lautréamont, dit Michel Raskine, il nous laisse à jamais un livre qui brûle les doigts et enflamme les cœurs, Les Chants de Maldoror

 Rimbaldien dans l’âme, Ducasse/Lautréamont invente le personnage de Maldoror, fascinante incarnation du Mal. Ici, cette langue poétique ciselée et ironique, correspond à la fabrique même du théâtre. Avec sérieux et humour, gravité et facétie, Damien Houssier, Thomas Rortais et René Turquois, font le récit de la trajectoire incandescente de Mervyn, un jeune anglais de «seize ans et quatre mois»,  dans le nouveau Paris nocturne de 1869, entre la place Vendôme et le Panthéon.

Maldoror écrit ainsi à Mervyn : «Jeune homme, je m’intéresse à vous. Je veux faire votre bonheur. Je vous prendrai pour compagnon, et nous accomplirons de longues pérégrinations dans les îles de l’Océanie. Mervyn, tu sais que je t’aime, et je n’ai pas besoin de te le prouver. Tu m’accorderas ton amitié, j’en suis persuadé. Je te préserverai des périls de ton inexpérience. Je serai pour toi un frère, et les bons conseils ne te manqueront pas (…) Jeune homme, je te salue, et à bientôt. Ne montre cette lettre à personne. »

 Mervyn, épris de rêve et de liberté, voyages et rencontres, lui répondra en effet. Et ce Chant six se termine par cette phrase provocatrice et quelque peu subversive : «Allez-y voir vous même, si vous ne voulez pas me croire. » Michel Raskine associe ce Chant six à un récit initiatique mais aussi conte noir, balade nocturne, chant à la fois d’amour et de haine, épopée lyrique, journal intime, chronique parisienne, roman français, scénario épistolaire, et feuilleton populaire.

 Maurice Blanchot analyse ainsi dans L’Ironie et le Vertige de Maldoror: un regard ironique sur une certaine littérature convenue, une parodie des intrigues invraisemblables du roman populaire, avec rebondissements et coups de théâtre mais aussi le persiflage de certains personnages typiques, anglo-saxons et aristos qui s’expriment avec beaucoup de componction et solennité, dans de luxueuses demeures.

Pour l’écrivain, «La lecture des Chants de Maldoror  tient  du vertige qui  semble dû à une accélération de mouvement, telle que l’environnement de feu, au centre duquel on se trouve, procure l’impression, ou d’un vide flamboyant ou d’une inerte et sombre plénitude. » Les noms des rues et quartiers de Paris résonnent, comme une musique d’aujourd’hui, identifiable à ses percussions sonores  et apporte un air de fraîcheur et d’avant-garde : rue Vivienne, gare de l’Est, fontaine Saint-Michel, pont du Carrousel, place Vendôme, Panthéon. Les  comédiens répètent à souhait la partition, s’échangeant les rôles, nuançant la tonalité vocale, variant l’apparence, pourtant fidèles à eux-mêmes.

 La tournée de reconnaissance pour qui connaît la capitale, s’accomplit à travers les trois répliques de Mervyn, Maldoror et Lautréamont, en costume-cravate et chemise blanche. Tourner autour de l’obélisque de la place Vendôme, décrypter dans la nuit, à l’aide de lampes frontales de spéléologue, une rue sur un plan parisien. Utiliser le dos d’un acteur comme support d’exploration et même image vidéo, les postures sont amusantes. Et, avec une gestuelle et une chorégraphie entre cirque et danse, la prose poétique de Lautréamont n’en finit pas de gagner en résonance musicale.  Un spectacle déclamatoire singulier, le beau chant d’un trio avec rires et angoisse sourde.

 Véronique Hotte

 Le Petit Louvre, du 7 au 30 juillet, relâche les 11, 18 et 25 juillet.

 

 

 

 

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