The Great Tamer, conception, composition visuelle et mise en scène de Dimitris Papaioannou
Festival d’Avignon
The Great Tamer, conception, composition visuelle et mise en scène de Dimitris Papaioannou
Une des révélations de ce festival… Formé dans une école de Beaux-arts, Dimitris Papaioannou appréhende la création par l’image et le dessin. Il a d’abord été peintre, sculpteur, réalisateur de bandes dessinées, avant de se tourner vers le spectacle. Et son travail, une recherche entre danse expérimentale, théâtre physique, art du mouvement garde la trace de cette formation initiale en arts plastiques.
Célèbre pour avoir orchestré la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, il n’est pas inconnu en France où il a été chaleureusement accueilli par la critique, avec Still Life , en 2014, au Théâtre de la Ville à Paris. Il y traitait du mythe de Sisyphe, en héros de l’absurde. On retrouve dans The Great Tamer, ces corps entremêlés d’hommes et femmes, au fil d’actions toujours recommencées. Mais ici, cela va beaucoup plus loin.
Sur un grand praticable gris, fait de planches amovibles et tuilées les unes sur les autres, des hommes en noir apparaissent. L’un d’eux se dénude et s’allonge tel un gisant. Un autre le recouvre d’un linceul blanc qu’un troisième s’applique à faire voler d’un courant d’air pour dévoiler le corps…
L’action se répète ad libitum, et de plus en plus vite… On retrouvera cette image plusieurs fois au cours du spectacle. Des membres des bustes d’hommes et de femmes surgissent du sol et s’accolent pour former des monstres à plusieurs têtes, bras et jambes multiples. D’étranges créatures déambulent, sortent de la terre et y replongent, figures issues de la mythologie, des poupées d’Hans Bellmer, ou des toiles de Chirico. Cadavres exquis.
D’images en images, toujours surprenantes et d’une grande beauté, s’esquisse un univers instable où évoluent des personnages à la recherche d’un équilibre sur un sol qui ne cesse de se déconstruire, se boursoufler, d’avaler les êtres et de les rejeter. «Il s’agit de creuser et d’enterrer, dit le metteur en scène. Puis de révéler. Il s’agit de parler de l’identité, du passé, de l’héritage et de l’intériorité. »
La mort rôde du début à la fin. Ces excavations viennent à l’origine d’un fait d’actualité : un jeune garçon qui s’était suicidé, avait été retrouvé mort, enfoui dans la boue. Mais l’humour traverse ce lent et long voyage onirique, teinté de mélancolie, grâce à des figures du cirque : le clown, l’acrobate, grâce aussi à des citations parodiques de célèbres œuvres picturales. Comme la Leçon d’anatomie de Rembrandt qui devient un dépeçage macabre, suivi d’une orgie cannibale. Le metteur en scène joue aussi sur les conventions théâtrales, par exemple quand, allusion à Hamlet, un crâne roule en bas du plateau, image ultime…
Cette création est aussi une véritable prouesse technique. La scénographie de Tina Tzoka avec un plateau qui s’ouvre et se referme, la précision gestuelle des onze danseurs au milieu de chausse-trappes, le rythme maîtrisé de l’ensemble où alternent brèves apparitions et images répétitives, forcent l’admiration. Une heure quarante pour le plaisir des yeux et pour l’intelligence.
Dimitris Papaioannou présente son travail au Festival d’Avignon pour la première fois, et c’est un grand spectacle, drôle, émouvant, virtuose, accueilli avec enthousiasme par le public. Il faut courir le voir, s’il reste des places. Sinon, on pourra le retrouver au Théâtre de la Ville/ La Villette à Paris en mars prochain.
Mireille Davidovici
La Fabrica, Avignon, jusqu’au 26 juillet.
Du 28 au 30 septembre, Séoul Performing Arts Festival. Du 5 au 7 octobre Culturscapes Grèce, à Bâle. Du 8 au 10 novembre Dansens Hus à Stockholm et du 16 au 19 novembre, au National Performing Arts, à Taipei.
Et en 2018, les 2 et 3 mars au Centre Culturel Bêlem, à Lisbonne. Du 20 au 23 mars Théâtre de la Ville/La Villette à Paris; et le 29 mars au Théâtre de la Ville de Luxembourg