Is there life on mars d’Héloïse Meire
Is there life on mars d’Héloïse Meire
Le théâtre des Doms devenu le lieu de la création belge en Avignon, avec des spectacles sont souvent originaux et bien conçus. Comme celui-ci, créé par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Sur le plateau, quatre petites tables avec un micro, et deux hommes et deux femmes. Casque aux oreilles, ils commencent le spectacle, en répondant à la question posée aux spectateurs dans la file d’attente : Qu’est-ce que l’autisme vous évoque» ?
Derrière eux, un mur avec des carrés et rectangles que l’on verra s’ouvrir, s’éclairer, mais aussi montrer, cacher pendant tout le spectacle. Suivent de nombreux témoignages de parents ou d‘autistes eux-mêmes. Les comédiens ne quitteront pas leur casque, retransmettant les paroles enregistrées.
On découvre d’abord un couple de parents qui relate la gêne d’un médecin et sa difficulté à poser un diagnostic et qui raconte son soulagement, quand eux-mêmes prononcent le mot « autisme ». On apprend de la bouche de Joseph, un autiste de trente-quatre ans qu’il y a plusieurs formes de cette maladie. Il nous parle de la petite comédie sociale qu’il doit jouer pour être dans les conventions des gens «normaux» : acquiescer de temps en temps, regarder la personne qui parle …. Il nous explique aussi le principe de la synesthésie, commun à certains autistes, qui consiste à associer deux sens : les lettres ont une couleur, un son. Joseph tente de nous faire vivre son monde, son ressenti, cette impression de cacophonie permanente et illustrée concrètement sur scène, quand le mur laisse apparaître des bruits de chantier et d’ alarmes, et des perturbations lumineuses suffisantes à rendre fou. François Regout qui incarne Joseph fait entendre une toute petite voix aigüe, mais sans moquerie, et avec un grand talent : c’est à la fois très juste et émouvant.
Les comédiens essayent au maximum de nous faire ressentir ce que vivent les personnes atteintes d’autisme. Ce neuro-atypisme est plus à considérer comme un handicap, plutôt qu’une différence dans la manière de penser et de percevoir le monde qui nous entoure. L’autisme ne « s’attrape » pas et ne se « guérit » pas. De la même façon qu’une personne née aveugle n’est pas « malade de la vue », mais aveugle…
Ici, aucun apitoiement ni angélisme, mais un voyage vers une terre inconnue pour beaucoup d’entre nous… Muriel Clairembourg, Léonore Frenois, Jean-Michel d’Hoop et François Regout proposent un spectacle poétique, aux confins d’un certain surréalisme, avec des images dans des niches du décor, ou avec le travail d’un jeune autiste qui dessine des réseaux imaginaires de transports en commun…
Un spectacle nourri par des lumières et de nombreuses images qui apparaissent entre les scènes. Et par un son très recherché alternant ambiances sonores et musique pure, comme le suggère le titre. Un très beau travail d’ensemble mené par Héloïse Meire, et un voyage superbe sur une autre planète que les outils du théâtre et de l’imaginaire servent avec talent et humilité.
Julien Barsan.
Le spectacle a été joué au Théâtre des Doms, Avignon, jusqu’au 26 juillet.