Ibsen huis d’après Henrik Ibsen, adaptation et mise de Simon Stone

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

 

Festival d’Avignon 

 

Ibsen huis daprès Henrik Ibsen, adaptation et mise de Simon Stone

 L’acteur, metteur en scène et auteur australien est invité ici pour la première et a rencontré un franc succès avec un montage de pièces d’Henrik Ibsen. Il avait déjà fréquenté le dramaturge norvégien (1828-1906), avec  Le Canard Sauvage, reçu avec enthousiasme au Holland Festival en 2013.

A partir de la même pièce, il réalise The Daughter, son premier long-métrage, sorti en 2016. Simon Stone aime travailler à la lisière de la performance cinématographique et nous convoque à une sorte de saga familiale en forme de feuilleton, à partir des personnages de plusieurs pièces d’Ibsen.
 Il construit l’histoire des Kerkman sur cinq générations et en trois actes : Le Paradis, Le Purgatoire, L’Enfer. Sur cette la famille, pèse une malédiction engendrée par une mère, et transmise à ses fils et leur descendance… Henrik Ibsen a toujours été attentif aux drames familiaux et son théâtre semble pour Simon Stone une source inépuisable d’inspiration: « Cette pièce, dit-il, est un nouvel objet, écrit pour les acteurs. Les thèmes et les personnages émanent de l’univers d’Henrik Ibsen. Les sources sont plus utilisées comme des atmosphères et donnent le ton moral de la pièce, son orientation possible. »

On peut retrouver au fil des séquences, le personnage de Solness le constructeur  dans Cees, la figure centrale de la pièce et celui par qui tout le mal arrive, et les parents du Petit Eyolf en Jacob et Lena. Mais aussi des transfuges des Revenants ou d’Un ennemi du peuple, d’Une maison de poupée, et du Canard sauvage. Mais on n’a pas besoin de connaître ces œuvres pour suivre, à cheval sur deux siècles, et principalement des années 1960 à aujourd’hui, le destin tragique de cette tribu.

 Les multiples actions se situent dans leur maison de vacances de  style design années 1960, un écrin transparent ( la scénographie est signée Lizzie Clachan), toute en verre et en acier sur un plateau tournant. Le public plonge ainsi dans l’intimité d’une famille et assiste aux affrontements des couples, des frères, des cousins, des parents et des enfants. Les séquences s’enchaînent, de la cuisine à la chambre, jusqu’au grenier, et d’une période à une autre. La tournette permet aussi leur simultanéité.

 Peu à peu, la complexité des relations s’éclaire, et on s’amuse à reconnaître qui est qui, les acteurs interprétant plusieurs rôles. Un événement en recoupe un autre qui a lieu, en fait… vingt ans plus tard. Cette maison Ibsen est un foyer névralgique, témoin des conflits, traumatismes et abus qui ont perduré dans cette famille. Mais aussi le lieu métaphorique du mal, de la faute initiale,  soigneusement enfouie par lâcheté, hypocrisie et compromission.

Et comme, pour Ibsen, rien ne peut laver les péchés de la mère et de la famille, un foyer qui se construit sur le mensonge et la corruption, est voué à sa perte. Malgré le temps qui passe et les générations qui se succèdent, la famille reste prisonnière du système et de ses dysfonctionnements. S’ensuivent alors une lutte sans fin des personnages contre un destin abimé, leurs tentatives pour guérir des blessures du passé et recommencer à zéro.

 Pendant trois heures quarante-cinq entr’acte compris, les onze comédiens du Toneelgroep d’Amsterdam, la troupe d’Ivo Van Hove, endossent chacun deux ou trois personnages. Tous excellents, ils nous emmènent, malgré les abondants surtitrages,  dans cet univers aux apparences paradisiaques qui s’avèrera cauchemardesque.

Dans la deuxième partie, les fantômes se mêlent aux quelques survivants. Nous sommes en 2017 et Caroline, victime de son oncle Clees  (Hans Kesting, le Richard III de Kings of War, monté par Ivo van Hove), qui escroqua son père et la viola petite fille, essaye en guise de résilience, de transformer la maison maudite, en foyer pour femmes battues ou en centre d’accueil pour les migrants. En vain.

 Même bien mises en scène et bien jouées, ces irruptions dans le présent immédiat ne nous ont pas vraiment convaincus, d’autant qu’elles tirent en longueur. Était-il nécessaire de coller autant  à l’actualité pour faire passer le message ? Simon Stone écrivait lui même : «Il est très difficile de prendre du recul sur cette notion, puisque nous sommes en perpétuelle adhésion avec le présent. Nous réécrivons alors le passé, pour mieux saisir ce qui nous arrive. »

 Malgré tout, Ibsen Huis restera un moment de théâtre mémorable, longuement salué par le public.

 Mireille Davidovici

Le spectacle (en néerlandais surtitré) a été joué au lycée Saint-Joseph, à Avignon, du 16 au 20 juillet.

Stadsschouwburg Amsterdam, du 8 au 17 février 2018.

 

 

 

 

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