Plus léger que l’air de Frederico Jeanmaire, mise en scène de Jean Lacornerie
Festival d’Avignon
Plus léger que l’air de Frederico Jeanmaire, traduction d’Isabelle Gugnon, adaptation de Martine Silber et Jean Lacornerie, mise en scène de Jean Lacornerie
«Je vais vous raconter quelque chose. On apprend toujours quelque chose des personnes âgées de quatre-vingt quinze ans. [… ] L’histoire de ma mère […] Merci d’avoir envie de m’écouter. » Elizabeth Macocco campe une solide nonagénaire, chic et coquette. Elle s’adresse au public, quand des cris étouffés retentissent derrière une porte de son petit appartement…
Elle y a enfermé un jeune garçon qui avait essayé de lui voler ses économies, et c’est à lui que s’adresse l’histoire extravagante de sa mère : «Vous vouliez me voler mon argent, je vous vole votre temps. Tant que je n’aurai pas terminé l’histoire de ma mère, je n’ai pas l’intention de vous laisser sortir», dit-elle à Santi, sa victime, qu’elle rudoie, insulte et chapitre, en maîtresse d’école qu’elle prétend avoir été.
Dans ce jeu du chat et de la souris, la vieille dame indigne va abuser de son pouvoir, et imposer au prisonnier ses quatre volontés, à travers une porte qui restera close jusqu’au bout. Ses cris, sifflements et coups insistants n’y feront rien, pendant qu’elle lui relate la fin tragique à vingt-trois ans, de cette mère qui rêvait de piloter un avion: «Le désir de n’importe quelle femme est plus léger que l’air. » Ainsi conclut la narratrice, avant d’ouvrir le gaz de la cuisinière…
La comédienne, avec le talent qu’on lui connaît, s’empare de cette nouvelle, entre thriller et conte extravagant, signé Frederico Jeanmaire, auteur argentin. Elle porte avec élégance l’humour teinté de cruauté, propre à la plupart des écrivains sud-américains, sous la méticuleuse direction de Jean Lacornerie, actuel directeur du Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon, où ce spectacle a été créé en février dernier.
Légère comme l’air, Elisabeth Macocco instaure un rapport ludique avec le public qui devient son partenaire, comme pris en otage et sommé de l’écouter, au même titre que Santi, tempêtant derrière le mur. C’est la belle trouvaille de cette mise en scène mais Jean Lacornerie a un peu négligé le traitement du jeune homme, (Quentin Gibelin) dont la présence bruyante manque de cohérence. Le personnage a pourtant une histoire, lui aussi, telle qu’elle nous parvient par bribes, de la bouche de la vieille dame.
Cependant, Elizabeth Macocco, que l’on a vu dernièrement dans Bettencourt Boulevard de Michel Vinaver, mise en scène de Christian Schiaretti, nous offre ici, encore une fois, un grand plaisir de théâtre.
Mireille Davidovici
Le Petit Louvre, 23 rue Saint-Agricol, Avignon, jusqu’au 30 juillet. T. : 04 32 76 82 79 théâtre-petit-louvre.fr
Le texte est publié aux éditions Joëlle Losfeld.