La Nostalgie des blattes, texte et mise en scène de Pierre Notte

La Nostalgie des blattes,  texte et mise en scène de Pierre  Notte

©Giovanni Cittadini Cesi

©Giovanni Cittadini Cesi

 Deux vieilles femmes, assises sur leur chaise, côte à côte, sur une estrade au centre d’un plateau nu. On soupçonne vite qu’elles y resteront vissées jusqu’au bout. Clin d’œil à Samuel Beckett ? « On n’aura personne » se lamente l’une. Pourquoi est-ce qu’on n’aurait personne ? » réplique l’autre. «Depuis que vous êtes là », accuse la première.  Cela commence donc mal entre ces deux-là, que tout oppose. L’une (Catherine Hiegel) a la gouaille d’une ancienne prostituée, l’autre (Tania Torrens), plus classe, plus effacée mais plus habile à simuler un Parkinson, que sa comparse, à singer un Alzheimer. Autrefois elle a joué La Mouette. Mais de mouettes, ici, point, pas plus que de blattes, d’abeilles, ni la moindre poussière. La brigade sanitaire veille au grain.

 Dans ce monde sans alcool, sans tabac, sans gluten, sans intimité, sans amour, il leur reste la nostalgie des choses disparues, en attendant non un hypothétique Godot, mais un client… On comprendra bientôt qu’il s’agit d’une sorte de musée. Telles deux bêtes de foire, Tania et Catherine exhibent leurs rides et cheveux blancs : une espèce en voie de disparition, ni liftées ni botoxées comme les autres humains dans ce monde aseptisé. D’abord, à couteaux tirés, elles fumeront bientôt le calumet de la paix, en se roulant une dernière cigarette…

Rythmé par les chutes récurrentes d’étranges engins volants, le dialogue va bon train. Pierre Notte a écrit ce texte à la demande, et sur une idée des comédiennes. Ils s’étaient rencontrés à la Comédie-Française, alors qu’il y était secrétaire général et elles, sociétaires. «J’ai commencé à écrire et nous nous sommes vus tous les trois (…) se souvient l’auteur. Soirées mémorables à reprendre, couper, travailler, relire, recommencer, retravailler ( …) Une pièce fondée sur des principes contradictoires : ces femmes, emprisonnées dans une station assise, finissent peut-être par se lever.»

Il en résulte un texte sur mesure, et qui se voudrait à la mesure de ces grandes interprètes. Sans jamais perdre le tempo, elles s’affrontent, pactisent puis s’opposent à nouveau, pour mieux se retrouver. Malgré ces variations de régime, la machine à jouer, après avoir démarré au quart de tour, s’enraye. Changements d’humeur, dialogues caustiques et tension du jeu ne suffisent pas à relancer une situation qui s’enlise en fin de partie. Et l’ombre d’un mystérieux dissident, qui rôderait dans les parages ne fait pas vraiment rebondir l’action dramatique. Reste un beau moment de théâtre, à passer en compagnie de ces comédiennes exceptionnelles.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 8 octobre, Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin-Roosevelt  Paris VIIIème. T. : 01 44 95 98 21 www.theatredurondpoint.fr

Et du 13-16 mars, Comédie de Picardie, Amiens ; du  20 au 22 mars, Comédie de Caen ; les 23 et 24 mars, Théâtre Montansier, Versailles. Du 27 au 29 mars, Comédie de Saint-Etienne. Le 30 mars, Théâtre municipal de Sens (Yonne).
Les 10 et 11 avril, Théâtre Jean Vilar, Suresnes. Le 12 avril, Théâtre Jacques Cœur, Lattes ( Val-de-Marne). Le 19 avril au Pont des arts, Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine)

 La pièce est publiée à l’Avant-Scène Théâtre.

 

 

 

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