La salle Gémier à Chaillot-Théâtre National de la danse enfin rénovée

 

La salle Firmin Gémier du Théâtre National de Chaillot enfin reconstruite

 IMG_871Quatre ans de travaux, auxquels plus grand monde n’avait d’abord cru à cause des problèmes architecturaux que cela supposait, mais bon, voilà c’est fait, et Paris peut compter sur une salle à la fois fonctionnelle et chaleureuse qui fait oublier l’ancienne dont avait rêvée Jean Vilar, et que son successeur Georges Wilson avait réalisé en 1967, à la place d’une  caféteria  d’origine donnant sur l’actuel palier où est installé le contrôle.

Concue par Jean de Mailly et Jacques Lemarchand, scénographe, et baptisée du nom de Firmin Gémier, fondateur du Théâtre National Populaire, cette salle-c’est le moins qu’on puisse dire-n’était pas un chef-d’œuvre : piliers de béton d’origine encombrant le fond de scène, peu de dégagements sur le plateau, manque de visibilité sur les côtés au parterre, et au balcon après le premier rang, bruits fréquents de patins à roulettes sur la dalle au-dessus jusqu’à une date récente, fuites d’eau dans les loges en cas d’orage, accès mal commode par les escaliers extérieurs de l’esplanade, jusqu’à ce que Jérôme Savary obtienne du Ministère la création d’un couloir la reliant directement au théâtre, obligation de démonter les sièges du centre quand on voulait faire passer des décors volumineux…

Bref, rien n’était dans l’axe pour le public, les techniciens et les artistes; cela dit, pendant presque cinquante ans, elle aura vu fleurir bien des mises en scène de compagnies théâtrales-et non des moindres-comme celles entre autres, de Stuart Seide, Claude Régy, Roland Topor, et le Magic Circus de Jérôme Savary avant qu’il ne devienne le directeur de Chaillot.

 Après le creusement d’un puits depuis le haut de la dalle, c’est une salle conçue avec beaucoup d’intelligence par l’architecte Vincent Brossy, modulable confortable et reliée au Grand Foyer du Théâtre par un bel escalier. Avec un vaste plateau de 180 m2, un gradinage rétractable de 390 places, un équipement technique de pointe, et un accès décors par  l’avenue du Président Wilson dont la salle Jean Vilar bénéficiera aussi, la salle Firmin Gémier s’avèrera vite indispensable. La création d’un silo technique de 750 m2, contigu à la nouvelle salle, aura un fonctionnement autonome avec des espaces de réserves pour les services techniques. la salle Jean Vilar

Le public pourra aussi accéder aux jardins du Trocadéro par les portes d’entrée d’autrefois, et voir les fresques de peintres célèbres comme Bonnard, Vuillard, Brianchon ; de qualité très inégale, elles témoignent cependant de la peinture française entre les deux guerres. On retrouvera aussi une fresque d’Othon Friez et L’Âme et la Danse, une sculpture d’Armel Beaufils pour laquelle deux danseuses des Ballets russes avaient servi de modèle. En plâtre d’environ trois mètres de haut, elle avait été conçue en 1937 pour Chaillot, puis déposée en 1964 lors de la création d’un bar, et installée un temps, salle Pleyel…

 Ces travaux sont la première tranche d’un schéma directeur de rénovation du théâtre avec notamment l’ouverture d’un restaurant et d’une librairie permanents mais aussi la création d’un gradinage en béton avec en dessous la création d’une salle de répétition aux dimensions du plateau de la grande salle Jean Vilar.

Il y  aura aussi des répétitions ouvertes, bals participatifs, et visites décalées du théâtre. Le public pourra ainsi découvrir la salle dans différentes configurations : répétitions ouvertes, improvisations collectives animées par un panel de jeunes chorégraphes, et bals participatifs animés par Blanca Li.
Les artistes Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna feront découvrir ces espaces lors de visites guidées. Et Anne Nguyen, chorégraphe associée à Chaillot, y créera Kata, une pièce de hip hop pour huit interprètes du 11 au 20 octobre.

 Philippe du Vignal

Théâtre National de Chaillot, 1 place du Trocadéro (XVIème). T. : 01 53 65 30 00.

Visites, répétitions et jam sessions : accès libre sur réservation.  Bals : tarif plein 10 €, tarif réduit 8 €, jeudi 14 septembre: 18h et 19h45 visites guidées décalées, 21h bal; vendredi 15 septembre: 21h bal; samedi 16 septembre 11h à 18h visites guidées décalées, répétitions publiques, jam session 21h bal; dimanche 17 septembre, 11h à 18h visites guidées décalées répétitions publiques jam session.


Archive pour 14 septembre, 2017

Catania, Catania d’Emilio Calcagno

Festival Le Temps d’aimer à Biarritz:

Catania, Catania d’Emilio Calcagno

IMG_878Le titre du dernier spectacle du chorégraphe sicilien invité à ce festival rappelle celui du superbe Palermo Palermo, créée par Pina Bausch en 1989 après une longue résidence dans cette ville et qui marquait le début d’une série de collaborations qu’elle et sa compagnie allaient entamer avec différentes villes ou pays: Hong-Kong, Lisbonne, Istanbul, Rome, Budapest, l’Inde…). 1989, c’est aussi l’année où le jeune Calcagno quittait la Sicile pour étudier la danse et faire carrière en France.

Il sera en effet danseur auprès d’Angelin Preljocaj pendant une quinzaine d’années avant de se lancer dans la chorégraphie. Quelques pièces importantes jalonnent déjà son parcours mais cette dernière création comporte toute l’émotion d’un retour aux sources. Catania, Catania est comme un cri lancé par Emilio Calcagno à sa ville natale, après vingt-sept ans d’absence. Un cri de rage, un cri d’amour. Mais bien sûr, si l’on s’attend à une analyse de la singularité sicilienne, une signification tant soit peu rationnelle ou poétique des rapports entre pouvoir et mafia, c’est raté.

Il s’agit ici d’une subjectivité brute, d’un afflux de souvenirs, réels ou imaginaires, transposés dans un climat baroque et halluciné, où il est question de mère toute puissante, de frustration sexuelle, de jalousies féminines et de jeux légèrement pervers. Emilio Calcagno déverse, dans le désordre le plus absolu-à l’image de sa ville-bouts d’enfance, bribes de catholicisme, bruits de marché et de processions, auxquels s’ajouteront au fur et à mesure, éparpillées sur le plateau, des tonnes d’oranges et de citrons, fruits à la sicilianité prononcée, et nombre de poubelles…

Le spectacle commence par une longue interview télévisée-qui avait fait scandale en Italie- par le journaliste Bruno Vespa, de Salvo Riina, fils du chef suprême de la mafia, Totò Riina, lors de la sortie de son livre-et peu après sa sortie de prison-Riina, Family Life. Ce préambule rappelle la réalité mafieuse où s’est embourbée la Sicile; le chorégraphe Calcagno nous le fait écouter, alors que les lumières du théâtre ne sont pas encore éteintes, comme pour l’éloigner de la fiction théâtrale et en souligner la réalité.

 Puis la question de la mafia est définitivement évacuée, et il n’y a plus qu’un vaste chaos orchestré par une violente musique électronique. Dix performeurs, à la gestuelle compulsive, se déchaînent avec passion pendant les cent minutes du spectacle. Performeurs et non danseurs ; il s’agit ici plutôt d’une sorte de happening. A part un moment de danse en groupe, assez convaincant, le reste n’est qu’une suite d’apartés en solos, duos ou trios, chacun avec sa propre partition, mais le tout semble très aléatoire, fragile et désordonné: peut-être la réalité de Catane?

Parmi les dix interprètes, tous très motivés, six Siciliens qui, bien sûr, ont une intensité particulière quand il s’agit d’évoquer la folie d’une île aussi belle, excessive, violente et insoumise qui a connu les Phéniciens, les Grecs, les Arabes, les Normands, les Espagnols… Et qui a donné des écrivains comme  Giuseppe Tommasi di Lampedusa, Luigi Pirandello, Leonardo Sciascia, une île toujours sous la menace d’un tremblement de terre ou d’une éruption volcanique.

Les répétitions ont eu lieu dans des studios près de Catane, au pied de l’Etna. La sensation d’urgence et la volonté de vivre à tout prix qui se dégagent de Catania, Catania doivent certainement aussi beaucoup à la présence si proche du volcan. A la fin, aux rythmes déchaînés du compositeur Pierre Le Bourgeois, succède la voix de Patty Pravo dans un tube des années 80, Un Pensiero stupendo, qu’Emilio Calcagno écoutait lors de son adolescence tourmentée, marquée par un désir irrépressible de danser, en opposition à un milieu où cela restait difficilement envisageable pour un garçon.

 Ce spectacle, cathartique s’il en est, lui donne l’occasion de régler ses comptes avec une ville pleine de vie, de bruit et de fureur, qu’il aime sans doute mais qui l’irrite tout autant. La sincérité de son propos, si elle rend sa pièce émouvante, comporte aussi un défaut inhérent à une passion mal maîtrisée.

Emilio Calcagno a le nez dans le guidon et nous sert tout en vrac! Et sa pièce ressemble un peu au foutoir d’un brocanteur où le client (en l’occurrence le spectateur) peut trouver  parmi un tas de vieilleries (en l’occurrence des lieux communs) quelques pépites. Mais il faut les chercher !

 Sonia Schoonejans

 

 

Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, mise en scène de Julien Gosselin

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

 

Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq, adaptation et mise en scène de Julien Gosselin

Le Théâtre de l’Odéon reprend ce spectacle tiré  du roman (1998), devenu en quelques années, un livre-culte, réédité en collection de poche, dont les gens de vingt ans à l’époque, ont fait leur petite madeleine. Nous vous en avions dit tout le bien et un peu de mal, il y a deux ans, quand il avait été présenté aux Ateliers Berthier-Odéon, après avoir été créé au festival d’Avignon (voir aussi l’article de Véronique Hotte dans Le Théâtre du Blog).

Pas de grands bouleversements par rapport à la première version. On distribue toujours des bouchons pour les oreilles trop sensibles aux basses, et il y avait de quoi surtout dans le seconde partie, tant cela frisait l’insupportable ; de ce côté-là, Julien Gosselin a mis la pédale douce; le public très attentif mais toujours pas de la première jeunesse, même si on y croise quelques étudiants, est ravi de découvrir un nouveau type de théâtre, celui d’une nouvelle génération de femmes et d’hommes dans des « collectifs » de théâtre, tels qu’on les a vus émerger en quelques années, et en rupture (apparente!) avec l’institution.

Ce phénomène théâtral du début du XXIème siècle fera d’ici peu, à n’en pas douter, l’objet de thèses universitaires… Avec, comme dénominateurs communs chez ces collectifs, un texte souvent très présent-de théâtre mais aussi de romans classiques ou contemporains-adapté, si besoin est, voire réécrit sans état d’âme, et à l’opposé de toute dramaturgie classique. Avec aussi, une prédominance fréquente de l’image filmée, et une longueur de quelques heures voire plus, et une prédilection pour le théâtre-récit et des lumières blanches froides et un son-enregistré ou non-parfois très violent, avec prédominance de basses.

Ces collectifs composé d’une dizaine voire plus de jeunes acteurs, musiciens, vidéastes, etc… pour la plupart récemment sortis d’une bonne école de théâtre et soudés par une expérience de travail effectué dans la plus grande précarité sont dirigés par l’un des leurs metteur en scène ambitieux et aussi chef de troupe, et souvent auteur d’une scénographie minimale, sur un plateau presque nu qui emprunte souvent aux codes de l’art contemporain, et en particulier à ceux de la performance (Gina Pane, Orlan, etc. ). Avec une  idée graphique impressionnante: des titres projetés en gros caractères.

Costumes a-historiques, souvent venus de friperies, peu d’accessoires, quelques instrumentistes qui sont aussi acteurs, pour ces spectacles que les institutions ont vite accueilli pour y trouver un peu de sang neuf! (Chaillot, Théâtre de la Ville, Odéon…). Le spectacle, que nous avions trouvé encore brut de décoffrage, a pris comme on dit, de la bouteille, après quelques dizaines de représentations un peu partout et il est maintenant très au point. Et on voit mieux les étonnantes  fulgurances scéniques, malgré quelques réserves : la diction reste faiblarde quand il n’y a plus de micros. Le spectacle semble un peu coincé et sans doute moins à l’aise qu’aux Ateliers Berthier; sa scénographie minimale, signée et donc revendiquée par Julien Gosselin est moins impressionnante sur cette scène à l’italienne sans pendrillons, (les décors traditionnels en contre-plaqué, trop chers en ces temps de crise, ont été mis aux oubliettes)…  Il y a juste un praticable en fond de scène avec des tables à tréteaux, des micros sur pied et des caméras, et des chaises et les acteurs qui ne jouent pas sont assis et dont on voit parfois le visage grossi à l’écran. Le régisseur-son, est cette fois, en fond de salle.

Guillaume Bachelé, qui est aussi le créateur de la musique, et les acteurs dont  Alexandre Lecroc, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Tiphaine Raffier comme Julien Gosselin, n’ont pas la trentaine mais sont tous dotés d’un solide métier: diction, gestuelle, impeccable présence (dénuée de tout cabotinage, ce qui n’est pas si fréquent) et unité de jeu exceptionnelles, comme on en rêve quand on va souvent au théâtre….

Au milieu, un rectangle de pelouse auquel succèdera, dans la seconde partie, un sol nu. Et, en fond de scène, un grand écran où se succèdent la retransmission de scènes tournées en direct, les titres des épisodes, des petits arbres généalogiques pour expliquer qui est qui, dans cette histoire familiale. Pour dire, (de façon un peu schématique mais comment faire autrement?) l’histoire de deux demi-frères, Bruno, en proie à une boulimie sexuelle, et Michel, un chercheur scientifique très en pointe qui travaille sur la reproduction des humains, sans passer par la case accouplement…

Bref, on s’en doute: ici, le sexe n’est guère joyeux et on en parle en termes crus: bite, vulve… et les personnages  sont obsédés par la mort et le suicide, comme celles des femmes qui aiment les deux frères. Mais aussi par le vieillissement irréversible qui les attend.
C’est aussi un prétexte chez l’auteur pour régler ses comptes avec une société issue de 68, celle des ses parents, et  obsédée par la quête de l’amour, et pour décrire celle qui attend nos successeurs dans un siècle… Une voix off féminine dit d’abord, et dans le noir complet, le prologue du roman, aussi prophétique que pessimiste: « Ce livre est avant tout l’histoire d’un homme,  qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe, durant la seconde moitié du XXe siècle. Généralement seul, il fut cependant, de loin en loin, en relation avec d’autres hommes ». Il vécut dans des temps malheureux et troublés. Le pays qui lui avait donné naissance basculait lentement, mais inéluctablement dans la zone des pays moyens-pauvres … »

Julien Gosselin a choisi la voie du théâtre-récit, avec des interprètes auxquels, il fait entièrement confiance. Placés face public, ils disent le texte plus souvent qu’ils ne le jouent vraiment, mais avec, à la fois distance et conviction. Julien Gosselin possède une intelligence du spectacle dans son ensemble et une maîtrise du plateau, assez exceptionnelles,  qui rappelle celle qu’avait Bob Wilson à son âge. Rien n’est laissé au hasard dans cette mise en scène, claire, lisible, bien rythmée et dotée d’un étonnant sens de l’image qui doit beaucoup aux vidéos de Pierre Martin, et à l’impeccable lumière de Nicolas Joubert.

Et cela, malgré la difficulté du vocabulaire et de la syntaxe de Michel Houellebecq multipliant analyses scientifiques, dialogues et récits, avec une méticulosité et une ironie implacables. Il caricature avec férocité, une leçon de yoga dispensée dans un club de vacances. C’est un peu facile mais efficace, et fait rire le public mais moins qu’avant.

Julien Gosselin a bien lu, relu et assimilé son Houellebecq, et arrive à rendre tout à fait crédibles ses personnages, soumis à une compétition sexuelle permanente et en proie à une tristesse métaphysique, qui essayent de bricoler leur petite vie, mais dont l’échec est programmé. Rien à faire, hommes et femmes appartiennent à des planètes différentes… Constat amer, désabusé et, en même temps, plein de compassion de Michel Houellebecq.
Julien Gosselin a raison de dire que l’écriture de ces Particules élémentaires n’est pas cynique, mais plutôt désespérée, ce dont rend très bien compte sa mise en scène. Le spectacle possède une grande rigueur mais le metteur en scène  a eu du mal (mission impossible !) à construire une dramaturgie qui prenne en compte les multiples facettes et intrigues du roman.

La première partie  a toujours quelque chose d’un peu académique malgré les apparences (nous n’avons pu revoir la seconde partie faute de temps) et Julien Gosselin se contente le plus souvent de faire débiter le texte face public: une manie chère à Stanislas Nordey et qui devient contagieuse parmi les jeunes metteurs en scène.  Cela passe, parce que fait avec exigence ,mais il n’arrive quand même pas à nous épargner de sacrés tunnels, et cela sommeille sec dans la salle. Sauf quand une bourrasque de fumigènes généreusement dispensée réveille et fait tousser  le public…Cela dit, Julien Gosselin possède un sacré talent!

Il avait mieux réussi la seconde partie, beaucoup plus vivante, et qui fait davantage théâtre, comme dirait Antoine Vitez… Mais ce n’est pas ici, comme annoncé sur le programme, Les Particules élémentaires, seulement des extraits choisis,  et deux heures suffiraient sans doute largement à la démonstration… au lieu des  trois heures cinquante avec entracte. A vous de choisir !

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Odéon, Paris VIème, jusqu’au 1er octobre.

 

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