De Meiden (Les Bonnes) de Jean Genet, mise en scène de Katie Mitchell

 

Festival d’Avignon

 © Jan Versweyveld

© Jan Versweyveld

De Meiden  (Les Bonnes) de  Jean Genet,  traduction de Marcel Otten, mise en scène de  Katie Mitchell, en néerlandais et polonais (surtitrés  en français)

Le crime des sœurs Papin, au Mans fit les choux gras de la presse populaire dans l’entre-deux-guerres et passionna les psychanalystes dont Jacques Lacan mais aussi des auteurs, des cinéastes dont Claude Chabrol, et des poètes comme Jean Genet qui en tira un «long suicide déclamatoire ».

Deux sœurs, Claire et Solange, employées de maison, vivent en vase clos dans un monde de fantasmes, et rêvent de tuer leur maîtresse. Au préalable, elles ont écrit des lettres de dénonciation, pour envoyer Monsieur en prison. Mais leur plan va échouer et se retourner contre elles:  «Elles sont des rêves qui rêvent d’engloutir leur rêveur», en a dit Jean-Paul Sartre. En une ultime cérémonie funèbre où elles s’imaginent en héroïnes du peuple,  elles sombrent dans le délire, entre schizophrénie, paranoïa et désespoir.

Katie Mitchell situe l’action aujourd’hui, dans une vaste suite parentale à Amsterdam, conçue par la scénographe Chloé Lamford,  avec un dressing et un couloir menant à la salle de bains. Claire et Solange, ici, sont Polonaises, à l’instar de ces bonnes, émigrées économiques, sous-payées et recluses dans la clandestinité, subissant l’écrasante supériorité de leurs maîtres. Leur destin fatal résonne cette fois avec la situation précaire  de milliers de femmes.

Quand le rideau s’ouvre, on les surprend en l’absence de leur maîtresse, en train de se déguiser en Madame: ce faisant, elles intervertissent aussi leur identité : Solange joue Claire, et Claire, Madame. Claire, assistée de Solange, qu’elle rudoie en l’appelant Claire, emprunte les robes, la voix, le maquillage, la perruque blonde et les attitudes de Madame.

Solange parodie la servilité de sa sœur, encaisse les coups et fait mine de l’étrangler. Au cours de ce rituel, elles jouent à se maltraiter, et à maltraiter Madame,  jusqu’à simuler le meurtre. Oubliant parfois leur jeu de rôles, elles passent spontanément du néerlandais au polonais. (surtitres  en français)

Madame apparaît, dans ses clinquants atours, et s’avère être un homme, quand les domestiques commencent à la dévêtir. L’ inversion des sexes s’affiche franchemene. Pour Katie Mitchell, il s’agit plus de soutenir une réflexion sur l’exploitation patriarcale, que de parler de la domination des femmes par les femmes. : «La féministe en moi, se refusait à raconter l’histoire d’une femme opprimant d’autres femmes»…

Cette artiste britannique renommée, qui a fait ses classes à la Royal Shakespeare Company et travaille dans le monde entier, veut nous raconter la dialectique avortée du maître et de l’esclave, et l’impossible retournement du rapport de force entre dominants et dominés. Jean Genet a toujours proscrit tout placage politique: il ne s’agit en aucun cas, affirmait-t-il, d’un «plaidoyer sur le sort des domestiques», mais bien plutôt d’une «architecture de vide et de mots ». Katie Mitchell s’emploie à situer la pièce dans un contexte européen bien précis, en faisant de Claire et Solange, des émigrées surexploitées.

Rien d’hystérique ni de paroxystique dans cette mise en scène qui se déroule dans l’univers feutré de la bourgeoisie néerlandaise Tout est finement réglé, de la présence discrète de la musique de Paul Clark, aux costumes léchés, un rien vulgaires,  de  Wojciech Dziedzic, dans des lumières de James Farncombe.

Les minutieuses séances à répétition d’habillage/déshabillage des uns et des autres renvoient au double travestissement des deux sœurs, et du masculin au féminin. L’apparition d’un homme, sous les traits de Madame, renforce la confusion des genres, mais aussi celle des rôles. Jusqu’au passage à l’acte: Claire meurt à la place de Madame, en ingérant la tisane destinée à sa patronne. Sans parler de la confusion des langues; elle passent parfois du néerlandais au polonais….

Subtilement dirigés, Thomas Cammaer, vulgaire et beau, incarne une Madame majestueuse et mondaine. Marieke Heebink est une Claire à double face, servile et modeste en domestique, plus hautaine en Madame mais toujours cruelle envers sa sœur, sa rivale en amour. Chris Nietvelt, avec sa silhouette frêle et longiligne, reste d’un bout à l’autre, une créature effacée. Tout ici est juste, et les intentions de la metteuse en scène, très claires.

Mais dans cet univers, il y a quelque chose d’amorti, d’étouffé qui met entre parenthèse la prose flamboyante  de Jean Genet  et le «long suicide déclamatoire» qu’il voyait dans sa pièce. On reste donc un peu sur sa faim malgré la grande qualité de cette  création…

 Mireille Davidovici

De Meiden, L’Autre Scène du Grand Avignon, à 15h 00, les 18, 20, 21 juillet, et à 22h00, le 17 juillet. En néerlandais et en polonais surtitrés.T: 04 90 14 14 14.

 voir aussi Five Truths, de Katie Mitchel, variations autour du personnage d’Ophelie dans Hamlet Maison Jean Vilar, de 11h 00 à 20h 30, jusqu’au 26 juillet. T : 04 90 86 59 66.

Les Bonnes de Jean Genet est publié aux éditions Gallimard.

 


Archive pour 19 juillet, 2017

Le Récital des postures, conception et interprétation de Yasmine Hugonnet

 

Festival d’Avignon

 

Le Récital des postures, conception et interprétation de Yasmine Hugonnet

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Photo: Anne-Laure Lechat

Bientôt elle se dénude, et ses vêtements disparaissent comme par magie. Prenant toujours soin contrôler la position de sa chevelure, elle découvre petit à petit son visage, puis la totalité de son corps, tandis que la lumière monte en intensité. Suivent une série de poses et de mouvements qui ouvrent l’imaginaire de chacun. Nous pouvons y voir une Isadora Duncan sans ses voiles, ou  un Vaslav Nijinski dans l’Après-midi d’un faune, sans son collant.

L’érotisme de ces postures passe au second plan, tant nous admirons leur plasticité dans l’espace. Le public assiste, dans un silence quasi-religieux, à la naissance de ce corps qui porte les traces d’un vécu de femme. La dernière partie de cette pièce réserve une belle surprise : une technique de contrôle vocal, que l’artiste a découvert seule, en observant son jeune enfant s’essayer à ses premières vocalises .

 Pendant cinquante minutes, cette mise à nu,  séduit. Quand Yasmine Hugonnet nous demande, vers la fin du spectacle, de ne pas résister et de laisser notre attention danser, elle  nous invite à un voyage sensible qui rappelle les magnifiques sculptures, plus vivantes que nature, d’Antoine Bourdelle ou d’Auguste Rodin, dont les musées  pourraient accueillir cette performance.

 En se dénudant, Yasmine Hugonnet devient plus réceptive à son propre corps, le comprend et le contrôle mieux. Elle nous offre un beau spectacle qui fait partie de la programmation Suisse en Avignon toujours de qualité

 Jean Couturier

 Hivernales, 18 rue Guillaume Puy,Avignon, jusqu’au 19 juillet, puis en tournée.

www.yasminehugonnet.com

hivernales-avignon.com

 

The Great Tamer, conception, composition visuelle et mise en scène de Dimitris Papaioannou

©Julian Mommert

©Julian Mommert

Festival d’Avignon

The Great Tamer, conception, composition visuelle et mise en scène de Dimitris Papaioannou

 Une des révélations de ce festival… Formé dans une école de Beaux-arts, Dimitris Papaioannou appréhende la création par l’image et le dessin. Il a d’abord été peintre, sculpteur, réalisateur de bandes dessinées, avant de se tourner vers le spectacle. Et son travail, une recherche entre danse expérimentale, théâtre physique, art du mouvement garde la trace de cette formation initiale en arts plastiques.

Célèbre pour avoir orchestré la cérémonie  d’ouverture des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, il n’est pas inconnu en France où il a été chaleureusement accueilli par la critique, avec Still Life , en 2014, au Théâtre de la Ville à Paris. Il y traitait du mythe de Sisyphe, en héros de l’absurde. On retrouve dans The Great Tamer, ces corps entremêlés d’hommes et femmes, au fil d’actions toujours  recommencées. Mais ici, cela va beaucoup plus loin.

 Sur un grand praticable gris, fait de planches amovibles et tuilées les unes sur les autres, des hommes  en noir apparaissent. L’un d’eux se dénude et s’allonge tel un gisant. Un autre le recouvre d’un linceul blanc qu’un troisième s’applique à faire voler d’un courant d’air pour dévoiler le corps…

L’action se répète ad libitum, et de plus en plus vite… On retrouvera cette image plusieurs fois au cours du spectacle. Des membres des bustes d’hommes et de femmes surgissent du sol et s’accolent pour former des monstres à plusieurs têtes, bras et jambes multiples. D’étranges créatures déambulent, sortent de la terre et y replongent, figures issues de la mythologie, des poupées  d’Hans Bellmer, ou des toiles de Chirico. Cadavres exquis.

D’images en images, toujours surprenantes et d’une grande beauté, s’esquisse un univers instable où évoluent des personnages à la recherche d’un équilibre sur un sol  qui ne cesse de se déconstruire, se boursoufler, d’avaler les êtres et de les rejeter. «Il s’agit de creuser et d’enterrer, dit le metteur en scène. Puis de révéler. Il s’agit de parler de l’identité, du passé, de l’héritage et de l’intériorité. »

La mort rôde du début à la fin. Ces excavations viennent à l’origine d’un fait d’actualité : un jeune garçon qui s’était suicidé, avait été retrouvé mort, enfoui dans la boue. Mais l’humour traverse ce lent et long voyage onirique, teinté de mélancolie, grâce à des figures du cirque : le clown, l’acrobate, grâce aussi à des citations parodiques de célèbres œuvres picturales. Comme la Leçon d’anatomie de Rembrandt qui devient un dépeçage macabre, suivi d’une orgie cannibale. Le metteur en scène joue aussi sur les conventions théâtrales, par exemple quand, allusion à Hamlet, un crâne roule en bas du plateau, image ultime…

 Cette création est aussi une véritable prouesse technique. La scénographie de Tina Tzoka avec un plateau qui s’ouvre et se referme, la précision gestuelle des onze danseurs au milieu de chausse-trappes, le rythme maîtrisé de l’ensemble où alternent brèves apparitions et images répétitives, forcent l’admiration. Une heure quarante pour le plaisir des yeux et pour l’intelligence.

Dimitris Papaioannou présente son travail au Festival d’Avignon pour la première fois,  et c’est un grand spectacle, drôle, émouvant, virtuose, accueilli avec enthousiasme par le public. Il faut courir le voir, s’il reste des places. Sinon, on pourra le retrouver au Théâtre de la Ville/ La Villette à Paris en mars prochain.

 Mireille Davidovici

 La Fabrica, Avignon, jusqu’au 26 juillet.

Du 28 au 30 septembre, Séoul Performing Arts Festival. Du 5 au 7 octobre Culturscapes Grèce, à Bâle. Du 8 au 10 novembre Dansens Hus à Stockholm et du 16 au 19 novembre, au National Performing Arts, à Taipei.

Et en 2018, les 2 et 3 mars au  Centre Culturel Bêlem, à  Lisbonne. Du 20 au 23 mars Théâtre de la Ville/La Villette à Paris; et le 29 mars au Théâtre de la Ville de Luxembourg

 

 

 

Vive les animaux, spectacle forain d’après Vinciane Despret, mise en scène de Thierry Bedard.

 

 vive les animaux

 

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 Vive les animaux, spectacle forain d’après Vinciane Despret, mise en scène de Thierry Bedard.

 A l’ombre des grands arbres, près du chapiteau de Villeneuve-en-Scène, le public prend place devant un stand de tir forain. Ambiance joyeuse: il est impatient de découvrir cette mise en scène consacrée aux animaux, déjà très nombreux, installés dans le stand : peluches colorées et animées, plus vraies que nature, comme si les betes avaient revêtu leur costume de scène pour participer à la conférence à elles dédiée.

Une jeune femme saisit le micro et se présente: philosophe, passionnée d’éthologie (étude scientifique du comportement des espèces animales incluant l’humain dans leur milieu naturel ou expérimental), elle nous invite à suivre sa conférence sur la question : Que veulent les animaux ? Que pensent-ils ? En effet selon Robert Magiorri, « La réflexion sur l’animal a connu ces dernières décennies, un essor et un approfondissement considérable. ».

Au cours du spectacle, déjanté à souhait mais aussi très instructif, grâce au texte savant de Vinciane Despret, philosophe et éthologue qui réfute de nombreux a priori sur l’espèce animale, le personnage de l’Ethologue, (Sabine Moindrot)  et son assistant-régisseur, (Julien Cussonneau) forment un duo jubilatoire qui mène avec humour une conférence surprenante.

Habituellement, le rapport entre l’homme et les animaux, est observé du point de vue de l’homme, être doté d’une intelligence et de capacités supérieures à celles de l’animal, quelle que soit son espèce : « Mais que l’homme soit un animal politique à un plus haut degré qu’une abeille quelconque, ou tout autre animal vivant à l’état grégaire, cela est évident. » écrivait déjà Aristote (330 av. J.C.) dans La Politique).

Mais ici, à travers l’analyse scientifique, Vinciane Despret rétablit une égalité,  quand elle étudie et compare le comportement des hommes vis-à-vis des animaux, et non l’inverse. Et le metteur en scène a eu la formidable idée d’avoir donné aux animaux, autant un rôle d’acteur que de  spectateur. (voir aussi Le Théâtre pour chiens du Théâtre de l’Unité il y a une dizaine d’années…)

  Un des aspects comiques du spectacle:  les animaux, tour à tour, s’animent en gesticulant , accompagnés de bruits qui en disent long. Ils surprennent et déstabilisent pour notre plus grand plaisir, la conférencière et son assistant régisseur, soudain saisis d’étonnement et d’incompréhension. Ici, les animaux sont juges et partie. Instants extravagants plein de dérision et de ridicule ! Peu à peu, le public réalise que l’homme ne serait pas le propre de l’homme, le seul maître de l’univers. Idée assez révolutionnaire !

Ce spectacle, l’air de rien, aborde dans le rire et l’ironie, les questions de la hiérarchie des espèces, et celles du racisme. La notion de politique apparaît ici comme fondamentale. En effet les analyses scientifiques sont dépendantes de l’épistémè de l’époque. Et aujourd’hui au XXIème siècle, notre regard sur les animaux se différencie de celui porté au XXème…. Il suffit de penser à Charles Darwin par exemple. « Vive les animaux » ou comment vivre avec l’animal, et observer en même temps, les questions politiques qui s’ensuivent, et peut-être ainsi améliorer les conditions animale et humaine.

Evénement scientifique, théâtral et musical. On retrouve ici Jean Grillet, fidèle artiste de la compagnie, chanteur et musicien multi-instrumentiste, qui,  avec sa guitare, fait exploser cette conférence brillante et rock’n roll.  Dans les créations de Thierry Bédard, comme Slum (2013) ou Un Rire capital (2014), en effet, la musique, souvent amplifieée, intervient presque toujours.

Thierry Bédard a conçu une remarquable dramaturgie qui lui permet de mettre en profonde relation toute l’intelligence du texte et sa dimension politique. Il laisser ainsi vibrer le son dionysiaque d’un objet ici singulier et théâtral. Vive les animaux, tout un programme !

Elisabeth Naud

Festival Villeneuve en Scène, jusqu’au 22 juillet à Villeneuve-lez-Avignon (Gard). T : 04 32 75 15 95.

 

 

 

Sosies texte et mise en scène de Quentin Defalt

 

Festival d’Avignon

Sosies texte et mise en scène de Quentin Defalt

 Auréolé du prix Théâtre ADAMI 2016, la compagnie Teknaï arrive avec son tout dernier spectacle. Après nous avoir fait voyager dans la GrandGuerre avec Les Vibrants (voir Le Théâtre du Blog), c’est vers un chemin très différent que nous emmènent les trois comédiens de ce spectacle de sosies qui sera monté par Sandrine, fan et sosie de Céline Dion.

Après la perte de son frère dans un accident de moto, son mari a décidé de réaliser son rêve en finançant le spectacle qu’elle a toujours voulu faire. Sandrine a recruté Franck, sosie de Francis Cabrel, surtout à cause de la moustache : il a bien essayé de «faire Patrick Dewaere » mais ça n’a pas pris ! On retrouve aussi Jérôme, né le jour de la mort de Michel Berger, et qui fait croire que ce sont les cheveux de Michel Berger qui poussent sur sa tête.

Un ton donné dès la première scène, après un extrait du journal télévisé d’Antenne 2 annonçant la mort du chanteur, et on retrouve notre sosie de Michel Berger entonnant Le Paradis blanc  et ses fameux cris de baleines,  avec des râles  repris par les deux autres qui rejouent la partie de tennis fatale à Michel Berger !

Quentin Defalt ose l’humour, parfois noir, mais creuse aussi ce phénomène du sosie, parfois révélateur d’un grand trouble intérieur, d’une blessure ou d’une recherche d’identité. Il  a voulu « faire théâtre » de la folie de se prendre pour un autre, et de faire de l’illusion, un art de vivre. Une folie d’apparence joyeuse, mais qui laissera  apparaître des désordres plus sombres pour ces «gens d’à-côté». Ce phénomène de sosie, qui paraît aujourd’hui un peu daté ou ringard, reste un trouble psychique qui peut aller jusqu’aux délires chroniques et  à certains états confusionnels.

Au début, on rit, on se moque un peu d’eux, et puis, en les découvrant dans leurs univers respectifs grâce à des petits films, on les découvre autrement, comme des humains et non des pâles copies. Et on remue tous au moins la tête à un moment,  sur une des chansons réinterprétées par Juliette Coulon, Gaëtan Peau ou Thomas Poitevin, parce qu’elles font partie du patrimoine ! Ils ont su trouver le bon positionnement, et, en fait, jouent un personnage mais aussi un personnage qui en joue un autre. Ils évitent parfaitement les pièges de l’imitation, de l’outrance ou du ridicule.

Un bel ovni, et un de ces trop rares spectacles où le rire apporte aussi autre chose : une réflexion sur l’identité et la difficulté d’assumer d’être soi-même.

 Julien Barsan

 Le Nouveau Ring Avignon, jusqu’au 30 juillet à 14 heures (relâche le 28 juillet) T.09 88 99 55 61

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Dans la vie aussi il y a des longueurs de et par Philippe Dorin

 

Festival d’Avignon

Dans la vie aussi il y a des longueurs de et par Philippe Dorin

 2015-03-11 10.05.33L’un des auteurs estampillés «jeune public», parmi les plus intéressants de notre génération, a fondé avec son épouse Sylviane Fortuny, une compagnie qui met en scène ses pièces depuis de nombreuses année, et  avec un grand succès.

Dès le début, notre auteur se défend de nous jouer un spectacle, avec une malice qui ne le quittera jamais ; si il avait su faire des spectacles, dit-il, il n’en écrirait pas ! Dans sa conférence, il va nous détailler ce en quoi consiste pour lui, le métier d’auteur de théâtre jeune public.

Les enfants, au centre de son œuvre, sont présents aussi par le biais de citations glanées lors d’interventions  dans des classes. Toutes plus drôles et/ou absurdes. Il nous raconte que pour lui, l’écriture était un moyen pour entrer dans la grande famille du théâtre, que ses écrits sont souvent le fruit d’un miracle, qu’il ne contrôle pas tout et qu’il se trompe souvent. Il écrit comme on vit, et c’est pour cela que selon lui, , il y a des longueurs, des temps morts et des respirations dans ses textes comme dans la vie.

Il rappelle aussi que l’écriture jeune public est moins bien considérée, mais qu’il en tire finalement une plus grande liberté, puisqu’il ne se sent pas attendu au tournant. Sa conférence est émaillée de lectures d’extraits de son œuvre,  avec pêle-mêle,  Sacré Silence, En attendant le Petit Poucet, Abeilles, habillez-moi de vous, Sœur, je ne sais pas quoi frère ou Ils se marièrent et eurent beaucoup.

Comme Philippe Dorin aime jouer, il propose au public de participer et demande qu’une lectrice lui donne la réplique depuis la salle, et qu’un couple de lecteurs se tienne derrière un cercle de petits cailloux pour lire,  ou que quelqu’un vienne aussi lire à ses côtés. Au-delà de l’essentiel de son œuvre essentielle, on découvre un homme que le sourire ne quitte jamais, joyeux et joueur, d’une grande humilité.

Cette vraie fausse conférence est à son image, un beau et léger moment et qui rend hommage à la spontanéité des enfants. Le final, plein de poésie, permet au public tout entier de se retrouver,  pour une petite performance à base de papier. Comme le dit si bien un des enfants rencontrés par Philippe Dorin: «Finalement faire du théâtre, c’est pas faire semblant, c’est faire exprès »

 Julien Barsan

 La Parenthèse jusqu’au 21 juillet à 17 heures.  T. :04 90 87 46 81

 

Le Groenland de Pauline Sales, mise en scène d’Anna Delbos-Zamore

 

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©Marc Ginot

«Marche, ne t’arrête pas tu ne vas pas tomber, ne crie pas … » Une voix dans la pénombre. Une femme, une mère qui s’adresse à sa fille. « Une expédition au Groenland, ça se décide sans prévenir, lui dit-elle.» On imagine la petite qui renâcle à l’aventure  où sa mère veut l’entraîner. On ne la verra pas, sa résistance et son incompréhension nous parvient par les mots de cette femme en fuite.

Petit à petit, la lumière gagne le plateau et la fugueuse se confie au public. En crise, reléguée au foyer, elle éprouve solitude et impression d’anéantissement. Une bonne mère pourtant, aux yeux des autres. Peur de n’a pas y arriver, surmenage, dépression. D’abord, c’est comme un jeu qu’elle propose à sa fille. Puis la situation s’aggrave, la nuit tombe, et la police s’en mêle…

Seule en scène, Florie Abras prend en charge ce texte énigmatique qui semble se perdre dans les grands froids, comme son héroïne. Son jeu, portée par une mise en scène sobre, a la dureté de l’iceberg, mais laisse émerger une sensibilité à fleur de peau, et évite les écueils du psychologisme où la pièce pourrait verser. L’auteure choisit un lieu métaphorique qui renvoie à un cœur gelé dans un corps qui s’étiole au sein du couple…

 Elle brosse ici l’envers du décor d’une maternité, supposée épanouissante. En contrepoint, quelques faits divers, égrenés par la comédienne, évoquent des  violences faites aux femmes. Le personnage de Pauline Sales n’est ni une Médée ni une Clytemnestre, et nous ne sommes pas dans la tragédie mais invités à partager le destin terrible d’une femme banale. De celles qu’on rencontre tous les jours et à laquelle Pauline Sales donne enfin les mots pour expliquer l’inexplicable.

Ce texte, écrit en 2003, continue par son actualité et sa belle écriture, à séduire de jeunes compagnies comme Les Grisettes, venue de Montpellier.

Mireille Davidovici

 

Arthephile 7 rue du Bourg-Neuf Avignon T. 04 90 03 01 90

La pièce est publiée aux Solitaires intempestifs

 

 

Dans la jungle des villes de Bertolt Brecht, mise en scène de Jérémie Stora

 

Dans la jungle des villes de Bertolt Brecht, mise en scène de Jérémie Stora

(C) jean Couturier

(C) jean Couturier

 

Neuf jours avant sa mort, en 1956, Bertolt Brecht adressait ce message aux membres du Berliner Ensemble, lors d’une tournée à Londres: «Nous devons donc jouer vite, léger et vigoureux. Il ne s’agit pas d’excitation, mais de rapidité, non pas seulement jouer vite, mais pour penser vite. Ces répliques ne doivent pas être dites avec hésitation, comme l’on offre à quelqu’un sa dernière paire de chaussures, mais elles doivent être lancées comme des balles». La jeunesse et l’énergie de l’équipe de comédiens répond bien ici à ces conseils, plus de soixante ans après la disparition de leur auteur.

 Ecrite en 1921, sa deuxième pièce s’inspire de deux romans qui ont pour cadre Chicago: La Roue de Johannes Jensen (1905) et La Jungle d’Upton Sinclair  (1906) et sera montée pour la première fois en France au Studio des Champs-Élysées, à Paris, en 1962, par Antoine Bourseiller, avec Sami Frey.

Deux hommes s’affrontent : Shlink s’adresse à Garga pour lui acheter ses opinions et son libre arbitre. Ce combat singulier n’aura pas de vainqueur : Shlink va mourir détruit par celui qu’il voulait humilier et Garga, resté seul, voit sa vie et son entourage s’effondrer. Cette version de la pièce reste d’actualité même réduite à une heure vingt et tout à fait compréhensible; elle  a été autorisée par les éditions de l’Arche, détentrices des droits. Deux belles comédiennes et quatre comédiens, dont Jérémie Stora, jouent successivement plusieurs rôles, et s’engagent totalement dans ce drame destructeur de l’être humain.

Dans une salle de cinquante places, sur un espace de jeu exigu, le metteur en scène a réalisé une scénographie astucieuse : sur  des boîtes et châssis noirs mobiles, des inscriptions à la craie  pour indiquer les éléments de décor, et trois portes pour aller vite changer de costumes.

«On nous montre nos amours, nos jalousies, nos rêves de meurtre, et on nous les montre à froid séparés de nous, inaccessibles et terribles, d’autant plus étrangers  que ce sont les nôtres, que nous croyons les gouverner, et qu’ils se développent hors de notre atteinte avec une impitoyable rigueur que nous découvrons et reconnaissons tout à la fois.» Jean-Paul Sartre parlait ainsi de la distanciation brechtienne. Une distanciation renforcée ici avec la lecture des didascalies au mégaphone, par le metteur en scène, lors de courts moments où  le jeu se fige.

Des masques d’animaux, brièvement endossés par les comédiens, ajoutent une touche de légèreté à ce combat.  Initiative audacieuse que d’avoir monté Brecht dans le Off car, aujourd’hui, la plupart des spectateurs ne savent plus qui est cet auteur passé de mode dans la plupart de théâtres de l’Hexagone.

Jean Couturier

Pixel Avignon 18 rue Guillaume Puy, jusqu’au 30 juillet, relâche le 25 juillet.
www.pixelavignon.com     

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