La Maison Maria Casarès

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La Maison Maria Casarès

 

images« Maria Casarès, comme vous le savez, a eu une carrière exceptionnelle. Son enfance fut assez tragique. Elle était la fille du Premier ministre de la jeune république espagnole.(…). Avec sa famille, elle dut s’enfuir. L’exil, donc. La France. Paris. Très vite, le théâtre. (…) Un jour, c’était vers la fin de la guerre, quelqu’un lui présenta un auteur de théâtre jeune et séduisant. (…). Elle fut engagée pour jouer dans sa première pièce qui s’appelait Le Malentendu. Elle y fut très intense, vibrante,(…) . Albert Camus tomba sous le charme.
Elle joua aussi à la création, des Justes. Et puis dans État de siège quelque temps plus tard. Il l’adorait toujours.(…). Et puis un jour, Camus est mort. Dans un accident de voiture. Pour Maria, ce fut un évènement terrible. Elle commença à dépérir (…) Quelques amis ont alors eu l’idée de lui faire acheter une maison. »

 Ainsi commence Les Fantômes d’Alloue, conte imaginé par Rémi de Vos pour accompagner une visite théâtralisée dans le domaine de La Vergne, lors du premier festival d’été de la Maison Maria Casarès. Cinq hectares de prés et d’îles au bord de la Charente. Une grande maison flanquée de tours, des communs qui délimitent une vaste cour intérieure ombragée. Située au cœur de la Charente limousine, à équidistance de Poitiers, Angoulême et Limoges, le lieu tient son nom des vergnes, c’est-à-dire des aulnes, le long de la nonchalante rivière.

 « La maison de Maria Casarès, poursuit Rémi de Vos, c’est ça : un puissant antidote au chagrin, à la douleur d’aimer, à la perte irrémédiable. Parfois, dans la maison, on entend des bruits étranges. On sent une présence. Là-haut, dans la bibliothèque, il y a des livres d’Albert Camus. Certains sont dédicacés. (…) . »Selon le conte, d’autres fantômes peupleraient les lieux : Jean-Paul Sartre, Paul Claudel et Jean Genet « qui ne se fréquentaient pas de leur vivant, et s’ignorent tout autant fantômes. Et comme Maria est ici, ils sont bien obligés de venir ! (…). Le dernier auteur qui hante parfois ces murs s’appelle Bernard-Marie Koltès(…). Bernard-Marie Koltès avait vu Maria Casarès jouer Médée quand il était jeune et sa vie en avait été transformée. (…) C’est elle qui lui avait inoculé la passion du théâtre à vingt ans et là, des années plus tard, elle créait une de ses pièces sous la direction de Patrice Chéreau. Pas mal ! Il vient pour Maria qui le retrouve dans ce théâtre qu’elle n’a pas connu. »

 Aujourd’hui  un théâtre a été créé dans l’ancienne grange, ainsi que des logements pour accueillir de jeunes équipes de création. Quand Maria Casarès, sans héritiers, fit don de La Vergne, à la commune d’Alloue, bourg de cinq cents habitants, pour « remercier la France d’avoir été une terre d’asile  », le maire, en toute logique, chercha conseil auprès de la Maison Jean Vilar, à Avignon, étant donné le long compagnonnage de la comédienne avec le Théâtre National Populaire. Ainsi naquit et prit corps, impulsée par sa directrice Véronique Charrier et son président François Marthouret, un centre de résidence et de création la Maison des Comédiens Maria Casarès …

 Depuis janvier 2017, Mathieu Roy et Johanna Silberstein, fondateurs de la compagnie du Veilleur à Poitiers, se partagent la direction du lieu avec des projets plein les cartons. « Quatre axes de développement, explique Johanna Silberstein : théâtral, agricole, pédagogique et numérique, afin d’ouvrir la maison vers l’extérieur, et de favoriser les rencontres entre les acteurs de ces différents domaines culturels  »

 L’axe théâtral se décline en saisons : au printemps des équipes de jeunes créateurs choisies par un jury répètent leur spectacle pendant un mois et le montrent à l’issue de cette résidence. A l’automne, ils reviennent, présenter des maquettes aux “Rencontres jeunes pousses“, devant un public local et des professionnels. Cette première année, après un appel à projet, les dossiers de soixante-quinze candidats, sortis des écoles nationales ou privées depuis moins de cinq ans, ont été examinés par les jurés, et quatre ont été retenus. Les équipes bénéficient ensuite d’un accompagnement artistique et administratif, pour la diffusion de leur spectacle.

En été un festival, « pour sortir du laboratoire et ouvrir sur le territoire », permet au public de la région, Charentais et vacanciers, de découvrir ce lieu de mémoire tout en assistant à des spectacles. Il a été inauguré cette année avec trois productions issues du répertoire de la compagnie du Veilleur, exploitées pendant un bon mois. Mille cinq cents entrées. Johanna Silberstein n’exclut pas d’inviter bientôt d’autres compagnies.

L’axe agricole en gestation verra la mise en place des expériences de permaculture sur le domaine, avec des associations de paysans et des lycées agricoles. La plantation d’un « jardin remarquable » est à l’étude. L’axe pédagogique se met en place: d’ores et déjà, des élèves visitent le domaine, et la maison est associée à l’université de Poitiers. Culture et agriculture, ces deux domaines d’enseignement font ici bon ménage. Un travail de mémoire est aussi entamé : un groupe d’architectes urbanistes et paysagistes va établir l’inventaire du bâtiment, du mobilier et du paysage, afin d’étudier comment la mémoire de Maria Casarès cohabite et se prolonge avec les projets futurs

 Le quatrième axe, encore en jachère, se situe dans le domaine du numérique, en association notamment avec le pôle d’images animées d’Angoulême. Il s’agirait d’accueillir de jeunes artistes, en lien ou pas avec de projets théâtraux, la création numérique étant de plus en plus présente sur nos scènes, de manière pas toujours bien maîtrisée .

 Avec cet ambitieux programme, Mathieu Roy, metteur en scène et Johanna Silberstein, comédienne et enseignante, à la tête d’une toute petite équipe, visent à créer un site polyculturel ouvert au public au rythme des saisons, pour s’inscrire dans une action territoriale, grâce au rayonnement qu’offre la grande région Nouvelle Aquitaine. A ce titre, l’Office artistique région Nouvelle Aquitaine (OARA) y installe une antenne poitevine. La maison Maria Casarès veut aussi s’ouvrir à l’international car elle bénéficie de deux labels : elle s’inscrit dans le réseau des Centres culturels de rencontre ( comme par exemple la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon) et celui des Maisons des illustres ( à l’instar de la Maison Jean Vilar). On y accueille des écrivains dans le cadre de d’échanges internationaux : cette année un réalisateur syrien, l’an prochain un dramaturge iranien…

Productions artistiques, agricoles, enseignement, échanges et transmission, ainsi le jeune et généreux binôme envisage-il les divers productions de La Casa Casarès.

 Mireille Davidovici

 Propos recueillis pendant les rencontres jeunes pousses du 18 septembre, auprès de Johanna Silberstein.

 Maison Maria Casarès, Domaine de la Vergne 16490 Alloue. T. 05 45 31 81 22 www.mmcasares.fr

 


Archive pour 25 septembre, 2017

La Maison Maria Casarès

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La Maison Maria Casarès

 

images« Maria Casarès, comme vous le savez, a eu une carrière exceptionnelle. Son enfance fut assez tragique. Elle était la fille du Premier ministre de la jeune république espagnole.(…). Avec sa famille, elle dut s’enfuir. L’exil, donc. La France. Paris. Très vite, le théâtre. (…) Un jour, c’était vers la fin de la guerre, quelqu’un lui présenta un auteur de théâtre jeune et séduisant. (…). Elle fut engagée pour jouer dans sa première pièce qui s’appelait Le Malentendu. Elle y fut très intense, vibrante,(…) . Albert Camus tomba sous le charme.
Elle joua aussi à la création, des Justes. Et puis dans État de siège quelque temps plus tard. Il l’adorait toujours.(…). Et puis un jour, Camus est mort. Dans un accident de voiture. Pour Maria, ce fut un évènement terrible. Elle commença à dépérir (…) Quelques amis ont alors eu l’idée de lui faire acheter une maison. »

 Ainsi commence Les Fantômes d’Alloue, conte imaginé par Rémi de Vos pour accompagner une visite théâtralisée dans le domaine de La Vergne, lors du premier festival d’été de la Maison Maria Casarès. Cinq hectares de prés et d’îles au bord de la Charente. Une grande maison flanquée de tours, des communs qui délimitent une vaste cour intérieure ombragée. Située au cœur de la Charente limousine, à équidistance de Poitiers, Angoulême et Limoges, le lieu tient son nom des vergnes, c’est-à-dire des aulnes, le long de la nonchalante rivière.

 « La maison de Maria Casarès, poursuit Rémi de Vos, c’est ça : un puissant antidote au chagrin, à la douleur d’aimer, à la perte irrémédiable. Parfois, dans la maison, on entend des bruits étranges. On sent une présence. Là-haut, dans la bibliothèque, il y a des livres d’Albert Camus. Certains sont dédicacés. (…) . »Selon le conte, d’autres fantômes peupleraient les lieux : Jean-Paul Sartre, Paul Claudel et Jean Genet « qui ne se fréquentaient pas de leur vivant, et s’ignorent tout autant fantômes. Et comme Maria est ici, ils sont bien obligés de venir ! (…). Le dernier auteur qui hante parfois ces murs s’appelle Bernard-Marie Koltès(…). Bernard-Marie Koltès avait vu Maria Casarès jouer Médée quand il était jeune et sa vie en avait été transformée. (…) C’est elle qui lui avait inoculé la passion du théâtre à vingt ans et là, des années plus tard, elle créait une de ses pièces sous la direction de Patrice Chéreau. Pas mal ! Il vient pour Maria qui le retrouve dans ce théâtre qu’elle n’a pas connu. »

 Aujourd’hui  un théâtre a été créé dans l’ancienne grange, ainsi que des logements pour accueillir de jeunes équipes de création. Quand Maria Casarès, sans héritiers, fit don de La Vergne, à la commune d’Alloue, bourg de cinq cents habitants, pour « remercier la France d’avoir été une terre d’asile  », le maire, en toute logique, chercha conseil auprès de la Maison Jean Vilar, à Avignon, étant donné le long compagnonnage de la comédienne avec le Théâtre National Populaire. Ainsi naquit et prit corps, impulsée par sa directrice Véronique Charrier et son président François Marthouret, un centre de résidence et de création la Maison des Comédiens Maria Casarès …

 Depuis janvier 2017, Mathieu Roy et Johanna Silberstein, fondateurs de la compagnie du Veilleur à Poitiers, se partagent la direction du lieu avec des projets plein les cartons. « Quatre axes de développement, explique Johanna Silberstein : théâtral, agricole, pédagogique et numérique, afin d’ouvrir la maison vers l’extérieur, et de favoriser les rencontres entre les acteurs de ces différents domaines culturels  »

 L’axe théâtral se décline en saisons : au printemps des équipes de jeunes créateurs choisies par un jury répètent leur spectacle pendant un mois et le montrent à l’issue de cette résidence. A l’automne, ils reviennent, présenter des maquettes aux “Rencontres jeunes pousses“, devant un public local et des professionnels. Cette première année, après un appel à projet, les dossiers de soixante-quinze candidats, sortis des écoles nationales ou privées depuis moins de cinq ans, ont été examinés par les jurés, et quatre ont été retenus. Les équipes bénéficient ensuite d’un accompagnement artistique et administratif, pour la diffusion de leur spectacle.

En été un festival, « pour sortir du laboratoire et ouvrir sur le territoire », permet au public de la région, Charentais et vacanciers, de découvrir ce lieu de mémoire tout en assistant à des spectacles. Il a été inauguré cette année avec trois productions issues du répertoire de la compagnie du Veilleur, exploitées pendant un bon mois. Mille cinq cents entrées. Johanna Silberstein n’exclut pas d’inviter bientôt d’autres compagnies.

L’axe agricole en gestation verra la mise en place des expériences de permaculture sur le domaine, avec des associations de paysans et des lycées agricoles. La plantation d’un « jardin remarquable » est à l’étude. L’axe pédagogique se met en place: d’ores et déjà, des élèves visitent le domaine, et la maison est associée à l’université de Poitiers. Culture et agriculture, ces deux domaines d’enseignement font ici bon ménage. Un travail de mémoire est aussi entamé : un groupe d’architectes urbanistes et paysagistes va établir l’inventaire du bâtiment, du mobilier et du paysage, afin d’étudier comment la mémoire de Maria Casarès cohabite et se prolonge avec les projets futurs

 Le quatrième axe, encore en jachère, se situe dans le domaine du numérique, en association notamment avec le pôle d’images animées d’Angoulême. Il s’agirait d’accueillir de jeunes artistes, en lien ou pas avec de projets théâtraux, la création numérique étant de plus en plus présente sur nos scènes, de manière pas toujours bien maîtrisée .

 Avec cet ambitieux programme, Mathieu Roy, metteur en scène et Johanna Silberstein, comédienne et enseignante, à la tête d’une toute petite équipe, visent à créer un site polyculturel ouvert au public au rythme des saisons, pour s’inscrire dans une action territoriale, grâce au rayonnement qu’offre la grande région Nouvelle Aquitaine. A ce titre, l’Office artistique région Nouvelle Aquitaine (OARA) y installe une antenne poitevine. La maison Maria Casarès veut aussi s’ouvrir à l’international car elle bénéficie de deux labels : elle s’inscrit dans le réseau des Centres culturels de rencontre ( comme par exemple la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon) et celui des Maisons des illustres ( à l’instar de la Maison Jean Vilar). On y accueille des écrivains dans le cadre de d’échanges internationaux : cette année un réalisateur syrien, l’an prochain un dramaturge iranien…

Productions artistiques, agricoles, enseignement, échanges et transmission, ainsi le jeune et généreux binôme envisage-il les divers productions de La Casa Casarès.

 Mireille Davidovici

 Propos recueillis pendant les rencontres jeunes pousses du 18 septembre, auprès de Johanna Silberstein.

 Maison Maria Casarès, Domaine de la Vergne 16490 Alloue. T. 05 45 31 81 22 www.mmcasares.fr

 

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