Le Temps d’aimer la danse: Spectre (s)

Le Temps d’aimer la danse à Biarritz

Spectre (s), Christine Hassid Project.

©Jean Couturier

©Jean Couturier

Belle découverte que ce triptyque, composé de variations autour du Spectre de la Rose, d’après un poème de Théophile Gautier. Christine Hassid ajoute une touche personnelle très originale à cette pièce mythique des Ballets Russes, créée par Michel Fokine le 19 avril 1911 à l’Opéra de Monte-Carlo avec Tamara Karsavina dans le rôle de la jeune femme et Vaslav Nijinski dans celui du spectre… et reprise depuis par de nombreux chorégraphes.

Cette création est un petit bijou d’intelligence scénique, servi par un beau travail de lumière, signé Alberto Arizaga pour le premier duo espagnol  et Francois Menou pour le deuxiéme duo; une partition musicale de Clément Doumic vient s’insérer,  dansdes morceaux du Songe d’une nuit d’été de Berlioz et de l’Invitation à la danse de Carl Maria Von Weber…

Première femme à reprendre ce Spectre, Christine Hassid s’est entourée de trois jeunes danseurs du groupe basque Dantza, qui apportent une fraicheur et une légèreté à la première partie du spectacle. Puis, inversant les rôles du livret original, la chorégraphe a confié celui du spectre de la fleur à une femme, Andrea Loyola, qui apparait en costume beige,  et ici,  la Rêveuse est un homme : Agustin Martinez, torse nu et en tutu rouge. Ces  fougueux espagnols se cherchent, se touchent, se mordent parfois et se repoussent, sur un rythme lent.

Troisième partie magique. Danseurs exceptionnels, Aurélien Houette et Mohamed Toukabri, entament un dialogue gestuel d’une grande sensualité évoquant le souvenir de ce parfum de rose. L’un vient de l’Opéra de Paris, l’autre de la compagnie de Sidi Larbi Cherkaoui et de la Need Company de Jan Lauwers. Et leurs styles se complètent parfaitement. Mouvements précis et doux, les appuis légers, et sauts défiant la pesanteur.

La voix de Georgia Ives nous livre le poème de Théophile Gautier par fragments, comme dans un rêve : «Soulève ta paupière close qu’effleure un songe virginal. Je suis le spectre d’une rose que tu portais hier au bal/ O toi qui de ma mort fus cause. Sans que tu puisses le chasser toute la nuit, mon spectre rose à ton chevet viendra danser.»

Un moment rare, plein de poésie qu’on aimerait voir sur d’autres scènes hexagonales et internationales.

 Jean Couturier.

Spectacle vu au Colisée le 16 septembre. www.letempsdaimer.com

 


Archive pour 19 septembre, 2017

(Re)Lectures: Les Métamorphoses d’Ovide: Orphée et Eurydice

 

(Re)Lectures: Les Métamorphoses d’Ovide: Orphée et Eurydice

 

©Musée du louvre

©Musée du louvre

La Pop, la belle péniche dirigée par Geoffroy Jourdain et Olivier Michel offre des chemins où le public, “qu’il soit familial, néophyte, curieux ou exigeant est invite à emprunter  pour découvrir la puissance de sons et de la musique. Le principe est le suivant; proposer à des comédiens, accompagnés s’ils le souhaitent, par d’autres artistes-créateurs sonores, musiciens, scénographes, metteurs en scène, etc. de s’approprier une épopée, un mythe qui a nourri l’histoire des arts, notamment lyriques et dramatiques, et d’en faire le récit.”

 Une première édition avait été dédiée en 2016 au célèbre Roman de Tristan et Yseult , et cette année, lui succèdent les non moins célèbres Métamorphoses d’Ovide à l’occasion du bimillénaire de sa mort. Avec une sélection de quatre mythes: Orphée et Eurydice, Echo et Narcisse, Daphné et Apollon, Callisto et Arcas. Soit quatre récits, chacun lus par deux équipes différentes. Pour faire résonner différemment le texte dont chaque groupe s’empare.

La première lecture  réunissait Thomas Bouvet, comédien et metteur en scène, Sophie Arama, soprano, et Valentin Fayaud, musicien et compositeur au synthé. D’abord, on écoute assez ensorcelé la poésie d’Ovide qui inspira tant d’œuvres: musique, opéras et ballets, pièces de théâtre, tableaux, mangas et vidéos… et la belle voix de la chanteuse lyrique…

Mais très vite la pénombre permanente  et le parler monocorde sans aucune aspérité n’aide pas à recevoir correctement ce poème, et cet essai assez soporifique pour faire concilier motifs de nappage musical  répétitif ne fonctionne pas. Surtout quand il s’agit d’une lecture forcément  statique. Dommage! Mais il y aura d’autres épisodes, dont Callisto et Arcas,  dernier de la série avec Emilie Incerti Formentini et Guillaume Vincent, qui devrait être plus tonique, le dimanche 5 novembre à 15h 30.

 Philippe du Vignal

 Re (lectures) jusqu’au  5 novembre à 15h 30 à la Péniche Opéra, face au 34 quai de la Loire Paris XIXème. Métro Jaurès, Laumière et Stalingrad.

 

 

Le Temps d’aimer la danse :Golden Days par la compagnie Aterballetoto

 

Festival Le Temps d’aimer la danse à Biarritz

 

Golden Days par la compagnie Aterballetto

©Caroline de Otéro

©Caroline de Otéro

Un riche festival comme celui-ci nous permet de découvrir des compagnies hors des circuits habituels des centres chorégraphiques nationaux. La Fondazione nazionale della danza fête ses quarante ans avec un programme de danse contemporaine dirigé par Johan Inger, ancien du ballet suédois Cullberg et chorégraphe associé pendant huit ans au Nederlands Dans Theater à Amsterdam.

 Avec des musiques qui pèse d’une grande puissance émotionnelle ! Raindogs d’abord, un ballet créé en 2013 sur une chanson de Tom Waits, compositeur qui a fait la gloire des films de Jim Jarmusch et de Black Rider de Bob Wilson.  Cette chanson a inspiré au chorégraphe une danse un peu brouillonne, influencée par les multiples rencontres croisées au cours de sa carrière. Johan Inger joue la carte de la nostalgie: les danseurs évoluent sous une pluie de confettis devant, en fond de scène, un mur de radiocassettes et de haut-parleurs.

 Un solo, Birdland avec Ivana Mastroviti, composé spécialement pour ce triptyque sur une musique de Patti Smith; pendant que les  régisseurs nettoient et transforment le plateau, la jeune danseuse, en combinaison noire à paillettes, essaye de se mouvoir parmi eux en malicieuse fée clochette.

Bliss, créée en 2016, la dernière partie et de loin, la plus intéressante, est défendue par de jeunes et excellents danseurs. L’émotion nous étreint quand, sur des variations improvisées au piano par Keith Jarrett lors de son Köln Concert, les interprètes en costumes pastel s’engagent pleinement.

Mélancolie, mélancolie ! Que Johan Inger revendique : «Quand on commence à vieillir, on a tendance à se retourner sur son passé. Pour moi, ces morceaux rappellent les jours heureux de ce passé.» Cette danse légère a emporté l’enthousiasme du public.

Jean Couturier

Spectacle vu à la Gare du midi, le 15 septembre. www.letempsdaimer.com

 

Nouvelle saison au T2G

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La nouvelle saison au T2G

Le Théâtre de Gennevilliers était devenu Centre Dramatique National en 1983, soit dix-neuf ans après que Bernard Sobel en ait pris la direction. En 2007, Pascal Rambert lui succéda et Daniel Jeanneteau qui a été le directeur du Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine pendant neuf ans, inaugure cet automne sa première saison à la tête du T2G.

Scénographe de formation, il a, dit-il, «commencé sa vie dans le théâtre en accompagnant le travail des autres, puis a dirigé le Studio-Théâtre de Vitry-sur Seine,  et cette année a été candidat à la direction de ce grand centre dramatique, « modèle dangereusement fragilisé, parce que c’est en banlieue, à Saint-Denis, que je vis et que c’est aussi là que la place et la fonction de la création contemporaine sont les plus violemment interrogées. »

Daniel Jeanneteau, quand il a présenté sa saison, est revenu à plusieurs reprises sur la nécessité de la création: «Une nouvelle génération d’artistes s’engage aujourd’hui en prenant la direction des Centres Dramatiques Nationaux, réinventant les modalités de la rencontre et du partage, tout en affirmant la création comme fonction vitale de la communauté. C’est dans cet esprit que je veux mener mon aventure dans cette belle et grande maison, par un travail de renouvellement incessant, a fait l’une des scènes où la modernité s’invente. » (…) Tout a changé autour de nous et le théâtre français est bien en retard. Il y a une révolution à faire dans nos imaginaires et dans nos catégories. L’esprit est en retard sur les corps, et le monde va plus vite dans la rue. »

Daniel Jeanneteau a ainsi décidé de mettre en place des ateliers gratuits, libres, un jeudi sur deux, de 19h 30 à 23h, qu’il proposera aux habitants, surtout amateurs. Mais aussi un comité des lecteurs non professionnels, «dédié à la mise en commun de textes déjà portés à la scène ou non, édités ou pas encore, français ou traduits, collectés par Stéphanie Béghain. Lors de rencontres régulières, les discussions permettent de croiser, au fil des écrits, des préoccupations critiques, et pour quoi pas, de composer des dramaturgies communes. »
Et la Revue Incise, dirigée par Diane Scott et créée en 2014 au Studio-Théâtre de Vitry, sera désormais portée par le T2G. Daniel Jeanneteau a aussi privilégié les partenariats avec entre autres, l’IRCAM, le centre Georges Pompidou, et les théâtre voisins de Gennevilliers…

Et DUUU webradio dédiée à la création contemporaine fondée en 2012 et basée à Genevilliers, est dirigée par des artistes  (arts visuels, poésie, danse musique…). Elle émet en direct depuis des lieux de la ville, explore le territoire à la rencontre d’habitants et de collectifs, et a installé sa base au T2G.

Autre initiative : un projet avec Hideto Iwai, auteur et metteur en scène japonais, ancien «hikimori» : adolescent qui a vécu pendant quatre ans reclus dans sa chambre, coupé du monde. Il fait un théâtre très hybride entre amateur et professionnel, dit Daniel Jeanneteau qui l’a invité à Gennevilliers «pour tenter l’aventure d’une création en immersion dans la ville, avec pour objectif des représentations à l’automne 2018. »

Et le T2G rejoindra le projet de création d’un spectacle initié par l’Odéon-Théâtre de l’Europe, avec une vingtaine de jeunes participants de quinze à vingt ans habitant Paris, Clichy, Gennevilliers et Saint-Ouen, sous la direction de Clémentine Baert.

Le Café du Théâtre (avec wi-fi) ouvrira tous les après-midi dès 15h, et les soirs de représentation; par ailleurs, les terrasses végétalisées de quelque 2.000 m2 sur le toit du proche marché couvert seulement accessibles par le théâtre seront rénovées et utilisées comme espaces de rencontres et de potager pour le restaurant.

Du côté théâtre, plusieurs reprises de spectacles créés par Daniel Jeanneteau comme Les Aveugles de Maurice Maeterlink, La Ménagerie de verre de Tennesse Williams et du formidable Pauvreté, Richesse, homme et bête*, d’un auteur allemand trop peu connu en France, Hans-Henny Jahn (1894-1959) romancier, dramaturge, facteur d’orgue et éditeur de musique, antimilitariste et adversaire du nazisme, remarquablement mis en scène par Pascal Kirsch (voir Le Théâtre du Blog.

Reprise aussi-malheureusement-de Nous ne sommes pas repus d’après Le Déjeuner chez Wittgenstein, conception de Séverine Chavrier. Un spectacle assez prétentieux, bien peu apprécié par la critique dont nous-même ( voir Le Théâtre du Blog) et le public de l’Odéon. Mais Daniel Jeanneteau le considère, lui, comme un travail exemplaire de théâtre d’avant-garde ! Il y aura aussi plusieurs spectacles de danse dont celui de Christian Rizzo.

Du côté de la création, entre autres : un concert Music-hall d’Algérie des année cinquante avec le conservatoire Edgar Varèse de Gennevilliers, une adaptation de L’Iliade par Daniel Jeanneteau et Le Chat n’a que faire des souris mortes de Philippe Dorin, très bon écrivain de théâtre jeune public (voir Le Théâtre du Blog. Il y aura aussi  Blablabla, une création tout public, conception de L’Encyclopédie de la parole, mise en scène de , Price de Steve Tesch, mise en scène de Rodolphe Dana… Un spectacle de Lazare, un autre du Théâtre Déplié, co-animé par Adrien Béal et Fanny Descazeaux, et associé au Théâtre de Dijon-Bourgogne. Et le festival Impatience, consacrée aux très jeunes compagnies ou collectifs qui aura lieu à la fois à la Gaieté lyrique à Paris et au T2G.

Soit une programmation bien conçue mais sans grande surprise et orienté en grande partie vers la création, ce qui semble obséder un peu Daniel Jeanneteau. Mais on aurait bien aimé qu’il y ait au moins un classique, et/ou un spectacle de théâtre vraiment grand public, et drôle si possible. Par les temps qui courent, ce ne serait pas un luxe mais le comique a  souvent été le maillon faible du théâtre subventionné !

Désolé mais telle qu’elle apparaît, la programmation de Daniel Jeanneteau, pour intéressante qu’elle soit, tient davantage de celle du Studio-Théâtre-donc tirant plutôt vers la recherche et la création, mais sous un format plus grand et avec les moyens d’un Centre Dramatique National. Mais cela correspond-t-il aux besoins de la population de cette ville-où fut autrefois créée Le Mariage de Figaro,  est devenue à la fin du XIXème siècle, une ville industrielle avec usines diverses : voitures Ford, chimie, produits alimentaires, alcools, chaudronnerie, laboratoires pharmaceutiques, etc. Gennevilliers compte maintenant quelque 45.000 habitants, et plus de la moitié des jeunes de moins de dix-huit ans ont au moins un parent immigré ( Maghreb, Afrique…). Ce qui si on veut bien regarder les choses en face, change fondamentalement la donne.

Reste donc une véritable question : un Centre Dramatique, national comme celui-ci ou pas, peut-il encore contribuer à créer une cohésion sociale, ciment indispensable à la démocratie, et si oui, avec quel programme ?  En fait, nombre de Centres Dramatiques semblent à la recherche d’un nouveau paysage théâtral, en privilégiant souvent les nouvelles technologies et la création à tout prix, comme pour se rassurer sur leur avenir. Quant à la Ministre de la Culture, Françoise Nyssen, obligée en juillet dernier de venir au secours de Régine Hatchondo, directrice des spectacles qui avait commis quelques déclarations injurieuses sur les Centres Dramatiques, elle n’a pas, semble-t-il, pas encore fixé de nouveau cap.

Daniel Jeanneteau a bien créé un système pass très libre et peu cher mais un programme comme celui qu’il propose, attirera-t-il les jeunes et la population locale au T2G plutôt que les enseignants et les cadres? On peut en douter et on aurait aimé un peu plus d’audace! Il y a bien une navette après les spectacles pour les Parisiens mais pas, semble-t-il, pour les habitants de Gennevilliers! L’horizon théâtral ne paraît pas, ici comme ailleurs, très dégagé et rien ne semble vraiment bouger… à l’image de la société actuelle. C’est pourtant une priorité pour le théâtre et le spectacle français en général.

Philippe du Vignal

Le T2G-Théâtre de Gennevilliers 41 avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers. T: 01 41 32 2610. Accès ligne 13 arrêt Gabriel Péri.

*Pauvreté, Richesse, Homme et Bête, paru en 1948, a été traduit en 2008 par Huguette et René Radrizzani,  éditions José Corti.

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