La Fiesta, conception, direction artistique et chorégraphie d’Israel Galvan.

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon

La Fiesta, conception, direction artistique et chorégraphie d’Israel Galvan

Israel Galvan a conçu une fête atypique et débridée pour cette Cour d’Honneur mythique où il essaye d’apprivoiser le public et de le faire entrer dans sa folie, en déconstruisant un spectacle, attendu comme une performance et qui devient un joyeux bazar sans codes. Une folie dont nous avions assisté aux prémices à l’Espace Cardin, avec Fla.co.men, spectacle qu’il avait créé il y plus d’un an au Théâtre de la Ville mais qu’il avait dû interrompre à cause d’une blessure au genou qui l’a tenu éloigné des plateaux plusieurs mois.

Son flamenco, si on peut l’appeler ainsi  (il dit l’avoir appris dans les fiestas et tablao), se nourrit ici de l’invention de ses musiciens, chanteurs et danseurs.  On avait vu à la carrière Boulbon en 2009  El Final de este estado de cosas, d’après l’Apocalypse de Jean. L’énergie intense enfermée dans le corps de ce danseur se libère en gestes précis, cassants et brutaux. Il se cambre, donne à ses mouvements des angles impossibles, répond constamment à ses musiciens, qu’il défie à sa manière.

 De ce corps, chaque membre jouant une partition spécifique: ses dents, ses doigts, son torse, son ventre et… ses  pieds bien sûr. Il peut évoluer sur n’importe quel support, comme il le prouve ce soir-là, en faisant résonner les murs de la  Cour que ses partenaires ont investi. il descend depuis les gradins et fait irruption sur la scène, puis danse une dizaine de minutes au sol, tandis que les musiciens, chanteurs et danseurs donnent libre cours à toutes les excentricités.

Chacun semble vouloir changer de rôle. «Je ne suis ni un esprit rebelle, ni un génie, dit-il, et je ne suis pas encore désabusé. Je suis seulement un danseur de flamenco libre».  Une soirée de liberté parfois hystérique et trop longue pour certains qui, agacés, ont manifesté avec bruit leur mécontentement..

Un chœur d’hommes, installé au milieu du  public, entonne des chants byzantins, en contrepoint des lieders d’une soliste et d’autres chanteurs, tandis qu’Israel Galvan les accompagne, en perpétuel décalage. Des chaises délimitent l’espace de jeu et plusieurs estrades, montées sur ressorts,  servent à déstabiliser la danse. Pendant près d’une heure dix, cette association de «pirates» de la Cour d’honneur crée une atmosphère de fin de banquet. Et les vingt dernières minutes où Israel Galvan retrouve son rôle de performeur et de  destructeur de flamenco, font fuir certains spectateurs, dégoûtés de cette épreuve.

 Ceux qui restent semblent heureux , tout comme le chorégraphe et ses partenaires. Au moment des saluts, ils sourient aux spectateurs en ayant la sensation d’ avoir réussi à nous faire entrer dans ce  délire jubilatoire d’enfant qui tente tout.

Jean Couturier

Le spectacle s’est joué à la Cour d’Honneur du Palais des Papes jusqu’au 23 juillet.
Tournée en Espagne et en France
Théâtre de la Ville à Paris, du 6 au 12 juin 2018.

Festival-avignon.com

     


Archive pour 24 juillet, 2017

Les Pâtissières de Jean-Marie Piemme, mise en scène de Nabil El Azan

 

Festival d’Avignon

photoaffichesanscopyright-300x205Les Pâtissières  de Jean-Marie Piemme, mise en scène de Nabil El Azan 

 Les trois sœurs de la pâtisserie Charlemagne, Mina, Flo et Lili ont dû vendre la boutique ancestrale à un promoteur et mettre un terme à leur activité. Entre la maison de retraite et leurs  souvenirs, elles répondent à l’interrogatoire-réel ou imaginaire-d’un policier qui enquête sur la disparition du marchand de biens…

Nous avions vu le spectacle à sa création, au Théâtre des Déchargeurs, mais, entre temps, il a été rodé et débarrassé d’une scénographie encombrante. Dans le sobre décor qu’offre cette chapelle du 13e siècle, aménagée en confortable salle de spectacle, la pièce de Jean-Marie Piemme trouve toute sa force et son humour caustique, portée par une distribution taillée sur mesure.

Comme chez Anton Tchekhov, trois caractères s’opposent : l’aînée  (Christine Murillo) se sent responsable du naufrage de la maison Charlemagne, et tente de ramener à la raison sa cadette (Chantal Deruaz), râleuse patentée, prompte à vilipender l’époque et  «le goût merdeux» du «client standard»,  et la benjamine (Christine Guerdon), restée fleur bleue, malgré son âge.   Mais grand chose  de tchékovien dans l’écriture tonique de l’auteur belge, même si un brin de nostalgie se glisse entre les lignes. « Mais ne nous y trompons pas, dit-il, ces pâtissières en bout de course n’ont rien perdu de leur éclat. Elles savent rebondir. Au pied du mur inéluctable que dressent devant elles, le devenir d’une société grise et les spectres de la vieillesse, ce sont trois femmes combatives qui se dressent. Trois femmes[…] que le sens de l’humour n’a pas déserté, trois femmes tour à tour agressives, tendres, violentes, défaites, enragées, (dangereuses ?). »

 Nabil el-Azan a su manier avec tact cette comédie «pâtissière», sous-tendue par une intrigue policière qui tient en haleine. Derrière le goût sucré  de cette pièce saupoudrée d’une pincée de burlesque, grâce à la  plume subtile de Jean-Marie Piemme,  subsiste une pointe d’amertume. À savourer …

Mireille Davidovici

 Petit-Louvre, 3, rue Félix-Gras, Avignon. T. 04 32 76 02 79,jusqu’au 30 juillet.

 La pièce est publiée aux éditions Lansman

Festival Chalon dans la rue

la nuit unique

la nuit unique


Festival Chalon dans la rue
La Méchanceté de et par Catherine Fornal

Catherine Fornal incarne Hilda Berg, une artiste-thérapeute au fort accent germanique qui se guérit elle-même,  en donnant des conseils aux autres. «Je voudrais nous guérir de la méchanceté. La kinesthésie est une maladie neurologique rare». Elle interprète une danse ridicule, s’enroule dans le tissu plastique blanc du décor. «Toutes ces maladies prouvent que je suis méchante ! ». Elle se déchaîne, parle trop fort, et on a parfois du mal à la comprendre. Le spectacle est encore en devenir, mais Catherine Fornal a tout d’une véritable actrice qui n’a peur de rien.

La Nuit Unique

Réalisé par le Théâtre de l’Unité (voir Le Théâtre du Blog), ce spectacle  que nous voyons cette fois sur des gradins de 11 h du soir  à 7 h du matin, moment où l’on peut  savourer un somptueux petit déjeuner servi par les acteurs.
Parmi les visions étranges qui subsistent en mémoire : «La nuit, dit Laurie,  c’est bien parce qu’elle dort ! (…) Pour Alexandre, « la nuit c’est le moment où il est le plus vivant… ». Fantasio met tout en rythme : «Veuillez vous mettre en mode suspension, toutes les histoires que nous allons vous raconter sont des histoires vraies ». On distribue des doudous aux deux cent personnes allongées sur leurs coques rouges  dans un gymnase.

Mot d’ordre: « La nuit unique, l’hôtel le moins cher ». Beaucoup moins de sommeil, que pendant une première nuit plus confortable… lors d’une première vision de ce spectacle mais un épuisement salutaire et une belle surprise. Il faut aller voir cette Nuit Unique, si vous la croisez sur votre chemin.

Perhaps all the dragons par le groupe Berlin (Belgique) direction artistique de Bart Baele et Yves Degryse

Nous arrivons aux Abattoirs. Dans une salle, on a disposé une dizaine d’écrans en cercle que nous sommes invités à aller regarder, en suivant les indications mentionnées sur une carte postale qu’on nous a distribuée. D’abord à la place 27, on peut écouter Roman Abramov parler du Bolchoï, de se 1.768 sièges, de la claque qu’il faut savoir diriger pour récolter de gros billets, de 300 à 500 roubles. «  Les danseurs craignent que leurs exploits ne finissent sur le silence (…) Les « claqueurs » à Moscou ont survécu. Ici, on peut tout acheter !». Changement d’écran : «Je m’appelle Philippe Capel. Le monde a rétréci grâce à la com, toujours plus rapide ? »
D’écran en écran, on traverse les continents. Sans présence humaine concrète, on se prend à détester ce meilleur des mondes qui n’en finit pas de communiquer en pure perte.

La Figure du baiser par la compagnie Pernette

Six danseurs au corps grimé s’élancent dans la cour du vieil hôpital de Chalon. Nous sommes guidés par une voix qui nous intime l’ordre de nous déplacer dans la cour. Trois filles et trois garçons font preuve d’une étonnante élasticité et d’une grande complicité entre eux, partagée par le public. Le maître de ballets nous intime parfois l’ordre de nous mêler aux évolutions des danseurs qui peuvent nous prendre par la main. Joyeux, insolite, parfois drôle. On aperçoit Nathalie Pernette embusquée derrière un arbre.

Lady Libertad, de et par Armel B.

Dans la cour de l’ancienne prison de Chalon, les gens s’entassent sous le soleil, Armel place les gens longuement, avec un fort accent sud-américain, et plante le décor de Roméo et Juliette : « Imagine une fille du Sud, des maisons en pierre, la glycine qui s’enroule sur le rosier. Imagine les familles, la guerre et la bêtise humaine ».
Elle profère des injures en espagnol, joue la demande en mariage de Juliette : « Je m’appelle Juliette, j’ai 14 ans. Voici le vaillant Paris »… Cassius voit Juliette dans les bras d’un très jeune homme, Armel B danse avec un spectateur, monte sur la chaise, joue plusieurs personnages avec dextérité. Juliette a choisi la fuite avec des médicaments : «Réfugiés, on y est arrivés, merci d’avoir ouvert la porte». Puis, elle enlève sa perruque, perd son accent: « Je me suis mariée, j’ai un enfant ».

Antipodes, direction artistique de Lisie Philip, univers musical de Laurent Tamagno

Trois acrobates-danseurs s’affrontent avec un Fenwick qui roule dans tous les sens. Il s’y suspendent, montent dessus, le chevauchent dangereusement, sous les ordres impérieux d’un conducteur voilé. Il faut tenir la cadence, obtenir de bons rendements. Mais on peut aussi se révolter et dominer la bête: ce qui finit par arriver…

Edith Rappoport

Le Festival Chalon dans la rue a eu lieu du du 19 au 23 juillet.

Lorenzaccio d’Alfred de Musset, mise en scène Marie-Claude Pietragalla, Daniel Mesguich et Julien Derouault

 

Lorenzaccio d’Alfred de Musset, mise en scène de Marie-Claude Pietragalla, Daniel Mesguich et Julien Derouault

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CMATRAS/SDP

Dans   Florence à la Renaissance…  un mauvais lieu, le jeune Lorenzo, poète, curieux des sciences, rêvant de République, se fait bouffon tapageur auprès de son cousin le Duc.

Faux pleutre, amuseur public, méprisé sous le surnom de Lorenzaccio, il donne à chacun ce qu’il attend. Il s’encanaille, faisant éclater le vide des valeurs d’ “honneur“, de vengeance, flacon ignoble, dit-il, renfermant une liqueur précieuse…

Autour de lui, il n’y a guère que les femmes pour accorder une importance à l’amour, au sentiment vrai et sincère. Mais la corruption est trop efficace… Alfred de Musset l’a bien compris: on ne peut pas jouer au méchant sans se salir les mains, ni se salir les mains, sans toucher au fond de son âme.

Lorenzo osera ce à quoi prétendaient les Républicains, avec, à leur tête, les Strozzi : tuer le tyran. En l’attirant dans un piège, il prend le risque de mettre en jeu la vie de sa propre sœur, pure jeune fille, et de désespérer leur mère. Et tout cela pour rien : dans une vision romantique, aristocratique, Alfred de Musset n’attend rien d’un peuple réclamant aussitôt un nouveau tyran, qu’inertie et lâcheté.

On suit l’affaire de bout en bout : cette mise en scène nous livre la fable du drame avec une parfaite clarté. Les danseurs-acteurs et les acteurs-danseurs tiennent le pari d’une gestuelle forte, et d’une bonne diction. Virtuoses, ils servent le texte sur tous les tons : le grotesque, le tragique, le sentimental aussi, et avec une véritable générosité. Mention spéciale à  Julien Derouault dans le rôle-titre, danseur parfait, comédien sans peur et sans reproche, avec ce qu’il faut de malice, de sincérité, et d’énergie sans faille. Chapeau!

Mais le texte ne sert pas aussi bien Marie-Claude Pietragalla, dans le rôle de la marquise Cibo, tiraillée entre l’orgueil, la crainte et la tentation décevante de l’adultère. Splendide danseuse-inutile de le redire-malgré un costume peu convaincant, jupon de tulle blanc et frac noir.

L’emballage de ce Lorenzaccio? Plus discutable : l’orgie initiale, sur fond de lumières rouges avec accessoires empruntés aux cabarets sado-maso de Pigalle, masques et lanières, même bien dansée, reste conventionnelle.  Le travail de vidéo et de lumières de Gaël Perrin fait souvent pléonasme avec les scènes jouées et dansées, sans éclairer la situation ni le lieu : nuit , jour, palais, rue ?

Quelques belles trouvailles: silhouettes aux fenêtres, candélabres dans les niches de la façade, ne compensent pas lourdeurs et répétition des effets. D’autant que la vidéo “bave“ parfois ! Même critique pour la musique trop présente, piège facile à émotions.

Ce Lorenzaccio a pour ambition d’être un grand spectacle. Il aurait pu l’être avec, au départ, une vraie réflexion dramaturgique sur la lumière et la musique. Mais la chorégraphie des intermèdes purement dansés reste assez pauvre, et on pouvait espérer mieux. Et ce mieux, on l’a quand même sur un point : cette ébauche d’un «théâtre du corps » fonctionne. Les corps reçoivent les mots et les transforment, sans artifice et avec de vraies trouvailles poétiques (le fantôme de Louise Strozzi sur le dos de son père…). C’est en effet une bonne piste, beaucoup plus intéressante, avec la présence à part égale, d’un texte fort et d’un ballet narratif :  le pari de Marie-Claude Pietragalla et de Julien Derouault, avec Daniel Mesguich est réussi. Mais dommage, on en reste à une esthétique de mauvaise comédie musicale…

Christine Friedel

Fêtes nocturnes du Château de Grignan, Drôme jusqu’à 19 août. T. 04 75 91 83 50 chateaux-ladrome.fr

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